Le déclin des abeilles, tout autant que des autres pollinisateurs, est observé depuis les années 1990, principalement par les apiculteurs européens et américains. Chaque hiver, parfois jusqu’à un tiers des colonies d’abeilles domestiques disparaissent. Cette hécatombe trouve de multiples origines. Elle fait intervenir l’appauvrissement de la diversité et de la qualité des ressources alimentaires en lien avec le changement climatique, l’intensification des monocultures, la modification des paysages induisant la disparition d’habitats naturels, l’action d’agents pathogènes responsables de maladies telles la varroose, les loques et la nosémose, le stress chimique provoqué par l’exposition des abeilles aux produits phytosanitaires et vétérinaires, ou encore certains prédateurs tels que le frelon à pattes jaunes (frelon asiatique).
Aucun de ces facteurs n’a été isolé comme responsable unique de ce déclin. Les spécialistes du domaine orientent aujourd’hui leurs recherches sur les effets combinés de ces différents stress. «
Reste que cette mortalité est compensée par la multiplication des élevages, lesquels appellent en conséquence une surveillance sanitaire accrue
», observe Christophe Roy, praticien mixte à Riom-ès-Montagnes (Cantal).
Le vétérinaire, un élément central du dispositif sanitaire
Le vétérinaire libéral, compétent en apiculture et pathologie apicole, est susceptible d’intervenir à différents niveaux du dispositif de la santé des abeilles. Lors de dangers sanitaires de catégorie 1 (DS1), naguère appelés maladies réputées contagieuses (MRC), qui regroupent la loque américaine due à Paenibacillus larvae et la nosémose due à Nosema Apis, ainsi que deux infestations émergentes, par le petit coléoptère de la ruche Aethina tumida et par l’acarien Tropilaelaps clareae. Dans ces cas, la direction départementale de la protection des populations (DDPP) missionne alors un vétérinaire mandaté, qui sera envoyé dans les élevages concernés, à des fins de police sanitaire, tel que défini dans l’arrêté du 23 décembre 2009.
Lors de mortalités massives aiguës constatées par un apiculteur, celui-ci sollicite la DDPP qui renvoie vers le service régional de l’alimentation (SRAL), le service déconcentré de la Direction générale de l’alimentation (DGAL). On est là dans une suspicion d’intoxication ; une enquête phytosanitaire est déclenchée avec, en parallèle, la visite diligentée d’un vétérinaire ou d’un technicien sanitaire apicole (TSA) sous sa responsabilité. Tous les autres événements de santé relèvent du secteur vétérinaire libéral.
Les praticiens libéraux, du reste, sont les chevilles ouvrières de l’Observatoire des mortalités et des affaiblissements de l’abeille (Omaa)1, dont le projet pilote a démarré dans les régions Pays de la Loire et Bretagne. «
Il s’agit de mettre rapidement en relation les apiculteurs, dont les colonies subissent un trouble, avec les investigateurs et le service dédié pour le traiter, et ce par le biais d’un numéro d’appel unique tenu par des vétérinaires compétents en apiculture
», résume Gérald Therville-Tondreau, praticien mixte à Châteauneuf-sur-Sarthe (Maine-et-Loire).
Répondre à un besoin d’urgentisme
Après s’être presque complètement désengagés du secteur apicole, les vétérinaires le réinvestissent peu à peu, depuis une dizaine d’années. Convaincus de pouvoir être utiles à une filière affectée chaque année par une mortalité moyenne de 30 % de son cheptel, ils sont aidés en cela par les autorités sanitaires. La mise en œuvre d’un plan global d’action pour la filière (2013-2015), la “professionnalisation” des agents sanitaires apicoles qui deviendront officiellement TSA au 1er janvier 2018, le financement de leurs interventions lors des cas de mortalités aiguës massives ou de DS1, afin que les apiculteurs victimes puissent avoir des visites gratuitement, mobilisent des moyens substantiels.
«
Les autorités sanitaires font désormais appel à nous, ce qui n’était pas le cas auparavant. À leurs yeux, nous commençons à être perçus comme des experts intéressants en raison de notre disponibilité, de notre habitude des astreintes, de notre réactivité. Nous répondons à un besoin d’urgentisme. Surtout, souligne Christophe Roy, nous sommes un intermédiaire pertinent entre réalité de terrain et notions sanitaires complexes.
»
Aider à améliorer les pratiques apicoles
La mortalité des abeilles résulte d’un ensemble de facteurs, sans doute liés les uns aux autres. Cela exige une approche globale de cette question multiforme, incluant les pratiques des apiculteurs. À cet égard, le contexte de la filière a tellement changé ces dernières années que l’on ne peut plus exercer cette activité comme on le faisait naguère lorsque les colonies comprenaient 70 000 abeilles et que la production de miel atteignait 50 kg par ruche ! Des pratiques apicoles qu’il convient donc de faire évoluer, une aide pouvant venir des vétérinaires. Néanmoins, ces derniers, tout comme les scientifiques, n’ont pas de réponses systématiques aux interrogations des apiculteurs, qui ne s’empressent donc pas de les solliciter. «
Pour eux, nous ne sommes pas compétents, et nous avons surtout le tort de nous être trop longtemps éloignés de la filière
», admet Christophe Roy.
Par ailleurs, auparavant, la gestion sanitaire était réduite à néant. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, les autorités sanitaires s’investissant fortement dans les problématiques apicoles. Sa prise en charge financière par les apiculteurs eux-mêmes ne va donc pas de soi. «
Qui plus est, en se posant comme les victimes de l’évolution de l’environnement qu’ils jugent mortifère pour leurs abeilles, certes non sans raison, ils s’exonèrent du coup, pour nombre d’entre eux, de toute remise en cause de leurs propres pratiques qui parfois ne sont pas neutres. Les toxiques n’expliquent pas tout
! Dans ces conditions, le vétérinaire leur apparaît souvent comme ni utile ni même légitime
», déplore Christophe Roy.
Garant de la santé des abeilles
Le vétérinaire, “médecin” de toutes les espèces animales, est, en ce sens, aussi le garant de la santé des abeilles. Il se doit d’apporter son savoir au service de la filière apicole. Depuis une dizaine d’années, près de 400 praticiens ont acquis des connaissances sérieuses sur les maladies des abeilles, dont plus de 200 sont détenteurs du DIE (diplôme interécoles) en apiculture et pathologie apicole. La commission apicole de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV) a été actrice dans l’élaboration du dispositif Omaa de surveillance des mortalités aiguës massives des abeilles.
Dans le cadre du plan apicole européen, elle a piloté, avec le concours de tous les acteurs de la filière, la mise au point d’une formation sur la lutte contre Varroa
2
, l’un des plus grands fléaux actuels. Une centaine de praticiens la déploieront jusqu’en juillet 2018 auprès de 20 000 apiculteurs. Pour Samuel Boucher, son président, «
la profession se bat au mieux pour défendre la filière. Nous nous impliquons fortement dans la gestion du déclin des abeilles au travers de nos compétences en formation, tant dans le domaine des intoxications que de la meilleure gestion des traitements destinés aux abeilles. Nous ne pouvons, hélas, agir sur le dérèglement climatique, la disparition des habitats des pollinisateurs et les usages importants des pesticides
».
•
1 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1727 du 7/7/2017, page 38.
2 Lire page 33 de ce numéro.
É pidémiologiste spécialisé en pathologies animales en régions chaudes, Olivier Esnault (T 05) a rejoint le groupement de défense sanitaire (GDS) de La Réunion en 2010. En charge de la surveillance épidémiologique des agents pathogènes de l’abeille domestique sur le sud-ouest de l’océan Indien, de Madagascar aux Seychelles, animateur du réseau d’innovation et de transfert agricole (Rita) en apiculture outre-mer, son activité s’est brusquement focalisée sur le programme sanitaire d’élevage (PSE) des abeilles, depuis l’arrivée de Varroa dans l’île en mai 2017. « Avec mes deux techniciens, nous procédons à des comptages de Varroa phorétiques, à des formations auprès des apiculteurs et des partenaires de la filière, afin de mettre en œuvre des traitements et d’endiguer au mieux les mortalités d’abeilles. Les premières pertes, entre 10 et 25 %, affectent déjà les apiculteurs qui n’ont pas traité leur rucher. » Préserver l’outil de travail des apiculteurs L’urgence est de préserver l’outil de travail de la centaine d’apiculteurs de l’île, et la diversité génétique des abeilles domestiques locales. Celles-ci présentent des traits de caractère qui peuvent les rendre résistantes et tolérantes au parasite. Lors de l’introduction de Varroa en Afrique du Sud en 1997, puis à Madagascar en 2010, elles ont quasiment disparu pendant cinq à sept ans, avant de revenir du monde sauvage armées contre le parasite. Là où celui-ci est présent, elles sont beaucoup plus hygiéniques, c’est-à-dire capables de détecter les cellules de couvain parasitées. Bref, elles s’adaptent. Seulement, les apiculteurs réunionnais ne sauraient attendre aussi longtemps. « Il nous faut accélérer le processus naturel d’adaptation des abeilles à leur nouvel environnement. Nous sélectionnons des lignées qui, potentiellement résistantes au Varroa, nécessiteront le moins de traitements possible. Avec les chercheurs du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), nous sommes sur l’île une dizaine à travailler sur cette problématique, chacun dans sa discipline, de la biologie moléculaire à la place de l’abeille dans l’écosystème, en passant par le développement de produits à base de plantes endémiques pour lutter contre le parasite. Je m’attache également, lors de mes collaborations sur les îles, à mettre en avant les vétérinaires. Car si l’apiculteur est un grand protecteur de l’abeille, il ne la ménage pas. Les traitements qu’il réserve à ses colonies sont parfois étonnants. Il les fragilise. Le vétérinaire a pour rôle de cadrer ces pratiques. »
• D epuis une dizaine d’années, les ruchers du sud de la France sont touchés par d’importantes mortalités hivernales, pouvant conduire à la disparition de la moitié des colonies chaque année. Les pesticides pyréthrinoïdes ont très vite été suspectés lors des campagnes de traitement contre la fièvre catarrhale ovine (FCO) en 2008-2009. Aussi, à la demande de la direction départementale de la protection des populations (DDPP) de l’Ariège, Lydia Vilagines (T 96) a pris en charge les visites des ruchers atteints. « Celles-ci s’appuient sur le questionnement des apiculteurs, sur des audits d’élevage pour comprendre ce qui a pu entraîner le déséquilibre qui a engendré la disparition des abeilles. Cependant, nous savons que, pour des problématiques de type intoxication sur des mortalités hivernales, il est très difficile de mettre en évidence une molécule. On ne trouve rien. Et c’est difficile pour les apiculteurs de l’entendre. Pourtant, nous devons faire quelque chose pour les abeilles. » Bien nourrir et limiter la pression parasitaire Le vétérinaire ne saurait, en effet, contrôler l’environnement d’ Apis mellifera, qui peut parcourir plusieurs kilomètres pour aller chercher de la nourriture. Les phénomènes de contamination environnementale, qui entraînent des fragilisations des abeilles, des sensibilités aux agents pathogènes, comme chez toutes les espèces, sont probablement responsables de mortalités à hauteur de 25 à 30 % dans certaines régions. Un seuil inacceptable, certes, mais duquel on peut essayer de se rapprocher par des pratiques apicoles adaptées. « Je ressens une belle satisfaction lorsqu’un apiculteur m’appelle pour me dire qu’il n’a eu que 20 % de pertes ! L’un des problèmes majeurs qu’il faut affronter est Varroa, avec son cortège de virus associés. Les colonies sont affaiblies et leur état physique ne leur permet pas de supporter le passage de l’hiver. Elles doivent être bien nourries et Varroa bien maîtrisé pour limiter la pression parasitaire. C’est un facteur essentiel et c’est surtout le seul sur lequel on peut agir. Et on y parvient avec des traitements adaptés. » C’est toujours mieux que les 50 % de mortalités observées chez les apiculteurs qui restent sourds aux conseils des vétérinaires ; lesquels, comme Lydia Vilagines, ne prétendent surtout pas avoir eux-mêmes la science infuse : « L’apiculture nous apprend l’humilité. On ne comprend pas tout, tant s’en faut. »
• A près avoir vendu sa clientèle en 2012, Claire Beauvais (A 93) a souhaité développer une activité de conseil et de formation dans l’apiculture. Une activité hélas insuffisamment rentable, qui l’a conduite à reprendre du service en canine, comme urgentiste à domicile. Elle poursuit néanmoins ses formations, notamment au sein de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV), ainsi que ses visites de ruchers, surtout dans le cadre de la police sanitaire. Elle détient en effet le mandat sanitaire sur tous les départements d’Île-de-France, dans le Loiret et en Eure-et-Loir. Mais son engagement fort dans cette filière ne lui vaut pas la reconnaissance qu’elle pouvait légitimement en attendre : « C’est professionnellement frustrant, comme si j’avais eu raison trop tôt. Car l’apiculture a un réel besoin de spécialistes pour l’encadrer, la conseiller. Il y a un tel décalage entre la vision que l’on a des apiculteurs, présentés d’abord comme des victimes des pesticides, et la réalité de cette activité, gangrenée par trop de pratiques inappropriées. » Pour une grande professionnalisation de la filière Et d’en décliner les travers : la sous-déclaration des maladies contagieuses, pour ne pas encourir une suspicion d’impéritie ; l’utilisation de produits non homologués ; une méconnaissance de la lutte contre Varroa , de même que de la biosécurité en élevage… et parfois quelques menus arrangements avec l’éthique concernant le miel vendu ! À cela s’ajoute le forcing de lobbyistes en faveur de la déréglementation des médicaments de lutte contre Varroa soumis à prescription vétérinaire (amitraze et acide oxalique). Claire Beauvais assure pour autant ne rien regretter : « Je comprends mieux le monde de l’élevage. Cet univers m’a davantage ouverte aux conséquences des résidus dans les denrées alimentaires, aux enjeux de l’érosion de la biodiversité. » Elle milite simplement pour une plus grande professionnalisation de la filière : « Une présence accrue des vétérinaires auprès des apiculteurs, à travers des formations et des visites sanitaires régulières, ou encore un accompagnement dans les projets de labellisation des productions apicoles, contribuerait, j’en suis persuadée, à améliorer les pratiques apicoles dans un esprit gagnant-gagnant. »
•É pidémiologiste spécialisé en pathologies animales en régions chaudes, Olivier Esnault (T 05) a rejoint le groupement de défense sanitaire (GDS) de La Réunion en 2010. En charge de la surveillance épidémiologique des agents pathogènes de l’abeille domestique sur le sud-ouest de l’océan Indien, de Madagascar aux Seychelles, animateur du réseau d’innovation et de transfert agricole (Rita) en apiculture outre-mer, son activité s’est brusquement focalisée sur le programme sanitaire d’élevage (PSE) des abeilles, depuis l’arrivée de Varroa dans l’île en mai 2017. « Avec mes deux techniciens, nous procédons à des comptages de Varroa phorétiques, à des formations auprès des apiculteurs et des partenaires de la filière, afin de mettre en œuvre des traitements et d’endiguer au mieux les mortalités d’abeilles. Les premières pertes, entre 10 et 25 %, affectent déjà les apiculteurs qui n’ont pas traité leur rucher. » Préserver l’outil de travail des apiculteurs L’urgence est de préserver l’outil de travail de la centaine d’apiculteurs de l’île, et la diversité génétique des abeilles domestiques locales. Celles-ci présentent des traits de caractère qui peuvent les rendre résistantes et tolérantes au parasite. Lors de l’introduction de Varroa en Afrique du Sud en 1997, puis à Madagascar en 2010, elles ont quasiment disparu pendant cinq à sept ans, avant de revenir du monde sauvage armées contre le parasite. Là où celui-ci est présent, elles sont beaucoup plus hygiéniques, c’est-à-dire capables de détecter les cellules de couvain parasitées. Bref, elles s’adaptent. Seulement, les apiculteurs réunionnais ne sauraient attendre aussi longtemps. « Il nous faut accélérer le processus naturel d’adaptation des abeilles à leur nouvel environnement. Nous sélectionnons des lignées qui, potentiellement résistantes au Varroa, nécessiteront le moins de traitements possible. Avec les chercheurs du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), nous sommes sur l’île une dizaine à travailler sur cette problématique, chacun dans sa discipline, de la biologie moléculaire à la place de l’abeille dans l’écosystème, en passant par le développement de produits à base de plantes endémiques pour lutter contre le parasite. Je m’attache également, lors de mes collaborations sur les îles, à mettre en avant les vétérinaires. Car si l’apiculteur est un grand protecteur de l’abeille, il ne la ménage pas. Les traitements qu’il réserve à ses colonies sont parfois étonnants. Il les fragilise. Le vétérinaire a pour rôle de cadrer ces pratiques. »
• D epuis une dizaine d’années, les ruchers du sud de la France sont touchés par d’importantes mortalités hivernales, pouvant conduire à la disparition de la moitié des colonies chaque année. Les pesticides pyréthrinoïdes ont très vite été suspectés lors des campagnes de traitement contre la fièvre catarrhale ovine (FCO) en 2008-2009. Aussi, à la demande de la direction départementale de la protection des populations (DDPP) de l’Ariège, Lydia Vilagines (T 96) a pris en charge les visites des ruchers atteints. « Celles-ci s’appuient sur le questionnement des apiculteurs, sur des audits d’élevage pour comprendre ce qui a pu entraîner le déséquilibre qui a engendré la disparition des abeilles. Cependant, nous savons que, pour des problématiques de type intoxication sur des mortalités hivernales, il est très difficile de mettre en évidence une molécule. On ne trouve rien. Et c’est difficile pour les apiculteurs de l’entendre. Pourtant, nous devons faire quelque chose pour les abeilles. » Bien nourrir et limiter la pression parasitaire Le vétérinaire ne saurait, en effet, contrôler l’environnement d’ Apis mellifera, qui peut parcourir plusieurs kilomètres pour aller chercher de la nourriture. Les phénomènes de contamination environnementale, qui entraînent des fragilisations des abeilles, des sensibilités aux agents pathogènes, comme chez toutes les espèces, sont probablement responsables de mortalités à hauteur de 25 à 30 % dans certaines régions. Un seuil inacceptable, certes, mais duquel on peut essayer de se rapprocher par des pratiques apicoles adaptées. « Je ressens une belle satisfaction lorsqu’un apiculteur m’appelle pour me dire qu’il n’a eu que 20 % de pertes ! L’un des problèmes majeurs qu’il faut affronter est Varroa, avec son cortège de virus associés. Les colonies sont affaiblies et leur état physique ne leur permet pas de supporter le passage de l’hiver. Elles doivent être bien nourries et Varroa bien maîtrisé pour limiter la pression parasitaire. C’est un facteur essentiel et c’est surtout le seul sur lequel on peut agir. Et on y parvient avec des traitements adaptés. » C’est toujours mieux que les 50 % de mortalités observées chez les apiculteurs qui restent sourds aux conseils des vétérinaires ; lesquels, comme Lydia Vilagines, ne prétendent surtout pas avoir eux-mêmes la science infuse : « L’apiculture nous apprend l’humilité. On ne comprend pas tout, tant s’en faut. »
• A près avoir vendu sa clientèle en 2012, Claire Beauvais (A 93) a souhaité développer une activité de conseil et de formation dans l’apiculture. Une activité hélas insuffisamment rentable, qui l’a conduite à reprendre du service en canine, comme urgentiste à domicile. Elle poursuit néanmoins ses formations, notamment au sein de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV), ainsi que ses visites de ruchers, surtout dans le cadre de la police sanitaire. Elle détient en effet le mandat sanitaire sur tous les départements d’Île-de-France, dans le Loiret et en Eure-et-Loir. Mais son engagement fort dans cette filière ne lui vaut pas la reconnaissance qu’elle pouvait légitimement en attendre : « C’est professionnellement frustrant, comme si j’avais eu raison trop tôt. Car l’apiculture a un réel besoin de spécialistes pour l’encadrer, la conseiller. Il y a un tel décalage entre la vision que l’on a des apiculteurs, présentés d’abord comme des victimes des pesticides, et la réalité de cette activité, gangrenée par trop de pratiques inappropriées. » Pour une grande professionnalisation de la filière Et d’en décliner les travers : la sous-déclaration des maladies contagieuses, pour ne pas encourir une suspicion d’impéritie ; l’utilisation de produits non homologués ; une méconnaissance de la lutte contre Varroa , de même que de la biosécurité en élevage… et parfois quelques menus arrangements avec l’éthique concernant le miel vendu ! À cela s’ajoute le forcing de lobbyistes en faveur de la déréglementation des médicaments de lutte contre Varroa soumis à prescription vétérinaire (amitraze et acide oxalique). Claire Beauvais assure pour autant ne rien regretter : « Je comprends mieux le monde de l’élevage. Cet univers m’a davantage ouverte aux conséquences des résidus dans les denrées alimentaires, aux enjeux de l’érosion de la biodiversité. » Elle milite simplement pour une plus grande professionnalisation de la filière : « Une présence accrue des vétérinaires auprès des apiculteurs, à travers des formations et des visites sanitaires régulières, ou encore un accompagnement dans les projets de labellisation des productions apicoles, contribuerait, j’en suis persuadée, à améliorer les pratiques apicoles dans un esprit gagnant-gagnant. »
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