L’avortement chez la jument - La Semaine Vétérinaire n° 1748 du 19/01/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1748 du 19/01/2018

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : SERGE TROUILLET 

Un avortement chez une jument est toujours un souci, qu’il soit d’ordre affectif, financier ou sanitaire. Le vétérinaire a un rôle important à jouer : autant dans la prévention, en conseillant son client et en surveillant les poulinières de l’effectif, que dans la gestion de crise lorsqu’il survient.

Une interruption de la gestation

Le diagnostic de gestation est effectué entre 14 et 16 jours après l’ovulation. Lorsque la gestation s’interrompt, on parle de mortalité embryonnaire si elle survient avant le 45e jour et d’avortement entre 45 et 320 jours. Le fœtus n’est pas encore capable de mener une vie libre extra-utérine, il meurt in uteroet est expulsé. S’il est vivant, il a peu de chances de survivre. Entre 320 et 330 jours, il s’agira d’un poulain prématuré qui aura beaucoup de difficultés à survivre.

Avant 4 mois, le fœtus et plus encore l’embryon, ainsi que les annexes, sont de très petite taille et l’avortement passe souvent inaperçu. En effet, après le diagnostic de gestation, la jument est au pré et n’est pas suivie spécifiquement. Les écoulements génitaux post-abortum sont à ce stade si discrets qu’ils peuvent ne pas être repérés, même si la jument est visitée chaque jour. Et jusqu’à 6 mois, les avortements sont difficiles à voir. La plupart le sont cependant entre 6 et 11 mois et, dans ce cas, un examen nécropsique est mené pour en déterminer la cause.

Des causes infectieuses ou non

Si la majorité des avortements sont liés à une altération de la fonction placentaire, certains ont une origine infectieuse : placentite, avortement mycosique, leptospirose, piroplasmose, anémie infectieuse des équidés (AIE), artérite virale équine (EVA), rhinopneumonie équine (l’herpès virus équin de type 1, HVE-1, est la cause majeure d’avortement d’origine virale chez les juments ; en prévention, il faut les vacciner et séparer les poulinières des yearlings), etc.

D’autres ont une origine non infectieuse : anomalies des annexes fœtales (cordon ombilical), de la gestation (gémellité, torsion utérine), d’origine fœtale (malformations congénitales), causes maternelles (âge, race, caractère héréditaire, maladie, causes iatrogènes, ingestion de plantes abortives).

L’importance du rôle du vétérinaire…

L’éleveur doit prêter la plus grande attention à sa poulinière en la visitant deux fois par jour pour en vérifier notamment la température, le développement de la mamelle et les écoulements vulvaires. Son vétérinaire lui est alors d’une aide précieuse pour le suivi de la gestation par échographie, la vaccination, la vermifugation, le parage, etc.

En cas d’avortement, il s’agit pour celui-ci de réagir rapidement afin d’en déterminer la cause. Un diagnostic étiologique permet de savoir, dans 60 % des cas, s’il est infectieux ou non. Dès lors, toutes les mesures sont prises afin de prévenir une éventuelle contagion, sachant qu’au pré, de manière générale, les juments doivent être séparées entre jeunes, plus âgées et gestantes.

… et des mesures de biosécurité

Partant du principe que l’avortement résulte d’une infection contagieuse jusqu’à la preuve du contraire, toute la zone est débarrassée des résidus éventuels : avorton, annexes, lochies, sources potentielles de contamination pour les autres juments gravides. La nécropsie ne doit en aucun cas être pratiquée dans le pré. Un laboratoire est requis pour cela. La zone est désinfectée et, autant que possible, tout mouvement animal alentour est empêché, notamment des compagnons domestiques.

La jument est isolée et tout contact avec le personnel – qui devra lui-même porter des vêtements de protection complète à usage unique, avec bottes et gants – est limité. Une quarantaine est mise en place, avec l’aide du vétérinaire et du chef de centre ou de l’éleveur. La zone d’avortement doit être désoccupée pendant au minimum 2 semaines et utilisée par la suite pour des juments vides.

Anne Josson Maître de conférences en reproduction équine à VetAgro Sup. Article rédigé d’après une présentation faite lors du symposium de Vichy (Allier), le 2 décembre 2017.