Anesthésie du cheval et filière de production - La Semaine Vétérinaire n° 1750 du 03/02/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1750 du 03/02/2018

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : MARINE NEVEUX  

Les dernières journées annuelles de l’Association vétérinaire équine française (Avef) ont été l’occasion pour Gwenola Touzot-Jourde de rappeler les modalités et les spécificités de l’anesthésie générale chez les chevaux qui ne sont pas exclus de la consommation humaine. Dans ce cadre, deux cas de figure peuvent se présenter :

- l’utilisation de spécialités vétérinaires qui ont une autorisation de mise sur le marché pour l’indication concernée, avec un temps d’attente (TA) en règle générale court (de 0 à 10 jours) ;

- l’emploi en complément de médicaments qualifiés d’indispensables dans le traitement des chevaux, répertoriés dans la liste des substances essentielles pour les équidés et assortis d’un TA forfaitaire de 6 mois.

Des conditions d’anesthésie adaptées

Pour l’intervention de convenance, le cheval doit être mis dans de bonnes conditions par la préparation de l’environnement et une adaptation alimentaire, sans changement brutal de régime, etc. Il convient de réaliser un examen clinique comportant une évaluation du comportement de l’animal et de son interaction avec le milieu. Une ambiance paisible concourt à ce que le cheval soit calme.

Dans le cadre de l’immobilisation d’urgence, il y a un stress à gérer. « Le garant d’une bonne anesthésie, c’est avant tout le début de la procédure, qui doit bien se passer. Il est donc important d’adapter le protocole initialement », martèle notre consœur.

Un environnement relativement contrôlé et calme, des opérateurs formés et un seul pilote sont les règles essentielles de l’anesthésie. Le cheval doit bénéficier d’une sédation profonde (attention toutefois à ne pas se laisser surprendre par des équidés qui paraissent tranquilles). « L’obtention d’une sédation profonde est le résultat de la dose utilisée, mais aussi du pic d’action du médicament administré. Les α 2 - agonistes sont parmi les plus utilisés, mais, selon la spécialité choisie, le moment du pic diffère. »

Toute manifestation de douleur doit être prise en charge, en amont de la sédation si possible. Une fois que l’animal est bien sédaté, une induction est instaurée. La kétamine est régulièrement utilisée car elle présente de grands avantages. Néanmoins, chez le cheval, lors de sous-dosage ou d’administration à contretemps, une surexcitation et une induction chaotique vont survenir.

La voie veineuse doit être sécurisée (pose d’un cathéter intraveineux au niveau de la jugulaire). Le choix du lieu de couchage est important.

Exemples de protocoles

Protocole 1

L’anesthésie dure de 20 à 30 minutes et le TA est minimal, de 0 à 2 jours.

- Prémédication : α 2-agoniste ± du butorphanol.

- Induction : kétamine.

- Entretien : bolus α 2-agoniste + kétamine à redoser.

Une anesthésie locale à base de lidocaïne est intéressante car elle diminue l’information transmise au cerveau.

Dans une seconde option, l’entretien fait appel à une administration répétée de romifidine et de kétamine, un quart à un tiers des doses d’induction à 10 à 15 minutes d’intervalle.

L’analgésie est optimisée.

Il peut être recommandé :

- une anesthésie locorégionale (lidocaïne) ± butorphanol ;

- de raffiner le geste chirurgical.

Le défaut de ce protocole réside dans une myorelaxation limitée, selon l’acte à réaliser.

La profondeur d’anesthésie et d’analgésie n’est pas non plus toujours optimale, reposant surtout sur l’α 2-agoniste, hormis lors d’association avec une anesthésie locorégionale, avec potentiellement du butorphanol. La qualité du réveil est dégradée si l’anesthésie est trop longue.

Ce n’est pas tant le protocole d’anesthésie qui limite le TA, mais la phase postopératoire. Des anti-inflammatoires (AINS), du méloxicam (TA de 3 à 5 jours), du kétoprofène (TA de 4 jours) ou de la flunixine (TA de 10 à 15 jours) peuvent être prescrits, l’antibiothérapie étant à l’appréciation du chirurgien.

Protocole 2

L’anesthésie par voie intraveineuse dure de 20 à 30 minutes, et peut atteindre jusqu’à 1 heure, avec un confort amélioré, et le temps d’attente est de 6 mois.

- Prémédication : ± acépromazine, ou αα 2-agoniste ± butorphanol.

- Induction : kétamine. Du diazépam peut être ajouté pour améliorer la qualité de l’induction. Le coucher est alors plus facile, le cheval pliant les carpes. Il est aussi plus progressif, avec une meilleure myorésolution. Et, grâce à cette myorelaxation, le praticien gagne 5 à 10 minutes d’anesthésie.

- Entretien : répéter le bolus α 2-agoniste et kétamine, ou le “triple drip” guaiacol glycéryl ether (GGE), α 2-agoniste et kétamine au goutte-à-goutte.

Optimiser l’analgésie : anesthésie locorégionale (lidocaïne) ± butorphanol (ou morphine).

Les avantages de ce protocole sont une meilleure myorelaxation, plus d’options pour l’analgésie, et une durée et une profondeur d’anesthésie optimisées.

Gwenola Touzot-Jourde Département des sciences cliniques, Oniris, à Nantes (Loire-Atlantique). Article rédigé d’après une présentation faite lors des journées annuelles de l’Avef à Paris, le 14 décembre 2017.