PROFESSION
ACTU
Auteur(s) : PIERRE DUFOUR
Confrontée aux changements économique, sociétal et réglementaire, l’entreprise vétérinaire voit son modèle d’affaires et ses équipes évoluer. Un sujet sur lequel l’Académie vétérinaire de France a invité à échanger lors de la séance du 15 février à Paris.
À l’ère 2.0, deux tiers des cliniques et des cabinets en France possèdent un site internet et 49 % sont présents sur les médias sociaux. Avec un avantage non négligeable : l’amélioration de l’image de la clinique et une meilleure proximité avec les clients. Mais l’image véhiculée ou subie par son entreprise sur le Web – l’e-réputation – peut sérieusement inquiéter. « Il ne faut pas ignorer ni supprimer les messages. Le dialogue doit être ouvert pour régler le conflit », conseille Anne Daumas, directrice du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL), lors de la séance de l’Académie vétérinaire de France dédiée à l’entrepreneuriat vétérinaire, qui a eu lieu le 15 février à Paris.
La profession doit faire face aujourd’hui à : la web-économie, la féminisation du métier, l’intégration des nouvelles générations, la structuration juridique des réseaux, la dichotomie entre le travail et le capital investi. Pas si évident. « Quelle forme juridique choisir pour son entreprise ? Avant, c’était simple. Nous disposons désormais d’un grand panel d’outils juridiques, et de pas moins de 24 modèles différents », précise Patrick Cavanna, fondateur du cabinet d’expertise comptable Réso conseil et comptabilité (R2C).
La profession appréhende aussi les évolutions de son secteur. La filière production animale est soumise actuellement à une triple contrainte : en matière de santé publique, mais aussi sociale, avec une préoccupation grandissante pour le statut de l’animal, et environnementale. « Nous observons un changement de paradigme, qui transforme l’aliment en un plaisir, avec une chute des volumes et une hausse de la valeur, déjà observé dans la filière viticole », analyse Philippe Baralon (T 84), dirigeant de la société de conseil en stratégie Phylum. L’essor d’une médecine plus individuelle est envisageable, car la valeur de l’animal augmenterait.
Celle des animaux de compagnie connaît une croissance soutenue, suivant l’offre, avec davantage de chats à soigner. S’y ajoutent le poids de la concurrence non vétérinaire (dont l’e-commerce et la pharmacie low cost) et les évolutions réglementaires. « Des changements sont à prévoir concernant la détention du capital : les associés doivent-ils avoir la majorité des parts ? Est-ce que des capitaux extérieurs pourront en prendre la majorité ? », interroge le dirigeant.
En pratique canine généraliste, le modèle économique dominant est une microentreprise monosite, très résiliente, amenée à perdurer, mais peu performante. Pour autant, de grandes structures se développent, davantage compétitives, avec un effectif de plus de 20 personnes. Le modèle dominant sera probablement une grappe locale de cinq à six cliniques sur un territoire restreint. Quelques groupes détiendront de nombreuses cliniques, plus de 15 ou 20, dans plusieurs zones géographiques.
En pratique canine spécialisée, des centres hospitaliers émergent avec une couverture disciplinaire vaste et des modèles stables.
En exercice mixte, c’est l’entreprise monosite qui domine, plus grosse et plus structurée qu’en canine. « Seules les plus grandes survivront, sur un modèle de grappe locale », explique Philippe Baralon.
Enfin, pour l’activité équine, des modèles hospitaliers, combinés avec un modèle ambulatoire, apparaissent.
En conséquence, l’équipe support est plus nombreuse et diversifiée, avec du personnel technique, d’accueil et administratif. Pour un vétérinaire, en France, on compte en moyenne 1,2 personnel support, alors que les structures en Amérique du Nord en ont entre 4 et 6.
Concernant les plans de carrière, « avant, c’était “grouillot” quelques années, puis “grand chef” pendant le reste de la carrière », indique notre confrère. Aujourd’hui, le vétérinaire a un parcours plus complexe, passant du statut de collaborateur junior à senior, de responsable de site, à dirigeant d’entreprise, voire ensuite à dirigeant de groupe. Aux États-Unis, des structures regroupent jusqu’à 9 000 vétérinaires employés, contre 2 000 en Europe et 100 en France.
«
Combien de temps sera-t-on protégé
?
», s’interroge Philippe Baralon. Alors que le secteur vétérinaire se porte bien, le recrutement reste le principal problème. Toutefois, il relativise : «
N’ayons pas peur
! Quels que soient le modèle d’affaires et la taille de l’entreprise, l’objectif, c’est d’être bon sur son territoire
: on est toujours vétérinaire quelque part. »
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