PRESCRIPTION HORS EXAMEN CLINIQUE
ACTU
Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL
La Cour de cassation rappelle et sanctionne avec autorité une société d’exercice vétérinaire pour le non-respect des règles relatives à la prescription hors examen clinique. Bilan sanitaire d’élevage, protocole de soins, visites et soins réguliers sont les conditions exigées pour qu’un vétérinaire prescrive des médicaments sans examiner un animal.
Après les chambres de discipline et le Conseil d’État, c’est au tour des juges de la Cour de cassation de se pencher sur la question de l’application du décret du 24 avril 2007 sur la prescription hors examen clinique. Dans un arrêt rendu le 30 janvier 2018, la haute juridiction relance le débat sur la bonne application de ce dispositif réglementaire, dont l’Inspection générale des affaires sociales (Igas)1 estimait, en décembre 2015, qu’« un formalisme excessif a fait perdre de vue aux vétérinaires et aux éleveurs la finalité ». Les conclusions des juges ne laissent place à aucune exception. Pour prescrire sans examen clinique de l’animal, le vétérinaire doit cumulativement réaliser un bilan sanitaire d’élevage, établir et mettre en œuvre un protocole de soins, effectuer des visites régulières de suivi et des soins réguliers. À la lecture de cette première décision de la Cour de cassation dans ce domaine, certains principes semblent encore échapper à quelques vétérinaires de terrain.
La Cour de cassation prend le relais de la cour d’appel de Grenoble (Isère), qui avait condamné, en octobre 2016, une société d’exercice vétérinaire pour délivrance de médicaments par un vétérinaire tenant officine ouverte et prescription irrégulière de médicaments vétérinaires sans examen clinique. Dans son arrêt, la Cour confirme les sanctions prononcées en appel et condamne la société à une amende délictuelle de 50 000 €, dont 30 000 € avec sursis. Pour justifier sa décision, elle rappelle que les conditions exigées pour prescrire sans examiner un animal ne sont pas dissociables et ne se choisissent pas à la carte. « La prescription et la délivrance des médicaments vétérinaires [NDLR : sans examen clinique) sont possibles par le vétérinaire auquel le propriétaire ou l’éleveur des animaux a confié la responsabilité du suivi sanitaire permanent de l’élevage et qui, à ce titre, doit réaliser un bilan sanitaire d’élevage, établir et mettre en œuvre un protocole de soins, réaliser des visites régulières de suivi et dispenser régulièrement des soins, actes de médecine et de chirurgie, le bilan sanitaire et le protocole de soins devant être actualisés au moins une fois par an au vu notamment des comptes rendus de visites réalisées pendant cette période », rappelle la Cour de cassation. Pour Sophie Kasbi, directrice des affaires juridiques du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires (CNOV), cette décision est importante pour la profession. « C’est la première fois qu’une affaire pénale sur la prescription sans examen systématique des animaux est portée devant la Cour de cassation. D’autres affaires, disciplinaires, ont été portées devant le Conseil d’État. Ainsi, des vétérinaires ont été sanctionnés pour le non-respect du décret de 2007. L’Ordre a fait de nombreuses communications sur ce décret de 2007, sous forme de fiches, notamment. Depuis de nombreuses années, les chambres de discipline ont rappelé les règles de la prescription des médicaments vétérinaires au chevet du malade ou dans le cadre d’un suivi sanitaire permanent. Malheureusement, des dérives persistent. Il est évident que cet arrêt va aider les vétérinaires à respecter les règles de prescription », commente-t-elle.
Dans cette affaire, la société mise en cause faisait valoir que « les visites et les soins réguliers, en plus de la visite obligatoire de suivi, ne sont indispensables pour prescrire hors la présence de l’animal que si l’état sanitaire de l’élevage le nécessite ». La société remettait ainsi en cause la notion de besoin , qui devait, selon elle, définir le nombre de visites de suivi nécessaire. Or cette question a été tranchée par la Direction générale de l’alimentation (DGAL), dans une plaquette explicative qui précise, au contraire, que « le vétérinaire doit réaliser au moins une visite de suivi par an ». Pour les juges du fond et la Cour de cassation, le contenu du décret du 24 avril 2007 ne souffre d’aucune ambiguïté. Cette décision satisfait particulièrement l’Ordre, qui s’était constitué partie civile dans cette affaire. « Cet arrêt de la Cour de cassation est l’application du décret de 2007 avec ce principe du bilan sanitaire d’élevage, du protocole de soins, des visites de suivi et des soins réguliers », se félicite encore Sophie Kasbi.
En plein débat sur l’antibiorésistance, les juges de la haute juridiction retiennent que le lieu du domicile professionnel ne doit pas être trop éloigné des élevages suivis. «
Les infractions commises sont d’une gravité certaine dès lors qu’elles sont révélatrices d’un éloignement du vétérinaire des élevages dont il accepte le suivi sanitaire et génèrent des risques importants, notamment en matière d’antibiorésistance et de santé des consommateurs.
»
Pour le CNOV,
« le juge a bien interprété le décret de 2007 en sanctionnant aussi la distance entre les vétérinaires qui établissent les protocoles de soins et les animaux qui se trouvent à des centaines de kilomètres de leur domicile déclaré »,
indique Sophie Kasbi.
•
« LE TRIBUNAL NE S’EST PAS TROMPÉ ! »