CONFÉRENCE
PRATIQUE CANINE
Formation
Auteur(s) : LAURENT MASSON
En ophtalmologie, de nombreux antibiotiques sont disponibles, sous des formes galéniques et des voies d’administration différentes. Un choix raisonné est nécessaire, en tenant compte notamment des problèmes spécifiques de l’œil (structure fermée, différents milieux intraoculaires), mais aussi de la réglementation. Il est parfois judicieux d’employer simplement un antiseptique (comme la tétryzoline) à la place d’un antibiotique. En outre, les infections ophtalmiques primaires sont peu fréquentes. Il convient donc de toujours effectuer un examen clinique complet et de rechercher une cause sous-jacente : herpès virus, kérato-conjonctivite sèche (KCS), cil ectopique, corps étranger, maladie générale (diabète, par exemple).
Le choix de l’antibiotique dépend de l’examen clinique, de la pénétration oculaire, de la galénique et de l’agent infectieux en cause. Lors d’infection “banale”, un antibiotique à large spectre est choisi en première intention : chloramphénicol, gentamicine ou association néomycine-polymyxine B. Par voie locale, une bonne pénétration est obtenue dans la chambre antérieure avec le chloramphénicol, la norfloxacine, la rifamycine, l’acide fusidique et l’érythromycine. En revanche, la polymyxine B, la bacitracine, la néomycine, la gentamicine et la tobramycine ont uniquement une action de surface. La pénétration intraoculaire des antibiotiques par voie générale est bonne pour le chloramphénicol, la doxycycline, les fluoroquinolones, les sulfamides-triméthoprime, moyenne avec la céfalexine, l’amoxicilline et la gentamicine, mais faible pour l’oxacilline, la pénicilline G et l’érythromycine.
Après nettoyage de l’œil, le collyre est instillé trois à cinq fois par jour, pendant au minimum 10 jours, avec un possible relais nocturne par une pommade. Les flacons de collyre peuvent être conservés à température ambiante, mais pas plus de 15 jours après leur ouverture. Il convient d’éviter de prescrire plus de trois produits topiques pour une meilleure observance et d’espacer l’instillation d’au moins 2 à 3 minutes entre chaque produit.
Un frottis conjonctival avec antibiogramme est indiqué lors d’infections graves, chroniques et/ou récidivantes. Chez le chat, il convient d’effectuer une recherche PCR1 par cytobrosse pour vérifier la présence d’un herpèsvirus, de chlamydies et de mycoplasmes. De nombreux faux-négatifs sont cependant constatés. Après instillation d’un anesthésique local (oxybuprocaïne2), un prélèvement est effectué dans les culs-de-sac conjonctivaux à l’aide d’une cytobrosse, puis un étalement sur lame. À l’examen cytologique, une prolifération de neutrophiles et des inclusions cytoplasmiques sont recherchées. L’anesthésie locale est à éviter en vue d’un isolement bactérien, car elle peut perturber le résultat.
- blépharite, meibomite, chalazion et orgelet ?
En cas d’infection mineure des paupières, une pommade antibiotique (néomycine, polymyxine B, framycétine, chloramphénicol, avec ou sans corticoïdes associés) est préférable au collyre, à raison de trois applications quotidiennes. Lors d’infection grave et profonde, la pommade antibiotique est associée à une antibiothérapie par voie générale (céphalosporines ou tétracyclines, mais pas de quinolones3). Le traitement du chalazion est réalisé au moyen d’un curetage chirurgical et d’une antibiothérapie locale et systémique.
- conjonctivite ?
La voie topique est privilégiée, avec un collyre ou une pommade associant néomycine et polymyxine B (avec des corticoïdes si le test à la fluorescéine est négatif) ou à base de gentamicine en présence de bactéries Gram-. Chez le chat, hormis un traitement antiherpétique (ganciclovir en gel ophtalmique, trifluiridine en collyre ou famciclovir par voie générale2), le choix se porte préférentiellement sur les tétracyclines en raison de la fréquence élevée des chlamydies, des mycoplasmes et des salmonelles, par voie locale et systémique.
- dacryocystite ?
Il importe tout d’abord de rechercher un corps étranger, puis de réaliser un lavage abondant des voies lacrymales (sondage des points lacrymaux, éventuellement associé à la pose d’une sonde à demeure pendant quelques jours). L’antibiothérapie est à la fois locale (collyre à diffusion superficielle) et systémique. Il convient d’éviter les pommades, qui entravent le drainage lacrymal.
- kératite infectieuse et ulcère cornéen ?
Après avoir recherché une cause (KCS, virus, cil ectopique, entropion, corps étranger), un traitement associant antibiotique et corticoïde est indiqué lors de test négatif à la fluorescéine. Si le test est positif, seul un antibiotique est prescrit en collyre ou pommade (néomycine-polymyxine B ou chloramphénicol/fluoroquinolones en seconde intention). Lors d’ulcère profond, souvent dû à Pseudomonas, l’évolution vers une kératomalacie peut être grave et rapide. Il est alors possible d’utiliser un collyre “fortifié” pour ces lésions sévères de la cornée (préparation extemporanée d’antibiotique à partir d’une présentation intraveineuse, dont la concentration est supérieure à celle des collyres commercialisés), ou un sérum autologue. Dans ces cas d’ulcères graves stromaux, une microchirurgie de greffe conjonctivale pédiculée est très souvent indiquée.
- endophtalmie ?
Rare, l’endophtalmie est consécutive à un traumatisme pénétrant (griffure, corps étranger), à une chirurgie intraoculaire ou à un foyer infectieux voisin ou à distance (affections dentaires). Lors d’atteinte du segment antérieur, un antibiotique topique à bonne pénétration (chloramphénicol, acide fusidique, norfloxacine2) est indiqué. En revanche, un traitement topique est inintéressant lors d’atteinte du segment postérieur (vitré, par exemple). Dans ce cas, une antibiothérapie par voie générale (céphalosporines ou amoxicilline-acide clavulanique) est mise en place.
- infection orbitaire (abcès, phlegmon) ?
Un prélèvement est recommandé. Une antibiothérapie par voie générale (céphalosporines ou amoxicilline-acide clavulanique, clindamycine) vient compléter le drainage chirurgical.
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1 Polymerase chain reaction.
2 Pharmacopée humaine.
3 Le décret du 19/3/2016 sur les antibiotiques dits critiques, en vigueur le 1er/4/2016, restreint la prescription des fluoroquinolones et des céphalosporines de 3e et 4e générations. Dans le cas particulier de l’ophtalmologie, trois collyres à autorisation de mise sur le marché (AMM) en médecine humaine contenant des quinolones figurent sur une liste dérogataire et peuvent donc être prescrits : ciprofloxacine (Ciloxan®), ofloxacine (Exocine®) et norfloxacine (Chibroxine®).