Le développement de la responsabilité du vétérinaire doit pousser le futur praticien à avoir de bonnes bases juridiques - La Semaine Vétérinaire n° 1745 du 21/12/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1745 du 21/12/2017

ACTU

Faut-il que je vous parle de moi ? Pour avoir vu plaider certains confrères très célèbres, j’ai pu constater qu’ils utilisaient leur vécu personnel. Se livrer pour mieux convaincre. Ici, donc, je commence par plaider coupable : comme eux, je me sers très souvent de mes propres expériences lors des débats d’audience. Absence de modestie de la profession ? Ce sera le débat d’un autre jour. En attendant, humblement mais en toute connaissance de cause, je puis dire que je suis très certainement l’une des meilleures placées pour vous parler de ce lien que certains tentent d’établir entre l’esprit de la profession vétérinaire et le droit. Pourquoi donc ? Tout simplement car venant d’une famille de vétérinaires, j’ai souhaité ardemment exercer ce métier qui me fascinait. Je basculerai toutefois, au final, de la prépa véto à la faculté de droit, d’une petite classe avec des colles régulières à un amphithéâtre gigantesque où personne ne se soucie de votre présence.

J’ai connu l’approche scientifique, je pratique la matière juridique. Elles sont pour moi parfaitement compatibles.

Et pourtant… deux matières, deux approches, parfois une passion, le plus souvent une aversion pour les vétérinaires.

Quelques passionnés seulement, en effet, qui au-delà de la pratique vétérinaire se sont véritablement penchés sur les textes de loi, le plus souvent en suivant un cursus parallèle à la faculté de droit.

La théorie ne suffisant pas, ils deviendront experts auprès des cours et connaîtront de près le système judiciaire.

Pour ceux-là, nul besoin de disserter. La cause est acquise. Le droit n’est pas abrupt, il est captivant.

Pour tous les autres, soyons honnêtes, le droit est rébarbatif, une perte de temps qu’ils ne sauraient cautionner.

Nul étonnement à cela. Ce n’est pas le choix premier du praticien que de se frotter notamment aux décisions de justice. Certes, le droit fait bien partie du cursus à l’école vétérinaire. Mais en aura-t-on vraiment besoin ultérieurement ? Voilà une question qui a dû effleurer de nombreux esprits étudiants. Erreur de jugement ou de jeunesse, car le développement de la responsabilité du vétérinaire, comme nous allons en parler plus loin, doit pousser le futur praticien à avoir de bonnes bases juridiques. Un bon socle donc, mais aussi la possibilité de comprendre les évolutions. Dans cet esprit, la loi évoluant au gré des réformes mais aussi de la jurisprudence, la lecture et l’interprétation des décisions de justice ont été mises au programme de l’École vétérinaire de Toulouse. Vous allez devenir vétérinaire praticien : savoir lire et interpréter une radio, c’est bien, comprendre un arrêt de cour d’appel, c’est encore mieux. Gageons que les nouvelles promotions auront bien planché et n’auront pas qu’un vague souvenir de ce qu’est un vice rédhibitoire.

À mon sens, si le vétérinaire est formé sur les procédures de garantie, il ne peut toutefois pas se substituer à l’homme de loi qu’est l’avocat. Bien trop souvent, j’ai entendu des acheteurs persuadés d’être dans leur bon droit à la suite du conseil de leur vétérinaire alors que les conditions de procédure n’étaient pas réunies.

Si on en revient aux vices rédhibitoires, quel praticien, après des années d’exercice, va se souvenir de la procédure du Code rural qui peut impliquer la saisine de deux tribunaux différents dans les 30 jours qui suivent la vente ? Certains avocats non rodés à la vente des animaux domestiques ne manquent d’ailleurs pas de tomber dans le piège.

Le vétérinaire a déjà un rôle principal à jouer : c’est lui qui va prendre position sur l’existence ou non de la maladie au jour de la vente. C’est lui également qui procède à l’examen clinique du chien ou du chat avant sa vente et qui peut ainsi éviter au vendeur d’être accusé de tromperie.

Mais concernant la garantie après-vente et au-delà du constat médical, le praticien devrait sur le plan légal donner simplement une direction à l’acheteur et se garder la plupart du temps de conseils de procédure bien précis.

Avoir de bonnes bases et savoir orienter vers un autre professionnel comme il peut référer vers un autre praticien : voilà le bon schéma.

En revanche, là où il ne peut et ne doit surtout pas faire l’impasse sur la matière juridique est le domaine de son obligation d’information et de la responsabilité qui en découle.

La responsabilité des vétérinaires est de plus en plus recherchée sur ce terrain. La raison en est simple : lorsque l’on ne peut pas actionner un autre acteur du litige, on tente d’atteindre le vétérinaire, qui reste, quoi qu’il arrive, un professionnel solvable et assuré. Le praticien doit donc être très vigilant sur l’information qu’il délivre, sur la forme de celle-ci et sur sa preuve.

Autant de points qui me font conclure que, même si le droit peut être barbant, on ne saurait en faire l’économie, faute de le payer un jour très cher.

CÉLINE PECCAVY

est avocate aux barreaux de Paris et de Toulouse.
Petite fille de vétérinaire, elle s’est finalement résolue, après trois années passées en classe préparatoire vétérinaire, à suivre un cursus de droit à l’université Paris II Panthéon-Assas. Diplômée depuis 2001 de l’École de formation du barreau de Paris, son activité d'avocate est donc tout naturellement spécialisée sur les animaux, avec un cabinet à Toulouse et un autre à Paris.