Plein engagement des vétérinaires de la SPA pour la protection animale - La Semaine Vétérinaire n° 1751 du 10/02/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1751 du 10/02/2018

DOSSIER

Auteur(s) : SERGE TROUILLET 

Près d’une centaine de personnels vétérinaires exercent leur métier au sein de la SPA ; une médecine préventive et de collectivité, avec de nombreuses entrées-sorties, qu’ils pratiquent au quotidien dans un esprit de plein engagement pour la protection animale. Éclairage sur la première association de protection animale en France et témoignages de quelques-uns de ses vétérinaires.

En recueillant à elle seule près de la moitié des 100 000 animaux abandonnés chaque année en France, la SPA1 est la plus importante association de protection animale nationale. Elle est également la plus ancienne. Son premier combat, lors de sa création en 1845, visait la protection des chevaux que les cochers parisiens maltraitaient. L’institution elle-même affichait une petite forme lorsque sa présidente bénévole, Natacha Harry, a été élue pour son premier mandat en 2013 : « Elle sortait de plus de trois ans d’administration judiciaire, désorientée et sans projet. Il nous fallait la réorganiser, la moderniser, et nous nous félicitons de l’avoir ancrée dans son époque. »

Parmi les actions concrètes menées depuis lors, la création, dans l’Orne, du Grand Refuge, dédié aux équidés ayant parfois subi « d’innommables maltraitances », réjouit tout particulièrement la présidente, de même que le plan global de rénovation des sites de l’association mis en œuvre depuis 2014 ; un plan pluriannuel d’investissement d’environ 50 millions d’euros : « Nous affirmons ainsi la dimension qualitative de la SPA, qui non seulement recueille des animaux abandonnés, mais leur apporte au sein de ses structures une qualité de vie que nous considérons comme digne de ce qu’ils méritent. »

Du quotidien de terrain aux combats éthiques

Si les animaux recueillis sont identifiés, stérilisés, vaccinés, hébergés et sociabilisés pour être proposés à l’adoption, la protection animale est également nourrie au quotidien, pour l’association, d’enquêtes de terrain allant du conseil éclairé jusqu’au retrait de l’animal, en collaboration avec les forces de l’ordre s’il est en danger, en passant par le suivi après l’adoption et la lutte anti-trafic. Elle se prolonge même par la voie judiciaire quand elle concerne les grands combats éthiques que la SPA mène contre la chasse à courre, la corrida, les conditions indignes d’abattage des animaux d’élevage, la fourrure ou encore l’expérimentation animale. Souvent en s’appuyant sur le savoir-faire spécifique d’autres associations militantes.

Tout cela a un coût, et Natacha Harry se félicite de l’extrême générosité des Français en faveur de la cause animale : « Leurs dons et legs sont indispensables. Les gens nous soutiennent parce que nous sommes reconnus pour notre engagement sérieux sur le terrain. L’obtention en 2016 du label Don en confiance, et notre dernier contrôle par la Cour des comptes, qui a attesté les aspects vertueux de notre gestion, sont de nature à renforcer la confiance de nos donateurs. Je rappelle que nous n’avons aucun financement de l’État. »

Un rempart affectif pour les plus démunis

Outre les impératifs de la prophylaxie médicale usuelle, la SPA, au-delà de son statut d’association, doit répondre, comme toute association ayant une activité relative aux animaux de compagnie, aux exigences des arrêtés prévus par le Code rural. À ce titre, chacun de ses établissements fait l’objet de deux visites annuelles obligatoires de ses locaux par son vétérinaire sanitaire. De leur côté, les inspecteurs vétérinaires de la Direction départementale de la protection des populations contrôlent également la bonne conformité de ces établissements à leurs obligations sanitaires.

Pour s’en assurer, la SPA salarie 45 vétérinaires et 40 auxiliaires spécialisés vétérinaires dans ses refuges et ses dispensaires : deux types de structures très différents l’un de l’autre, comme s’en explique Stéphanie Verdu, vétérinaire référente de l’association : « Le vétérinaire du refuge vient en aide aux animaux abandonnés, maltraités ou ramassés par la fourrière, pouvant être en mauvais état général, en souffrance, avec un passé souvent inconnu. Il met tout en œuvre pour les soigner et leur permettre de retrouver un foyer. En dispensaire, il a affaire à des animaux pour la plupart non médicalisés, avec des pathologies souvent avancées quand leurs propriétaires, démunis, attendent le dernier moment pour les présenter. Ces gens sont en grande précarité et nos confrères sont là pour leur rendre un peu de leur dignité en se portant au secours de leurs animaux, le plus souvent leur seul rempart affectif. »

Revenir aux sources de la médecine vétérinaire

Dans les deux cas, il s’agit de remettre sur pattes des animaux sur lesquels on dispose de peu d’informations. De changer leur destin. Pour les praticiens de la SPA, ce n’est pas sans difficultés. Moins équipés que leurs confrères libéraux, sans appareils d’examens complémentaires, il leur faut s’approprier cet environnement et développer des compétences particulières pour la gestion sanitaire complexe d’une telle collectivité. Car quand un animal arrive, c’est toujours un grand mystère ! C’est là où tout l’art du vétérinaire de refuge ou de dispensaire se révèle. En effet, parvenir à établir un diagnostic sans anamnèse, ou quasiment pas, pour des animaux parfois mal en point, relève souvent de la gageure pour les vétérinaires de l’association ou les libéraux qui interviennent dans ses établissements.

L’examen clinique est alors fondamental. Il doit être le plus poussé possible. « Il nous faut parfois réapprendre à travailler avec des moyens simples, un microscope, de la coproscopie. Revenir aux sources de la médecine vétérinaire. Du reste, nous souhaitons développer des partenariats avec les écoles vétérinaires, afin que les étudiants puissent être confrontés à cette médecine spécifique, qui est une médecine préventive et de collectivité avec de nombreuses entrées-sorties », plaide Stéphanie Verdu.

Vivre son métier comme un acte militant

Pour autant, les vétérinaires de la SPA ne réalisent pas moins, sur site, de chirurgies de convenance (stérilisations, retraits de chaînes mammaires ou de kystes, cystotomies, entropions, ectropions, etc.). Cependant, sans appareils de radiographie, ils sont tenus d’externaliser les opérations de chirurgie osseuse et ne pratiquent pas d’hospitalisations. « On ne peut se passer du vétérinaire libéral. La majorité de nos établissements travaillent uniquement avec eux. Nombre de ces derniers nous aident volontiers et ménagent du temps pour s’occuper de nos animaux », précise Stéphanie Verdu, qui se félicite de leur précieux concours à la cause animale.

Les praticiens de l’association échangent également non seulement avec le public et les bénévoles, mais aussi entre eux. Lors d’un recrutement, le nouvel embauché est envoyé en période d’immersion auprès d’un autre confrère, afin de se familiariser avec ce nouvel environnement aux aspects professionnels si spécifiques. Seule la clientèle a disparu de leur quotidien. Ce qui ne surprend nullement Stéphanie Verdu : « Les confrères qui pos tulent chez nous sont pour la plupart en quête d’un inves tissement personnel faisant abstraction d’une relation avec des clients. Ils souhaitent revenir à l’essentiel pour eux : venir en aide aux animaux qui en ont le plus besoin, et vivre leur métier comme un acte militant. »

1 Société protectrice des animaux.

ANTIGONIE AIGLE (T   03) 

« NOTRE POLITIQUE EST TOTALEMENT TOURNÉE VERS LE BIEN-ÊTRE ANIMAL »

Après avoir été salariée pendant presque dix ans en clinique privée dans la région parisienne, j’ai ressenti le poids d’un exercice subordonné aux nécessités comptables. Je m’en suis libérée en choisissant de travailler pour la SPA, depuis 2012. Je vivais parfois mal de ne pas pouvoir soigner un animal comme j’estimais devoir le faire, en raison des limites financières, certes bien légitimes, de son propriétaire. Nous avons la chance, à la SPA, de bénéficier d’une politique totalement tournée vers le bien-être animal. Pas d’euthanasie sauf dans des cas médicaux extrêmes, et la possibilité de référer lorsque nous atteignons nos limites matérielles ou professionnelles. Notre direction consent de gros efforts pour que nous puissions soigner nos animaux le mieux possible. Bref, nous travaillons dans les meilleures conditions au service de l’animal. Par ailleurs, je n’ai pas le stress de mes confrères libéraux qui ont une entreprise à faire vivre, assurent des gardes le week-end, etc. Notre confort d’exercice est tout de même très agréable. Exerçant à temps partiel, je peux ainsi m’occuper de mes trois enfants en bas âge. Cette situation n’en reste pas moins susceptible d’évoluer. Je ne suis pas fermée à un retour en clientèle. Disons qu’elle me convient parfaitement, pour cette période de ma vie.

LA SPA EN QUELQUES CHIFFRES

En 2017, la Société protectrice des animaux (SPA), c’est :
-  55 refuges, 7 maisons SPA (comme relais d’information dans certaines villes) et 1 grand refuge pour les équidés ;
-  12 dispensaires ;
-  26 clubs jeunes, pour sensibiliser les enfants à la protection animale ;
-  42 390 animaux recueillis ;
-  112 388 animaux ayant bénéficié de soins ;
-  38 443 animaux adoptés.
La SPA, c’est aussi :
- 656 salariés ;
- 4 000 bénévoles ;
- 20 408 adhérents ;
- 179 785 donateurs.
Siège social : 39, bd Berthier, 75017 Paris, contact@la-spa.fr, tél. : 01 43 80 40 66.

DELPHINE DUMONT (LIÈGE   06) 

« MES JOURNÉES SONT ORGANISÉES, SANS ÉVÉNEMENTS ANXIOGÈNES POUVANT SURGIR À TOUT MOMENT »

Je suis arrivée à la SPA en novembre 2016, après avoir travaillé comme salariée en clinique privée, dans la région d’Amiens (Somme). N’étant pas très à l’aise avec les gens, la clientèle me pesait et c’est précisément une cliente qui m’a permis de m’en déprendre. Responsable du refuge de Poulainville (Somme), elle m’a proposé un poste à celui de Tilloy-lès-Mofflaines (Pas-de-Calais). Cela tombait au bon moment pour moi. Je m’y rends trois jours par semaine, un temps partiel que je complète dorénavant par une autre journée au refuge de Poulainville, où exerce également une consœur à mi-temps. S’y trouve aussi, du reste, un dispensaire pour lequel la SPA est en phase de recrutement d’un vétérinaire à temps plein. Nous travaillons différemment qu’en clinique, avec moins de matériel, avec des résultats de laboratoires qui ne sont pas immédiats. Et lorsque nous référons, nous ne pouvons pas suivre nos cas jusqu’au bout. Pour autant, je suis beaucoup moins stressée. Mes journées sont organisées, sans événements anxiogènes pouvant surgir à tout moment. Je n’effectue plus de gardes et mes horaires, réguliers, me permettent de m’occuper de mes enfants et d’être plus disponible pour ma famille. Je n’y vois que des avantages.

ZÉPHYR BERNARD (LIÈGE 2011) 

« NOUS RENCONTRONS LES CAS LES PLUS IMPROBABLES, QU’ILS SOIENT HUMAINS OU CLINIQUES »

Après quelques gardes de nuit et des remplacements en clinique, j’ai intégré la SPA en 2012, d’abord au refuge de Gennevilliers (Seine-Saint-Denis), puis au dispensaire parisien de la porte de Champerret (Paris 17e). Un site où trois vétérinaires se relaient à temps partiel : un bon mi-temps, pour ma part, complété par des remplacements dans des cliniques alentour. Dans un milieu peuplé de marginaux, de gens très démunis et d’étrangers, nous mettons l’accent sur la prévention et la sensibilisation. Beaucoup pensent en effet que nous sommes un service public et que notre aide est un dû. Nous faisons presque office d’antenne sociale. Nous nous sentons d’autant plus utiles que nous y rencontrons les cas les plus improbables, qu’ils soient humains ou cliniques, des animaux nous arrivant parfois dans des états indicibles. Nos moyens limités nous obligent alors à nous montrer inventifs.

« LA SPA NOUS PERMET DE RÉALISER LES SOINS QUE NOUS JUGEONS NÉCESSAIRES »

Quand j’ai commencé par des remplacements au dispensaire de Lyon (Rhône), en 2006, je connaissais la structure pour y avoir effectué des stages pendant mes études. Très vite, j’ai été embauchée par la SPA à temps partiel, puis à temps complet en 2008, lorsque le refuge de Marennes (Rhône), à une vingtaine de kilomètres de Lyon, a été ouvert. Je partage aujourd’hui mon temps entre ces deux structures. Et je m’en félicite. La SPA nous permet de réaliser les soins que nous jugeons nécessaires, et elle alloue les budgets correspondants. Ils ne sont pas illimités, bien entendu. Nous devons être économes dans notre pratique, mais pas aux dépens de l’animal. Certes, je n’ai pas l’analyseur ni l’échographe sous la main, et il me faut courir à l’extérieur pour les examens complémentaires. Mais j’ai parfois référé des chirurgies, avec l’accord de l’équipe, que je n’aurais sans doute pas pu demander en clientèle en raison de leur coût. Nous avons la chance de ne pas avoir d’autres considérations à prendre en compte que celles de soigner au mieux les animaux. Beaucoup pensent encore que les refuges sont des mouroirs pour animaux où l’on euthanasie à tour de bras : ce n’est heureusement absolument pas le cas à la SPA. C’est notre fierté de faire connaître et de prôner l’éthique de notre association. C’est pour cela que j’ai toujours voulu être vétérinaire.

« QUEL QUE SOIT LE SITE, CLINIQUE, DISPENSAIRE OU REFUGE, NOUS AVONS DES ANIMAUX QU’IL FAUT SOIGNER »

Lorsque je suis revenue du Portugal, en 2012, après y avoir fait mes études de vétérinaire et exercé pendant une douzaine d’années, j’ai intégré une clinique grenobloise à temps partiel. L’occasion m’a alors été donnée en 2014 de rejoindre, à temps partiel également, le dispensaire de la SPA à Grenoble (Isère). L’idée m’a d’autant plus séduite que j’associais, quand j’étais petite, le métier de vétérinaire à cette association de protection animale. Depuis, je travaille également une fois par semaine au refuge de Briançon (Hautes-Alpes) et je me partage, à mi-temps, entre les deux sites de la SPA et une clinique à 25 km de Grenoble. Quel que soit le site, clinique, dispensaire ou refuge, nous avons des animaux qu’il faut soigner. Ce qui change, c’est l’environnement de l’exercice : clientèle solvable, propriétaires démunis ou objectif d’adoption, moyens matériels à disposition ou plus limités, animal médicalisé ou non, concours de confrères libéraux, etc. Nous devons composer avec ce que nous avons. Bref, nous nous adaptons.

LAURE BIBAUT (N   99) 

« LA RÉFLEXION EST AIGUISÉE PAR LA NÉCESSITÉ DE COMPOSER AVEC DES MOYENS PLUS LIMITÉS »

Après avoir effectué des gardes dans la région nantaise, puis des remplacements dans la région parisienne, j’ai été salariée, pendant trois ans, dans une clinique privée à Belfort. Là, je me suis interrogée sur mes motivations professionnelles. J’adore mon métier, mais ma relation à la clientèle et à l’argent est compliquée ; demander des sommes importantes pour les soins à faire sur des animaux, même si je les trouve justifiées, me met mal à l’aise. J’étais alors en quête de sens, et mon embauche par la SPA, en 2003, y a pourvu. Aujourd’hui, dans la région perpignanaise, je me partage entre un dispensaire et deux refuges. Une activité variée où la réflexion est centrée sur l’animal, tout aiguisée qu’elle est par la nécessité de composer avec des moyens plus limités. La dimension sociale de l’exercice au dispensaire et le suivi des animaux jusqu’à leur adoption dans les refuges me correspondent pleinement. C’est l’idée que je me faisais de l’exercice vétérinaire.