Vétérinaire à Tahiti, le paradis ? - La Semaine Vétérinaire n° 1743 du 07/12/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1743 du 07/12/2017

TÉMOIGNAGE

ACTU

Auteur(s) : PIERRE DUFOUR 

La Polynésie, bien que française, est parfois un peu oubliée. À 15 000 km de la France et 12 heures de décalage horaire, comment nos confrères exercent-ils dans ces îles ?

Pascal Ovaert (Liège 07) est installé depuis sept mois à Punaauia, sur Tahiti, l’île principale de la Polynésie. Après un beau parcours dans des îles (deux ans en Martinique, un an et demi en Corse et quatre à Wallis-et-Futuna), il est tombé amoureux du mode de vie insulaire, « plus simple et détendu, loin de l’agitation des grandes villes ». Dans sa clinique, tout juste rénovée, il soigne principalement des chiens, mais aussi des rongeurs, des lapins ou des coqs de combat. Il intervient également en élevage de porcs et de poules pondeuses. Dans un lieu où « il n’y a pas d’hiver », selon les mots de Jacques Brel. Cependant, au-delà de l’image paradisiaque d’une telle vie, celle-ci est aussi source de nombreuses difficultés quotidiennes pour un praticien.

Loin de tout

« En effet, ce sont principalement les difficultés pour s’approvisionner en médicaments qui pèsent sur l’exercice insulaire, témoigne notre confrère, avec des délais plus longs et des tarifs plus importants, car les produits, comme le matériel, doivent être importés, et ce à un prix, bien sûr, plus élevé. » Ce qui pose un problème de stock, de péremption des produits et de surcoût, ayant un impact direct sur la qualité des soins. Les offres sont aussi moins importantes qu’en métropole, avec peu de centrales d’achat, par exemple. La distance rend plus compliquée la réalisation de formations, même si la possibilité d’en suivre par le biais d’Internet augmente. De la même manière, l’éloignement entre les îles est parfois gênant, comme peut l’être l’incapacité à envoyer des prélèvements ou à faire des analyses rapidement. « Pour un jeune vétérinaire, difficile aussi de faire sa place, car le marché est déjà saturé, et l’île petite », poursuit-il.

L’animal, un enjeu de santé publique

Concernant le bien-être animal, notre confrère déplore une médicalisation des animaux trop peu importante, ainsi que de nombreux chiens errants, qui, livrés à eux-mêmes, sont souvent amaigris et très parasités. Ces chiens représentent un danger sur la voie publique, en particulier le long de la route de dégagement ouest (RDO), mais aussi sanitaire. « La lutte contre la leptospirose et des pathologies d’élevage comme la salmonellose pour les poules, ou la brucellose pour les porcs, sont des enjeux majeurs de santé publique », témoigne Pascal Ovaert. « L’animal est toujours considéré comme un animal de travail, mais cela change petit à petit », modère-t-il. En effet, les animaux prennent de plus en plus la place d’animaux de compagnie, mais beaucoup les abandonnent, par exemple lors de la mutation des “Popa’a” fonctionnaires vers la métropole. Concernant le bien-être animal, notre confrère aimerait voir la création d’une fourrière et une réelle prise en charge de ces animaux par la mairie.

Quel futur pour les animaux ?

Les choses évoluent, et le 10 juillet dernier une proposition de loi a été votée à l’assemblée de la Polynésie française afin de diminuer fiscalement le coût de la stérilisation (diminution des taxes). La stérilisation étant un levier important pour les vétérinaires, afin de contrôler les populations animales, et par conséquent la santé publique. Le Service de protection animale en Polynésie (Spap), association loi 1901, lutte également pour la condition animale en récupérant des animaux errants, en les soignant puis en les plaçant. Dans un autre registre, à Moorea, l’île sœur, notre consœur Cécile Gaspar a créé, en 2004, Te Mana o Te Moana, association et clinique vétérinaires dédiées à la protection et aux soins des tortues marines de l’archipel.