Vétérinaires et médecins, l’union sacrée - La Semaine Vétérinaire n° 1745 du 21/12/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1745 du 21/12/2017

ACTU

Tous les infectiologues connaissent l’importance de la relation médecine humaine -médecine animale et la place des vétérinaires dans la chaîne de transmission des agents pathogènes par diverses voies, principalement vectorielles. Le slogan de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), One Health, “une seule santé”, est adopté par tous les spécialistes des maladies transmissibles. Vétérinaires et médecins, même combat.

Cela, pour plusieurs raisons :

D’abord parce que nombre de ces affections constituent un complexe singulier où l’homme (ou l’animal), l’agent pathogène et l’agent vecteur réalisent un rythme à trois temps, différent de la transmission directe d’homme à homme. Ces vecteurs sont des moustiques pour le paludisme, la fièvre jaune, la dengue ou le chikungunya… ; un moucheron, la simulie, pour l’onchocercose ; le rat ou le mérion et la puce pour la peste ; un mollusque pour les bilharzioses ; la mouche tsé-tsé pour les trypanosomiases humaines et animales, etc. Leur rôle ravageur concerne autant le médecin que le vétérinaire.

Ensuite, parce que toute atteinte du cheptel est souvent un arrêt de mort ou de dénuement extrême pour les populations rurales d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique latine, nomades en particulier ; morbidité qui affame ou engendre l’extrême pauvreté et une déstabilisation sociale car sans troupeau, plus d’identité…

Parce que les cycles classiques de transmission, tel celui de la trichinose, sont de nos jours perturbés et désorientent les épidémiologistes surpris et victimes d’un circuit inédit où le cheval prend subitement la place du porc !

Parce qu’à l’origine de nombreuses infections humaines, il y a une épizootie méconnue ou tardivement identifiée. Sans parler du sida, sujet polémique, les fièvres tropicales, hémorragiques ou non, de Marbourg et de Lassa, surtout la maladie à virus Ebola, exemples plus récents que la peste : le singe, le rat, la chauve-souris, les volailles (dont les “meurtres” massifs interpellent) le démontrent.

Parce que l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), remarquable outil qu’ignorent trop d’acteurs de santé humaine et dont le rôle d’alerte et de dénonciation d’un risque doit être valorisé, devrait inciter à une collaboration plus intime et permanente avec l’OMS. Ce qui est loin d’être le cas sur le terrain. Ces deux organismes constituent pourtant un couple indissociable dont on sous-estime l’impact qu’aurait une alliance ou un alliage plus organique.

Parce que, plus récemment, la lutte contre les faux médicaments et les faux vaccins, nouveau fléau mortifère, concerne non seulement la médecine humaine, mais aussi la médecine vétérinaire : le monde animal est menacé par des trafiquants qui introduisent jusqu’à 60 % de médicaments vétérinaires falsifiés en Afrique.

À ce trafic, on doit ajouter le mésusage de certains médicaments, qui constitue aussi une dérive majeure avec, en particulier, la place des antibiotiques administrés, pour des raisons de rentabilité, chez des animaux destinés à la consommation humaine.

La santé sera mondiale ou ne sera pas, nous le savons. Mais la santé sera aussi humaine et animale ou… ne sera pas.

Nous avons le devoir de l’affirmer et de l’enseigner dans nos écoles, sur le terrain et dans l’opinion publique. Tout cloisonnement entre vétérinaires et médecins relève d’une attitude archaïque. À chacun de nous de conduire ce combat pour la santé individuelle et collective avec ardeur, conviction et efficacité.

La mondialisation économique à laquelle nous adhérons spontanément ou par contrainte entraîne une mondialisation sanitaire, en conséquence une “union sacrée” planétaire entre vétérinaires et médecins, entre médecine vétérinaire et médecine humaine. One Health.

MARC GENTILINI

est professeur des universités. Il a occupé les postes de professeur de parasitologie, de santé publique et de clinique des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Pitié-Salpêtrière et dirigé la première unité de parasitologie de l’Inserm 313 sur le paludisme et le sida, au pavillon Laveran (Paris). C’est de son service que le virus du sida, à partir d’un ganglion adressé à l’Institut Pasteur, a pu être identifié. Président honoraire de l’Académie de médecine et de la Croix-rouge française, il est aussi délégué général de la Fondation Chirac, pour l’accès aux médicaments et à une santé de qualité.