Il faut améliorer la biosécurité en élevage porcin - La Semaine Vétérinaire n° 1744 du 14/12/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1744 du 14/12/2017

CONGRÈS DE L’AFMVP

PRATIQUE MIXTE

L'ACTU

Auteur(s) : TANIT HALFON  

Pour son congrès annuel, l’Association française de médecine vétérinaire porcine s’est réunie les 30 novembre et 1 er décembre à Rennes autour de la biosécurité dans l’élevage porcin. Que ce soit en biosécurité externe ou interne, des progrès restent à faire.

En matière de biosécurité dans les élevages porcins, thème retenu cette année pour le congrès de l’Association française de médecine vétérinaire porcine (AFMVP), le praticien se doit de revêtir l’habit du coach. « Aujourd’hui, le travail du vétérinaire consiste non seulement à donner des conseils, mais aussi à vérifier qu’ils ont bien été suivis. Et à réfléchir à des solutions si ce n’est pas le cas. » Ce rôle, souligné par Jeroen Dewulf, de la faculté vétérinaire de Gand (Belgique), est apparu crucial, face à une situation qui semble stagner depuis quelques années. En témoigne une évaluation réalisée dans 77 élevages naisseurs-engraisseurs en 2012, qui avait montré de nombreuses lacunes, notamment dans la quarantaine, la qualité de l’eau d’abreuvement, la gestion des cadavres, l’hygiène au niveau de l’embarquement des porcs et la rigueur de la conduite d’élevage. En 2016-2017, une synthèse de 22 audits réalisés par l’Ifip, Institut du porc, avait révélé une grande disparité entre les élevages en matière de biosécurité, avec un taux de réponse global des points “à revoir” de 33 %. « On n’a pas beaucoup progressé, malgré les actions de sensibilisation du plan ÉcoAntibio 1 », souligne Isabelle Corrégé, de l’Ifip. Au travers de présentations de plusieurs cas cliniques, d’études scientifiques et de conférences plus théoriques, les participants ont pu revoir les principes de base de la biosécurité, et appréhender les principaux axes de progrès et les freins à la mise en œuvre de ces mesures.

Le temps de transport, un risque à ne pas négliger

Comme l’a rappelé Isabelle Corrégé, le temps de transport constitue l’un des principaux risques de diffusion d’une maladie, à l’échelle d’une région, mais aussi d’un pays. En 2014, 158 000 camions de transport de porcs vivants ont ainsi sillonné le territoire national, 42 000 ayant changé de régions (données Ifip et BDPorc). De plus, 4 800 véhicules ont circulé entre la France et les autres pays de l’Union européenne (Ifip et Eurostat), auxquels s’ajoutent ceux transitant par le territoire (données indisponibles). En 1988, un camion mal désinfecté en provenance d’Allemagne avait introduit la peste porcine aux Pays-Bas. Si cette affaire est ancienne, l’audit tout récent de 81 aires de lavage des camions de transport des animaux vivants, réalisé par l’Ifip à la demande de l’Association nationale sanitaire porcine, a révélé encore de nombreuses insuffisances. Par exemple : des aires de lavage avec un matériel inadapté (débits d’eau de lavage variables de 22 à 180 l, pas de désinfectant, pas de buse ou de robinet au bout du tuyau, etc.), des conceptions inappropriées (largeur réduite de la zone de lavage à l’origine de contaminations croisées entre camions, pas de marche en avant, etc.), des chauffeurs pas assez formés ou encore un nombre limité de contrôles.

D’autres modalités de contamination existent, telle que la présence d’animaux d’origines différentes dans le véhicule (tenir compte du statut sanitaire des élevages dans l’organisation des tournées) ou une circulation “non sécurisée” du camion et/ou du chauffeur dans l’élevage. Si la conférencière a insisté sur l’importance du nettoyage et de la désinfection du camion, se pose la question épineuse du prix : « Qui va en supporter les coûts ? »

Diviser le bâtiment pour mieux protéger les animaux

Face à un parc de bâtiments porcins vieillissant et à des agrandissements successifs, la gestion du déplacement du personnel et des animaux au sein de l’élevage peut devenir un véritable casse-tête et, de ce fait, être souvent négligée. John de Cleer, vétérinaire responsable de la gamme porcine chez Hipra, a rappelé les principes de segmentation des élevages, dont les zones s’organisent en fonction de la catégorie des animaux, directement en lien avec leur statut immunitaire. Ainsi, l’exploitation doit se diviser en deux zones : la zone naissage (verraterie, salles gestantes et de maternité) et la zone croissance (pour les porcelets en post-sevrage jusqu’au départ à l’abattoir). Les changements de zones nécessitent des passages contrôlés et réfléchis : « L’idée est d’établir une seule zone de circulation, comme un couloir, pour les porcelets entre la mater nité et le post-sevrage d’une part, et pour le personnel d’autre part. » Le passage par un sas entre la zone de naissance et de croissance, afin de changer entièrement de tenue, étant l’idéal pour le personnel.

Le principe est celui de la marche en avant, afin de minimiser la circulation de pathogènes (des truies vers les porcelets et vice versa), et de conserver une stabilité immunitaire au sein du troupeau. De plus, « pour un bon passage de la période critique chez les porcelets, il ne faut pas une forte pression d’infection », ce qui nécessite de protéger des agents pathogènes des truies. En effet, si la vaccination des porcelets permet d’immuniser contre certains d’entre eux, l’installation d’une immunité acquise et d’une protection contre les autres pathogènes nécessite la présence de germes, avec une faible pression d’infection pour ne pas déclencher la pathologie. À noter : la salle de quarantaine doit être préalablement nettoyée et désinfectée avant la réception des cochettes, le personnel devant porter une tenue spécifiquement dédiée à cette zone.

L’observance, un frein au progrès

Pour Isabelle Corrégé, l’observance (degré de concordance entre le comportement d’un individu et la recommandation) apparaît comme le principal facteur limitant aujourd’hui. Même discours du côté de Jean-Pierre Vaillancourt, professeur à la faculté de médecine vétérinaire de l’université de Montréal (Québec), qui a souligné que le pourcentage d’observance ne s’élevait que de 30 à 60 % suivant la mesure de biosécurité. Plusieurs raisons à cela : difficultés techniques dans la mise en place des recommandations, méconnaissance ou incompréhension des mesures proposées ou encore mauvaise perception des risques. Cette dernière, qui dicte le comportement des éleveurs, diffère suivant les individus, comme l’a souligné Jeroen Dewulf.« Si on compare la perception entre les experts et les éleveurs, on se rend compte qu’il y a des grandes différences. Les fermiers croient, par exemple, plus à la génétique. » Les éleveurs peuvent aussi se sentir moins concernés par les maladies endémiques, en comparaison avec les maladies épidémiques ou exotiques, ce qui explique peut-être pourquoi l’accent est davantage mis sur la biosécurité externe. Les maladies d’actualité, ou encore certaines pressions extérieures venant du gouvernement, de collègues, d’associations professionnelles, ou des vétérinaires peuvent également influencer la perception des éleveurs. « Le praticien ne perçoit d’ailleurs pas forcément l’importance que leur accordent ces derniers », a précisé le conférencier.

Pour Isabelle Corrégé, il peut être bon de rappeler quelques notions de base, notamment en matière de biosécurité interne, que les éleveurs respectent moins bien. Mettre l’accent sur l’aspect financier est également un levier majeur pour motiver les éleveurs à appliquer les recommandations pouvant être vues comme des contraintes supplémentaires. Les études vont d’ailleurs en ce sens. Plusieurs publications ont montré que les pratiques de biosécurité réduisaient les dépenses de santé, entre autres, la consommation en antibiotiques. De plus, la maîtrise des pathologies a un impact positif indirect sur les performances technico-économiques (indice de consommation, saisie à l’abattoir, gain de poids, etc.). Pour la conférencière, une bonne observance pourrait se résumer par la phrase : « Ce qui est important, ce qui est réaliste, ce que l’éleveur veut. »

PENSER COLLECTIF

Si la maîtrise de la biosécurité à l’échelle d’une exploitation est une base, elle n’est pas suffisante. « Il n’est pas possible de sécuriser la région en se concentrant uniquement sur la biosécurité à la ferme », a expliqué Jean-Pierre Vaillancourt, professeur à la faculté de médecine vétérinaire de l’université de Montréal (Québec). Partager les informations entre les élevages et les compagnies d’une même zone, pour minimiser le risque de propagation d’un agent pathogène, mais aussi agir plus rapidement lors de confirmation d’un foyer, lui apparaît fondamental. Il faut penser collectif !