Couvertures de survie - La Semaine Vétérinaire n° 1749 du 27/01/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1749 du 27/01/2018

DOCUMENTAIRE

DITES-NOUS TOUT

Auteur(s) : MICHEL BERTROU 

Avec plus de 65 millions de personnes déplacées dans le monde pour cause de conflits, de persécutions, de pauvreté ou à la suite des effets du changement climatique, l’ampleur de la crise migratoire que nous traversons est historique. Prenant le contre-pied de Fuocoammare, par-delà Lampedusa 1, qui éclairait ce drame humanitaire à partir d’un seul lieu (l’île de Lampedusa, en Italie), Ai Weiwei relève ici le défi d’en faire l’état des lieux planétaire. L’artiste chinois – dont l’œuvre a déjà beaucoup questionné le sort des réfugiés – a ici recours à d’importants moyens logistiques. Il s’est rendu en 2016 dans les camps de migrants (et sur les voies qu’ils empruntent) en Grèce, en Turquie, en Jordanie, aux États-Unis, à Gaza, envoyant en parallèle d’autres équipes à travers le monde (23 pays). En résulte un film en apparence moins polémique que ses installations, qui, tout en nous informant, passe d’un pays et d’un camp à l’autre, alterne vues aériennes surplombantes et rencontres sur le terrain, nous confrontant peu à peu à une mosaïque impressionnante qui, dans un seul élan, embrasse le proche et le lointain, le global et l’individu, l’épique et l’intime. C’est dans le vertige de ces connexions que l’ambition totalisante du film trouve son sens et, au-delà de la compassion, rend palpable l’enjeu de civilisation de cette crise qui, au vu des murs et des clôtures que l’on érige désormais partout, semble moins du côté des migrants que d’un Occident qui se parjure en reniant les valeurs humanistes qui le fondent.

1 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1688 du 23/9/2016, page 58.

Human Flow d’Ai Weiwei, avec Boris Cheshirkov, Peter Bouckaert, Allemagne, 2 h 20, sortie le 7 février.