CONFÉRENCE
PRATIQUE MIXTE
Formation
Auteur(s) : LORENZA RICHARD
Les brebis traitées par un anthelminthique partiellement efficace à l’entrée en bergerie n’hébergent que des strongles résistants à leur sortie au printemps, qui ensemenceront les parcelles et augmenteront les résistances. Les sortir sur des prairies “refuges” qui ont été contaminées en automne par des strongles n’ayant pas été en contact avec les anthelminthiques permettrait donc de diluer la résistance.
L’utilisation du pâturage pourrait ainsi entrer dans les schémas de lutte contre la résistance par la gestion du refuge. Ce dernier peut désigner les larves en hypobiose ou des pâturages : les parasites en refuge sont ceux qui ne sont pas en contact avec les anthelminthiques et les pâtures avec refuge sont des parcelles pâturées sans traitement antiparasitaire au cours de l’année précédente. Cette notion couple ainsi l’utilisation de l’espace et des antiparasitaires : c’est, par exemple, le cas des prairies pâturées par les brebis non traitées au printemps qui sont ensuite offertes aux agneaux, ou des prairies pâturées en automne par des animaux non traités au cours de la belle saison et sur lesquelles ils retournent au printemps suivant. Ces pâtures sont favorables à l’infestation, mais elles sont défavorables à l’établissement de résistance.
Infestation et résistance ne peuvent donc pas être gérées en même temps : il existe un conflit entre la réduction de l’infestation par le pâturage d’une parcelle indemne et la dilution de la résistance par celui d’une autre contaminée. En effet, dès le début d’une résistance avérée mais faible dans un troupeau, le contrôle de l’infestation doit être revu à la baisse, en revanche, il est primordial de surveiller la résistance. Il convient alors de changer le treat and move (placer des animaux peu infestés sur des prairies saines pour éviter l’infestation) en move and treat, c’est-à-dire mettre des animaux infestés sur des prairies pas totalement saines (refuges) pour éviter le développement de la résistance. Les traitements sont alors réalisés si nécessaire, en changeant de molécule si cela est possible.
Si aucune molécule n’est satisfaisante, les nématodes résistants doivent être remplacés par l’ensemencement de strongles sensibles et l’utilisation de parcelles assainies (fauchage, mise en repos, nouveau semis, alternance fauche/pacage, alternance bovins/équins et petits ruminants sur une parcelle, etc.). Il importe de réaliser l’intervention pour chaque élevage individuellement. L’utilisation de prairies à vocation “curative” est également à prendre en compte. Il s’agit des prairies semées avec des plantes à tannins condensés, comme le sainfoin ou le lottier, de la chicorée ou du plantain. Les effets sur la réduction de l’infestation sont modestes à intéressants et il existe peu de chances de sélection de résistance, car les actions de ces plantes sur les strongles sont diverses.
Le problème est que cette gestion anticipe une année sur l’autre. Les résultats ne sont pas immédiats, en outre, il est difficile de convaincre l’éleveur de l’appliquer dès le début d’apparition d’une résistance. Toutefois, le vétérinaire doit insister sur la nécessité de la commencer au plus tôt, en lui rappelant notamment que si la résistance s’installe fortement, cette gestion du refuge n’aura pas d’effet et peu de moyens seront alors disponibles. Le vétérinaire peut alors réaliser un diagnostic de résistance régulier dans le troupeau, par exemple (pour montrer que le problème existe). Il lui est également possible d’étendre son conseil à un groupe d’éleveurs, sur la gestion des estives ou des introductions d’animaux, qui sont propices à la diffusion de résistances. Il existe pléthore de conseillers en élevage qui donnent chacun leur avis, et il est essentiel que le vétérinaire prenne le rôle qu’il doit jouer à ce niveau !
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