Humains, animaux, santé : les nouveaux enjeux - La Semaine Vétérinaire n° 1745 du 21/12/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1745 du 21/12/2017

ACTU

Le modèle français d’organisation de la politique sanitaire publique, tel qu’il a été conçu dans les années 1950 et rénové lors des états généraux du sanitaire en 2011, a largement fait ses preuves dans le domaine de la production primaire.

Son fonctionnement, qui s’inscrit dans le temps long, peut être figuré en un triangle dont le centre serait les animaux de rente : la pointe supérieure du triangle étant la puissance publique, dans ses diverses dimensions (gestion, évaluation et surveillance des risques : services de l’État, Anses1, laboratoires vétérinaires départementaux), les deux autres pointes étant constituées des vétérinaires et des éleveurs.

Ce modèle décline de manière spécifique les réflexions de l’Organisation mondiale de la santé animale, qui, dès 2001, recommandait aux États d’externaliser une part de la gestion sanitaire publique en s’appuyant sur des partenariats avec des organisations d’éleveurs et de vétérinaires. En France, les organismes à vocation sanitaire (OVS) et les organisations vétérinaires à vocation technique (OVVT), qui se voient confier ou déléguer des missions de service public par l’autorité administrative.

Pour pertinent qu’il demeure, ce modèle doit prendre en compte certaines évolutions historiques, économiques et sociétales. Le triangle reste valable, mais son centre a bougé : les animaux de rente ne ressortent plus uniquement de la production primaire, s’ils en sont jamais uniquement ressortis. Ils s’inscrivent dans des filières de transformation et de distribution qui, elles aussi, appellent des mesures de surveillance, de prévention et de gestion des risques, pour lesquelles des partenariats public/privé pourront (ou devront ?) être élaborés.

Les vétérinaires présentant toute garantie de compétence et de neutralité vis-à-vis des filières économiques, une évolution législative pourrait ainsi permettre une extension du rôle et des missions des OVVT dans le domaine de l’organisation d’inspection et de contrôle.

Quant aux OVS, il faut rappeler que la loi leur fixe comme objet non seulement la protection de la santé des animaux, mais aussi celle des « denrées alimentaires d’origine animale ». Si, comme c’est le cas aujourd’hui, les actuels OVS reconnus souhaitent limiter leur rôle à la stricte protection sanitaire animale, il appartiendrait aux organisations de filière de constituer des structures pouvant prétendre à être reconnues dans le domaine de l’alimentation animale et des produits d’origine animale.

Enfin, l’animal de rente a pris une autre dimension et, là aussi, le centre du triangle a bougé.

Si l’on met de côté les positions extrémistes des sectaires du végétalisme intégral (le véganisme), il n’en demeure pas moins que l’animal de rente est entré dans la cité : son statut, son mode de vie, son bien-être font partie des préoccupations d’un nombre croissant de nos concitoyens.

Il s’agit là d’un enjeu majeur pour l’avenir, qui doit mobiliser l’attention et les initiatives des parties concernées. Dans ce domaine aussi, parce qu’ils sont les hommes et les femmes de l’art, les vétérinaires ont un rôle essentiel à tenir dans un dialogue renouvelé avec nos concitoyens pour les rassurer et pour garantir que l’animal (de rente ou domestique), parce qu’il est sensible, est respecté autant qu’il doit l’être.

1 Agence nationale de sécurité sanitaire.

MARC-HENRI CASSAGNE

est l’ancien directeur de GDS France. Pendant près de 30 ans, il a participé activement à l’ensemble des évolutions de la politique sanitaire. Désormais consultant, formateur et essayiste, il travaille actuellement à une Histoire de la politique sanitaire française.