ÉTUDE
PRATIQUE MIXTE
Formation
Auteur(s) : TANIT HALFON
Des chercheurs de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) ont mené une étude de terrain1 lors de l’épizootie d’influenza aviaire H5 hautement pathogène (IAHP) de l’hiver 2016-2017, afin d’évaluer la persistance du pathogène dans le lisier de palmipèdes. « Le lisier, comme source de persistance et de dissémination possible du virus, n’était pas connu pour ce sous-type viral. De plus, c’est la première étude de terrain qui s’intéresse à la survie des virus IAHP dans les effluents d’élevages de canards », expliquent Sophie Le Bouquin et Axelle Scoizec, deux chercheuses à l’Anses de Ploufragan-Plouzané (Côtes-d’Armor)2, qui ont participé à l’étude. Une précédente publication3 de l’agence s’était déjà penchée sur la survie, dans des conditions expérimentales, d’un autre sous-type viral, le H5N9HP, isolé en France lors de la première épizootie de 2015-2016. La recherche de ce virus dans deux lisiers d’élevages de canards reproducteurs barbarie et pékin contaminés expérimentalement avait révélé une survie jusqu’à 5 semaines après la contamination sans aucun traitement du lisier, réduite à 2 semaines lorsqu’un assainissement par chaulage était réalisé.
Cinq élevages (tableau ci-dessous) de canards en gavage du Sud-Ouest, infectés par le virus H5HP au cours de l’hiver 2016-2017 (2 dans les Landes, 2 dans le Gers et 1 dans les Pyrénées-Atlantiques), sont inclus dans l’étude. Des prélèvements de 2 l de lisier par élevage sont réalisés durant la période du 5 janvier au 8 février 2017, à l’aide d’une perche télescopique (1 l en surface et 1 l en profondeur), en moyenne 12 jours après le départ des canards, excepté pour l’élevage 2 où les animaux étaient encore sur le site. Les analyses (tableau ci-dessus) révèlent la présence du virus H5HP dans les élevages 1 et 4, les deux fosses ayant déjà reçu, au moment du prélèvement, des eaux de lavage de la salle de gavage, contenant des produits détergents et désinfectants. Dans l’élevage 1, le pathogène disparaît entre 2 et 3 semaines après l’abattage des animaux, et entre 3 et 4 semaines dans l’élevage 4. Un virus H4 est mis en évidence dans l’élevage 2, avec une persistance à 7 semaines après l’abattage. Enfin, du paramyxovirus (PMV1 et PMV6) est détecté dans les deux élevages restants (élevages 3 et 5), ainsi qu’à partir de 4 semaines après l’abattage pour l’élevage 4. « Ce n’est pas étonnant de détecter dans du lisier d’élevage une grande disparité d’agents pathogènes, notamment plusieurs virus influenza, car des co-infections sont possibles. Il faut simplement se rappeler que seuls les virus H5 et H7 sont réglementés puisqu’ils sont susceptibles de muter rapidement vers des formes hautement pathogènes. Ce sont donc les seuls recherchés aujourd’hui lorsque la maladie est suspectée. »
Bien que l’étude ne porte que sur un nombre très limité d’élevages, elle conforte l’hypothèse que le lisier constitue bien une source de persistance du virus sur l’élevage. La survie de plusieurs semaines (3 pour les lisiers naturellement contaminés, 5 pour l’étude expérimentale) pour deux virus H5HP testés est cohérente avec la durée de stockage naturel du lisier de 60 jours telle que préconisée par la réglementation. De plus, «
la recherche du virus dans le lisier pourrait être un complément intéressant
lors des investigations. Par exemple, pour conforter une contamination dans des lots en fin d’excrétion pour lesquels les prélèvements issus des animaux ne sont pas concluants
», soulignent Sophie Le Bouquin et Axelle Scoizec. Il faudra cependant obligatoirement associer cette analyse avec d’autres prélèvements environnementaux. «
Le phénomène de dilution est toutefois à prendre en considération. Un résultat négatif ne permet pas de conclure.
» L’étude sera complétée par une autre publication : «
Le laboratoire national de référence a poursuivi les analyses afin de déterminer la viabilité des virus identifiés et l’évolution de leur infectiosité dans le temps au-delà des 8 semaines présentées dans notre étude. Elles feront l’objet d’une publication dans l’année
», ajoutent les chercheuses.
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2 Unité épidémiologie et bien-être en aviculture et cuniculture.
3 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1721 du 26/5/2017, page 34.