Actualités sur la leptospirose chez le chien - La Semaine Vétérinaire n° 1752 du 16/02/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1752 du 16/02/2018

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : MYLÈNE PANIZO 

La leptospirose est une maladie infectieuse bactérienne zoonotique. Une recrudescence des cas chez le chien est observée en Europe depuis les années 2000. L’implication de nouveaux sérogroupes, associés à des virulences variables, est aussi constatée.

Signes cliniques

L’expression clinique est généralement aiguë. Dans 75 % des cas, une anorexie, une léthargie et des vomissements sont associés. L’atteinte est majoritairement hépatorénale, mais des formes pulmonaires graves, associées à une détresse respiratoire et à une hémoptysie, ont été récemment observées en Europe. Moins de 20 % des chiens ont un ictère et une hyperthermie est constatée dans seulement un tiers des cas. Les autres atteintes, constatées, par exemple, chez le cheval (uvéite), les bovins (affection de l’appareil reproducteur) ou l’homme (atteinte cardiaque ou méningée), ne sont que peu documentées chez le chien.

Il subsiste un doute important quant à l’existence d’une forme clinique chronique de leptospirose.

Diagnostic

Les examens biochimiques sont les premiers éléments d’orientation : 80 à 100 % des chiens présentent une insuffisance rénale aiguë. La présence d’une glucosurie sans hyperglycémie indique une tubulopathie, ce qui est un argument supplémentaire en faveur d’une leptospirose. Plus de 50 % des chiens ont l’activité d’une ou plusieurs enzymes hépatiques augmentée.

Lors de forme pulmonaire, la radiographie thoracique montre en général une opacification interstitielle nodulaire alvéolaire, principalement dans les lobes caudaux. Une échographie abdominale peut être réalisée pour rechercher une intussusception ou une mucocèle biliaire, deux complications parfois observées lors de leptospirose.

Le choix de la méthode diagnostique en cas de suspicion de leptospirose dépend de la durée d’évolution des symptômes, du statut vaccinal et de la prise éventuelle d’antibiotiques. La bactériémie étant fugace, la polymerase chain reaction (PCR) sur sang est indiquée dans les 7 jours suivant l’apparition des symptômes, et la PCR sur urine au-delà. Les prélèvements doivent être effectués avant l’administration d’antibiotiques, car ces derniers peuvent rendre très rapidement une PCR négative.

Des tests sérologiques peuvent être réalisés à tout moment, mais leur interprétation est parfois difficile. La technique de micro-agglutination (MAT) est le test de référence. La meilleure façon de prouver une infection leptospirosique est de réaliser deux MAT (avec 5 à 15 jours d’intervalle), afin de mettre en évidence une séroconversion. Lorsqu’une vaccination contre la leptospirose a été pratiquée dans les 2 mois précédant le prélèvement, l’interprétation des tests sérologiques devient délicate, voire impossible. Des tests rapides existent sur le marché (mise en évidence des immunoglobulines M). Il existe peu d’études indépendantes concernant leurs performances diagnostiques, mais ces tests semblent intéressants. Il est cependant conseillé de confirmer un résultat obtenu par un test rapide avec une technique de référence (MAT ou PCR).

Traitements


• Étiologique

Les traitements à mettre en place en cas de leptospirose ont fait l’objet d’un consensus mondial1. Le traitement spécifique est l’antibiothérapie à base de doxycycline ou de pénicilline. Au service des soins intensifs de VetAgro Sup (Siamu2), Anthony Barthélemy réalise le protocole suivant : ampicilline-sulbactam (Unacim®3) à 20-30 mg/kg en intraveineuse lente, toutes les 6 à 8 heures, pendant la durée de l’hospitalisation, puis relais per os avec de la doxycyline (à 10 mg/kg/j) pendant 14 jours. Il n’y a pas de résistance connue des leptospires aux antibiotiques.


• De soutien

En parallèle, il est nécessaire de soutenir les grandes fonctions de l’organisme.

- Fonction rénale : il est recommandé de réaliser un monitorage rigoureux et régulier de la diurèse. La pose d’une sonde urinaire reliée à un système clos permet de quantifier les urines émises. Une fluidothérapie est indiquée uniquement si la diurèse est conservée. Si cette dernière est compromise, un protocole de diurèse forcée peut être tenté, mais il est rarement efficace. L’oligurie est définie par une diurèse inférieure à 1 ml/kg/h et l’anurie si elle est inférieure à 0,2 ml/kg/h. Avoir recours à l’épuration extrarénale (dialyse) est la technique de premier choix pour Anthony Barthélemy, qui conseille de ne pas attendre une dégradation de l’état général. Malheureusement, la dialyse en médecine vétérinaire en France n’est possible qu’au Siamu de Lyon et à Oncovet (Nord).

- Fonction respiratoire : en cas de dyspnée, il est nécessaire d’apporter de l’oxygène, de sédater et de traiter la douleur avec du butorphanol (0,1-0,5 mg/kg). Lors d’hémorragies pulmonaires induites par la leptospirose, l’utilisation des glucocorticoïdes est controversée.

- Fonction hémostatique : en cas d’hémorragie (hors hémorragie pulmonaire), un antifibrinolytique, de l’acide tranexamique (Exacyl®2), à 10 mg/kg en intraveineuse lente toutes les 8 heures, est indiqué. Une transfusion peut parfois s’avérer nécessaire afin d’apporter des facteurs de coagulation.

- Fonction digestive : l’administration d’anti-émétique, d’anti-acide et de protecteurs de la muqueuse digestive est recommandée. Si une anorexie persiste plus de 48 heures, il est conseillé de nourrir rapidement l’animal (via une sonde naso-gastrique ou naso-œsophagienne). Lors d’intussusception, le traitement est chirurgical et urgent.

- Fonction hépato-biliaire : lors de présence de mucocèle biliaire, une chirurgie (non urgente) est indiquée. L’utilisation d’hépatoprotecteurs, de cholérétiques et de vitamine K dépend de l’appréciation du clinicien.

Prévention

Les chiens vivant à la campagne sont les plus exposés, mais ceux des villes peuvent l’être également. La vaccination doit être adaptée à l’évolution épidémiologique et à la présence de facteurs de risque. Il existe trois vaccins quadrivalents : Nobivac® L4 (MSD, sans adjuvant), Versican® Plus L4 (Zoetis, avec adjuvant) et Canigen L4® (Virbac, sans adjuvant). Il n’y a, à ce jour, pas de données publiées prouvant des effets secondaires plus importants avec les vaccinations L4 par rapport aux autres vaccins. Cependant, il faut rester prudent, compte tenu des remontées de terrain, et participer à la veille sanitaire, souligne Marine Hugonnard.

1 Sykes J.E., Hartmann K., Lunn K.F. et coll. 2010 Acvim small animal consensus statement on leptospirosis: diagnosis, epidemiology, treatment and prevention. J. Vet. Intern. Med. 2011;25(1): 1-13.

Schuller S., Francey T., Hartmann K. et coll. European consensus statement on leptospirosis in dogs and cats. J. Small. Anim. Pract. 2015;56(3):159-179.

Voir aussi La Semaine Vétérinaire n° 1631 du 22/5/2015, pages 36 à 41.

2 Soins intensifs, anesthésiologie et médecine d’urgence.

3 Pharmacopée humaine.

Marine Hugonnard Maître de conférences en médecine interne à VetAgro Sup (Lyon). Anthony Barthélemy Praticien hospitalier au service des soins intensifs de VetAgro Sup (Siamu, Lyon). Article rédigé d’après une présentation faite lors d’une journée d’information sur les spirochètes, organisée par l’Académie vétérinaire de France à Maisons-Alfort (Val-de-Marne), en janvier 2018.