DOSSIER
Auteur(s) : SERGE TROUILLET
Près d’une centaine de personnels vétérinaires exercent leur métier au sein de la SPA ; une médecine préventive et de collectivité, avec de nombreuses entrées-sorties, qu’ils pratiquent au quotidien dans un esprit de plein engagement pour la protection animale. Éclairage sur la première association de protection animale en France et témoignages de quelques-uns de ses vétérinaires.
En recueillant à elle seule près de la moitié des 100 000 animaux abandonnés chaque année en France, la SPA1 est la plus importante association de protection animale nationale. Elle est également la plus ancienne. Son premier combat, lors de sa création en 1845, visait la protection des chevaux que les cochers parisiens maltraitaient. L’institution elle-même affichait une petite forme lorsque sa présidente bénévole, Natacha Harry, a été élue pour son premier mandat en 2013 : « Elle sortait de plus de trois ans d’administration judiciaire, désorientée et sans projet. Il nous fallait la réorganiser, la moderniser, et nous nous félicitons de l’avoir ancrée dans son époque. »
Parmi les actions concrètes menées depuis lors, la création, dans l’Orne, du Grand Refuge, dédié aux équidés ayant parfois subi « d’innommables maltraitances », réjouit tout particulièrement la présidente, de même que le plan global de rénovation des sites de l’association mis en œuvre depuis 2014 ; un plan pluriannuel d’investissement d’environ 50 millions d’euros : « Nous affirmons ainsi la dimension qualitative de la SPA, qui non seulement recueille des animaux abandonnés, mais leur apporte au sein de ses structures une qualité de vie que nous considérons comme digne de ce qu’ils méritent. »
Si les animaux recueillis sont identifiés, stérilisés, vaccinés, hébergés et sociabilisés pour être proposés à l’adoption, la protection animale est également nourrie au quotidien, pour l’association, d’enquêtes de terrain allant du conseil éclairé jusqu’au retrait de l’animal, en collaboration avec les forces de l’ordre s’il est en danger, en passant par le suivi après l’adoption et la lutte anti-trafic. Elle se prolonge même par la voie judiciaire quand elle concerne les grands combats éthiques que la SPA mène contre la chasse à courre, la corrida, les conditions indignes d’abattage des animaux d’élevage, la fourrure ou encore l’expérimentation animale. Souvent en s’appuyant sur le savoir-faire spécifique d’autres associations militantes.
Tout cela a un coût, et Natacha Harry se félicite de l’extrême générosité des Français en faveur de la cause animale : « Leurs dons et legs sont indispensables. Les gens nous soutiennent parce que nous sommes reconnus pour notre engagement sérieux sur le terrain. L’obtention en 2016 du label Don en confiance, et notre dernier contrôle par la Cour des comptes, qui a attesté les aspects vertueux de notre gestion, sont de nature à renforcer la confiance de nos donateurs. Je rappelle que nous n’avons aucun financement de l’État. »
Outre les impératifs de la prophylaxie médicale usuelle, la SPA, au-delà de son statut d’association, doit répondre, comme toute association ayant une activité relative aux animaux de compagnie, aux exigences des arrêtés prévus par le Code rural. À ce titre, chacun de ses établissements fait l’objet de deux visites annuelles obligatoires de ses locaux par son vétérinaire sanitaire. De leur côté, les inspecteurs vétérinaires de la Direction départementale de la protection des populations contrôlent également la bonne conformité de ces établissements à leurs obligations sanitaires.
Pour s’en assurer, la SPA salarie 45 vétérinaires et 40 auxiliaires spécialisés vétérinaires dans ses refuges et ses dispensaires : deux types de structures très différents l’un de l’autre, comme s’en explique Stéphanie Verdu, vétérinaire référente de l’association : « Le vétérinaire du refuge vient en aide aux animaux abandonnés, maltraités ou ramassés par la fourrière, pouvant être en mauvais état général, en souffrance, avec un passé souvent inconnu. Il met tout en œuvre pour les soigner et leur permettre de retrouver un foyer. En dispensaire, il a affaire à des animaux pour la plupart non médicalisés, avec des pathologies souvent avancées quand leurs propriétaires, démunis, attendent le dernier moment pour les présenter. Ces gens sont en grande précarité et nos confrères sont là pour leur rendre un peu de leur dignité en se portant au secours de leurs animaux, le plus souvent leur seul rempart affectif. »
Dans les deux cas, il s’agit de remettre sur pattes des animaux sur lesquels on dispose de peu d’informations. De changer leur destin. Pour les praticiens de la SPA, ce n’est pas sans difficultés. Moins équipés que leurs confrères libéraux, sans appareils d’examens complémentaires, il leur faut s’approprier cet environnement et développer des compétences particulières pour la gestion sanitaire complexe d’une telle collectivité. Car quand un animal arrive, c’est toujours un grand mystère ! C’est là où tout l’art du vétérinaire de refuge ou de dispensaire se révèle. En effet, parvenir à établir un diagnostic sans anamnèse, ou quasiment pas, pour des animaux parfois mal en point, relève souvent de la gageure pour les vétérinaires de l’association ou les libéraux qui interviennent dans ses établissements.
L’examen clinique est alors fondamental. Il doit être le plus poussé possible. « Il nous faut parfois réapprendre à travailler avec des moyens simples, un microscope, de la coproscopie. Revenir aux sources de la médecine vétérinaire. Du reste, nous souhaitons développer des partenariats avec les écoles vétérinaires, afin que les étudiants puissent être confrontés à cette médecine spécifique, qui est une médecine préventive et de collectivité avec de nombreuses entrées-sorties », plaide Stéphanie Verdu.
Pour autant, les vétérinaires de la SPA ne réalisent pas moins, sur site, de chirurgies de convenance (stérilisations, retraits de chaînes mammaires ou de kystes, cystotomies, entropions, ectropions, etc.). Cependant, sans appareils de radiographie, ils sont tenus d’externaliser les opérations de chirurgie osseuse et ne pratiquent pas d’hospitalisations. « On ne peut se passer du vétérinaire libéral. La majorité de nos établissements travaillent uniquement avec eux. Nombre de ces derniers nous aident volontiers et ménagent du temps pour s’occuper de nos animaux », précise Stéphanie Verdu, qui se félicite de leur précieux concours à la cause animale.
Les praticiens de l’association échangent également non seulement avec le public et les bénévoles, mais aussi entre eux. Lors d’un recrutement, le nouvel embauché est envoyé en période d’immersion auprès d’un autre confrère, afin de se familiariser avec ce nouvel environnement aux aspects professionnels si spécifiques. Seule la clientèle a disparu de leur quotidien. Ce qui ne surprend nullement Stéphanie Verdu : «
Les confrères qui pos
tulent chez nous sont pour la plupart en quête d’un inves
tissement personnel faisant abstraction d’une relation avec des clients. Ils souhaitent revenir à l’essentiel pour eux
: venir en aide aux animaux qui en ont le plus besoin, et vivre leur métier comme un acte militant.
»
•
1 Société protectrice des animaux.
« NOTRE POLITIQUE EST TOTALEMENT TOURNÉE VERS LE BIEN-ÊTRE ANIMAL »
LA SPA EN QUELQUES CHIFFRES
« MES JOURNÉES SONT ORGANISÉES, SANS ÉVÉNEMENTS ANXIOGÈNES POUVANT SURGIR À TOUT MOMENT »
« NOUS RENCONTRONS LES CAS LES PLUS IMPROBABLES, QU’ILS SOIENT HUMAINS OU CLINIQUES »
« LA SPA NOUS PERMET DE RÉALISER LES SOINS QUE NOUS JUGEONS NÉCESSAIRES »
« QUEL QUE SOIT LE SITE, CLINIQUE, DISPENSAIRE OU REFUGE, NOUS AVONS DES ANIMAUX QU’IL FAUT SOIGNER »
« LA RÉFLEXION EST AIGUISÉE PAR LA NÉCESSITÉ DE COMPOSER AVEC DES MOYENS PLUS LIMITÉS »