MOBILISATION
PRATIQUE CANINE
L'ACTU
Auteur(s) : BÉNÉDICTE ITURRIA
Le business de la viande de chien et de chat concerne des millions d’animaux chaque année. S’appuyant sur les mises à mort choquantes et les conditions sanitaires désastreuses, la profession se mobilise à un échelon international contre cette pratique.
Dans un communiqué1 de septembre 2017, la World Small Animal Veterinary Association (WSAVA) a exprimé son opposition au commerce de viande de chien et de chat : « La WSAVA est sensible aux différences culturelles et reconnaît que, si dans les sociétés occidentales, la consommation de viande de chien ou de chat peut être considérée comme inacceptable, pour d’autres, cette consommation revêt une signification non seulement économique, mais aussi culturelle et traditionnelle. Cependant, en raison des nombreux problèmes de bien-être animal et de santé publique, la WSAVA décourage fortement la consommation et le commerce de viande de chien et de chat. Elle encourage plutôt une mise en application rigoureuse des lois existantes et soutient de nouveaux contrôles et de nouvelles réglementations là où il n’y a pas encore de législation, visant à interdire ce qui est typiquement une pratique inhumaine et dangereuse. »
Les organisations non gouvernementales (ONG) de protection animale estiment qu’environ 30 millions de chiens et un nombre indéterminé de chats sont tués pour la consommation humaine chaque année. Il est impossible d’obtenir des chiffres exacts, car ce commerce est non réglementé et souvent illégal. La Humane Society International (HSI) recense plusieurs pays amateurs de ce type de viande : la Chine, où 10 à 20 millions de chiens et environ 4 millions de chats seraient abattus par an ; les Philippines, avec 500 000 chiens ; l’Indonésie, qui en sacrifierait un million ; la région du Nagaland, dans le nord de l’Inde ; la Corée du Sud, qui aurait quelque 17 000 fermes à chiens et en abattrait environ 2 millions par an ; le Vietnam, avec 5 millions de chiens, dont 80 000 seraient importés de Thaïlande, du Laos et du Cambodge, pays également consommateurs. En Afrique, des faits mineurs auraient aussi été rapportés au Ghana, au Cameroun, en République démocratique du Congo et au Nigeria, ainsi que dans certains pays d’Afrique de l’Est.
Ce commerce est synonyme de cruauté terrible envers les animaux. En Corée du Sud, les chiens sont élevés dans des fermes aux conditions sanitaires épouvantables, maintenus dans d’étroites cages rouillées. Dans les autres pays asiatiques, ce commerce relève la plupart du temps d’une activité criminelle, comme certaines investigations des ONG ont pu le démontrer. L’enquête2 menée pendant quatre ans en Chine par Animals Asia Foundation, publiée en juin 2015, a permis de découvrir qu’il n’y avait en effet aucune preuve d’installation d’élevages à grande échelle dans le pays. Les animaux qui alimentent ce business sont en fait des compagnons à quatre pattes volés (ou parfois vendus par leur maître) ou des chiens errants capturés dans les rues. Les voleurs utilisent de nombreuses méthodes, y compris le poison, pour les capturer et les vendent ensuite aux commerçants et aux restaurateurs. Il est assez courant de voir des chiens portant encore leur collier dans des camions qui se dirigent vers les lieux d’abattage. Ces animaux sont fréquemment transportés sur de longues distances, puis abattus de façon inhumaine. En raison de la croyance traditionnelle selon laquelle un niveau élevé d’adrénaline produit de la viande tendre et augmente les bienfaits supposés pour la santé de ses consommateurs (renforcement de l’immunité et de la virilité, diminution de la fatigue et des problèmes cutanés, etc.), les chiens sont soumis à une souffrance extrême. Ils sont tués par matraquage, pendaison ou électrocution, quand ils ne sont pas ébouillantés vivants sur les marchés, la plupart du temps à la vue de leurs congénères et des passants.
Le commerce de viande de chien et de chat encourage la circulation massive et non réglementée d’animaux de compagnie dont le statut vaccinal et l’état de santé sont inconnus. Cela présente un risque pour la santé humaine et compromet les efforts de contrôle de la rage obtenus par des programmes de vaccination comme, par exemple, celui mis en place en Indonésie. L’organisation mondiale de la santé (OMS) a explicitement souligné que cette pratique était un facteur contribuant à la propagation du virus. La rage tue, par exemple, près de 39 000 personnes chaque année en Asie. En Chine, au Vietnam, en Indonésie et dans le sud du Nigeria, des quantités non négligeables de tissus canins infectés par ce virus ont été retrouvées dans des restaurants, des abattoirs et des marchés. De plus, l’OMS estime que manger cette viande multiplie par 20 le risque de contracter le choléra. Des épidémies de trichinose, en relation avec la consommation de viande de chien, ont également été recensées en Chine, sans parler des résidus antimicrobiens, pharmaceutiques et chimiques. Cette viande est rarement soumise à des contrôles d’hygiène alimentaire. Il s’agit donc d’un véritable problème de santé publique vétérinaire, ainsi qu’un problème potentiel de résistance aux antimicrobiens.
Ces dernières années, des ONG de protection animale locales et internationales se sont unies pour lutter contre ce commerce en créant des alliances telles que Dog Meat Free Indonesia (DMFI) ou Asia Canine Protection Alliance (ACPA, qui regroupe Animals Asia Foundation, Change for Animals Foundation, HSI et Soi Dog Foundation). Elles organisent des campagnes de sensibilisation et d’éducation du public, ainsi que des sauvetages d’animaux. Ce business est souvent rendu possible par l’absence de législation et le flou juridique qui l’entoure. Les associations font pour cela pression sur les autorités gouvernementales pour établir des programmes de réformes et de changements politiques et législatifs.
Cette mobilisation, la prise de conscience et l’évolution des mentalités, notamment des nouvelles générations, pour lesquelles le chien et le chat sont avant tout des animaux de compagnie, ont permis une remise en question sans précédent de cette pratique alimentaire. En février 2017, à Seongnam, le plus gros marché de Corée du Sud, qui fournissait depuis des décennies un tiers de la viande de chien consommée dans le pays, a été fermé. Les autorités locales ont assuré offrir une aide financière aux marchands pour ouvrir de nouveaux commerces plus éthiques. La Corée du Sud, en réaction aux nombreuses pétitions venues du monde entier et aux appels au boycott des Jeux olympiques d’hiver, qui se tiendront à Pyeongchang en février 2018, est en effet soucieuse de soigner son image. HSI est parvenu à fermer 10 fermes de chiens et à orienter leurs propriétaires vers de nouveaux moyens de subsistance sans cruauté tels que la culture de myrtilles, fruit très prisé en Corée. HSI les aide à faire la transition en démontrant au gouvernement coréen que l’élimination progressive de cette industrie est une solution réalisable. Les chiens sauvés3 sont proposés à l’adoption dans des foyers aux États-Unis, au Royaume-Uni et au Canada et servent d’ambassadeurs pour sensibiliser à ce problème.
En Chine, la majorité des habitants ne mangent pas de viande de chien, et selon HSI, un sondage de 2016 montre que 69,5 % d’entre eux n’ont jamais essayé. Un mouvement croissant de protection des animaux peut être observé, de même que de fréquents affrontements violents entre les voleurs de chiens et les propriétaires en colère. En 2015, près de 9 millions de citoyens ont signé une proposition législative visant à interdire le massacre de chiens et de chats, et en mai 2016, à Dalian, plus de 100 000 manifestants et leurs animaux de compagnie ont mis en lumière l’indignation croissante du public pour le festival de Yulin, qui tue chaque année 10 000 chiens et chats. Un groupe de militants, appelé China Animal Protection Power, assure la liaison avec la police locale pour arrêter les camions en route vers les abattoirs. Comme ces animaux sont en grande partie acquis et transportés illégalement à travers les frontières provinciales, sans certificats de santé individuels, comme l’exige pourtant la législation chinoise, ces camions peuvent être saisis par la police et les chiens confisqués. Les ONG espèrent un renforcement de la loi pour dissuader les voleurs de chiens, protéger les animaux vulnérables et augmenter les taux d’arrestation et de condamnation des criminels. En attendant, les militants s’organisent pour sauver ces animaux, comme ce fut le cas récemment de Soi Dog Foundation, qui a intercepté un camion de 600 chiens.
Sous la pression des défenseurs des animaux, Taïwan est devenu, en avril 2017, le premier pays d’Asie à interdire l’achat, la consommation ou la possession de viande de chien et de chat, sous peine d’une amende pouvant atteindre l’équivalent de 7 715 €. La nouvelle loi punit jusqu’à deux ans de prison et d’une amende pouvant aller jusqu’à 61 700 € toute personne ayant tué ou maltraité ces animaux, et le double pour les récidivistes. En 1998, Taïwan avait déjà rendu illégal l’abattage des chiens et des chats et la vente de leur viande, mais un marché clandestin persistait. D’où la mise en place de cette loi très sévère.
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