Les vétérinaires face à la commande publique - La Semaine Vétérinaire n° 1744 du 14/12/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1744 du 14/12/2017

PROFESSION

ACTU

ÉVÉNEMENT

Auteur(s) : MARINE NEVEUX  

L’Ordre des vétérinaires vient de mener une réflexion sur le thème de l’adéquation de la réponse de la profession à la commande sociétale. Avec des recommandations à la clé.

Nos confrères Christian Rondeau et Michel Baussier, présidents d’honneur de l’Ordre national des vétérinaires, ont présenté, le 11 décembre dernier, à Paris, leur rapport qui envisage le métier dans ses relations avec les besoins de la société. « Nous avons missionné nos confrères à la suite du colloque du Clio 1 qui s’est tenu en février dernier »,raconte Jacques Guérin, président de l’Ordre. Resituons les choses en effet : cela se passe avant l’élection du président Emmanuel Macron, et à une période où les professions réglementées sont soucieuses de leur avenir. Lors de cet événement, le député Jean-Yves Le Bouillonnec avait bien précisé qu’il n’y avait pas de volonté de voir un métier rayé de la carte, tout en incitant les professions à se poser la question de savoir si elles répondaient bien à la commande publique et comment.

« Le moment était donc venu d’apprécier ce que l’État attendait de la profession vétérinaire. Et, dans un second temps, de juger comment elle répondait à cette attente (…). Nous en avons profité pour voir si l’Ordre satisfaisait bien à sa délégation de service public », explique Jacques Guérin. L’idée était aussi de comparer l’image que la société a de la profession vétérinaire à celle que les confrères se font d’eux, et d’observer les éventuels écarts pour éviter que le législateur n’ouvre la boîte de Pandore pour répondre aux exigences de la commande sociétale.

La mission s’est appuyée sur des entretiens avec une cinquantaine de personnes, de mai à septembre dernier : des membres des services de l’État et des ministères en charge de l’agriculture, de la santé et de l’environnement, des représentants des consommateurs, de l’Institut national de la consommation (INC) et des organisations professionnelles agricoles.

La réponse a été analysée en termes de santé animale, de santé publique et de santé environnementale.

Un lien spécifique et historique

Premier constat : « Le lien entre le vétérinaire et l’État est assez original, spécifique et important, précise Michel Baussier, c’est une commande historique. » Il y a 250 ans, la première école vétérinaire était d’ailleurs créée par le roi.

Il est néanmoins à regretter que toutes les missions d’intérêt général réalisées par les vétérinaires soient bien souvent ignorées des citoyens. « La santé animale est la commande primitive née d’un besoin économique, pour restaurer l’économie rurale à l’époque de la peste bovine. La question du maillage territorial est présente partout (…). Il s’agit aussi d’avoir des vétérinaires qui sont dans une relation de confiance avec les éleveurs », poursuit notre confrère. Et d’ajouter : « Nous avons retenu que ce qui est important, c’est que le vétérinaire soit un gardien entre l’éthique du bien-être animal et la rentabilité économique. »

Quant au respect des normes et de la réglementation en santé publique, « c’est peut-être un point de faiblesse », constate Michel Baussier.

Développer l’approche environnementale

Sur le volet de l’environnement, il apparaît que la formation du vétérinaire lui permet de développer une approche de la biodiversité et de la faune sauvage. Au ministère en charge de l’écologie, la prévention des risques et de l’environnement : « Les attentes sont fortement exprimées. Et notre profession semble sous-employée dans ce domaine », martèle Michel Baussier. Un système de veille vétérinaire est donc à assurer également dans une optique de protection environnementale, « ce qui suppose que la relation ne s’établisse plus exclusivement avec le ministère de l’Agriculture, mais aussi avec celui chargé de l’environnement ».

Concernant les déficits, Michel Baussier déplore le non-respect parfois des normes techniques : « C’est un reproche au niveau des administrations de tutelle. » En outre, « les vétérinaires ne sont pas encore assez conscients de leurs missions de santé publique ». Cependant, la profession est ouverte et évolutive. Autre carence : le praticien a un handicap dans la mise en forme de l’information donnée. Une des recommandations est d’ailleurs de développer une stratégie de communication. Dernier point retenu : le manque de formalisation (écrite) du contrat de soins.

La couverture territoriale et temporelle est aussi une préoccupation majeure. Elle doit amener à « une prise de conscience concernant les gardes et les urgences, ainsi que les compétences techniques relativement à certaines espèces animales, ajoute notre confrère. Peut-être que la télémédecine apportera certaines réponses. »

Enfin, la profession vétérinaire semble parfois isolée et rencontre des difficultés pour accéder aux données de l’élevage.

En résumé, il convient qu’elle s’impose davantage dans le domaine du bien-être animal, dans la protection du consommateur, l’éducation publique et ait une vision plus écosystémique.

Réflexion autour du mode de recrutement

Le décalage entre les attentes des étudiants et la réalitédu métier de vétérinaire est une problématique largement commentée lors de la réunion du 11 décembre dernier.

Quelle réflexion peut être menée sur la classe prépa ? L’idée d’un entretien de motivation est citée à plusieurs reprises. Ne devrait-on pas également introduire davantage la culture de la santé publique dans l’enseignement ? « Il faut que les jeunes arrivent avec un vrai projet professionnel, estime Jean-Yves Gauchot, président de la Fédération des syndicats vétérinaires de France (FSVF). Ils sont enfermés dans un schéma et ne sont pas encore assez disruptifs. »

Le rapport s’est limité au cadre national « volontairement, explique Christian Rondeau, nous ne maîtrisons pas totalement le cadre… » Le contexte est en effet aussi européen, mais le débat sur le glyphosate, par exemple, montre que le sens de l’Europe n’est pas toujours celui de la France.

« Il y a une distorsion de concurrence avec l’Europe. En France, la formation dure une année de plus », explique Christian Rondeau. Avec deux conséquences possibles : « la tentation pour des jeunes de s’orienter vers des formations low cost à l’étranger » ; et une autre retombée plus positive : « l’excellence de la formation française, qui ouvre à l’international ». Cette voie est un véritable atout pour notre profession.

18 recommandations

Plusieurs recommandations ont été rédigées dans le rapport, dont six principales. Certaines s’inscrivent d’ailleurs dans la continuité des problématiques évoquées ces dernières décennies. Elles rejoignent aussi les questions et les réflexions sur l’avenir, et Vetfuturs.

« La première urgence sera la continuité et la permanence des soins », déclare Jacques Guérin pour répondre à ce défi. Un autre chantier pourrait être engagé avec l’INC sur la communication des prix, ainsi que le rapprochement avec le ministère chargé de l’environnement.

1 Comité de liaison des institutions ordinales.

SIX RECOMMANDATIONS PRINCIPALES (EXTRAITS)

1-  Concevoir un modèle économique du vétérinaire harmonieusement réparti sur tout le territoire. Parvenir à en réaliser son financement.
2-  Faire preuve de grande vigilance ordinale sur la question du maillage territorial.
3-  Renforcer encore la pédagogie en matière de bonnes pratiques de prescription et de délivrance des médicaments vétérinaires, mais aussi la répression des comportements fautifs.
4-  Soumettre le droit d’exercice en France, à travers la formation préalable à l’habilitation sanitaire qui, en pratique, s’impose à tous les vétérinaires en exercice, à un contrôle de connaissance de la réglementation française.
5-  Obtenir un guide de bonnes pratiques d’information du client et de transparence des prix.
6-  Développer une stratégie de communication plus ambitieuse.