La compétence territoriale du tribunal - La Semaine Vétérinaire n° 1752 du 16/02/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1752 du 16/02/2018

DROIT

ÉCO GESTION

Auteur(s) : CÉLINE PECCAVY  

Alors que la compétence territoriale des tribunaux français peut paraître, au premier abord, assez simple, elle regorge, en réalité, de spécificités.

Il convient d’abord de rappeler un postulat de base : on ne choisit pas son tribunal ! Ce que pourtant beaucoup de contrats-types pour animaux indiquent, les vendeurs précisant qu’en cas de litige le tribunal à proximité géographique de leur élevage sera compétent. Clause abusive assurément. En effet, il ressort de l’article 48 du Code de procédure civile que « toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite, à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée ».

Sauf à avoir la qualité de commerçant, ce qui est plutôt rare dans les dossiers qui nous intéressent, le demandeur à une action en justice devra donc se plier aux règles légales. Alors, quelles sont-elles ?

Où mener l’action en justice ?

Par principe, l’article 46 du Code de procédure civile dispose que le tribunal compétent est celui du défendeur. Ce dernier doit affronter une procédure à l’origine de laquelle il n’est pas. On lui accorde donc la facilité géographique. En principe, toutefois. En effet, les dérogations, issues notamment du même texte de loi sont telles que rares sont encore ceux qui peuvent bénéficier d’une telle commodité.

Ainsi, en matière de vente, si le vendeur a livré l’animal dans un lieu autre que l’élevage, alors l’acheteur pourra agir devant le tribunal du lieu de livraison. Toujours concernant la vente, si l’acquéreur a la qualité de consommateur, il est légalement autorisé à saisir son propre tribunal (article R.631-3 du Code de la consommation).

En matière d’expertise judiciaire, nous rencontrons d’autres règles. Plus fréquemment pour les chevaux que pour les litiges relatifs aux chiens et aux chats, le requérant prend la peine de demander auprès du juge des référés une expertise judiciaire avant de faire valoir ses demandes au fond. Il a alors le choix. Comme l’a confirmé encore la chambre civile de la Cour de cassation le 15 octobre 2015, sont compétents pour désigner en référé un expert judiciaire à la fois le président du tribunal susceptible de connaître de l’instance au fond et le président du tribunal dans le ressort duquel les mesures d’instruction sollicitées seront, même partiellement, exécutées (lieu de vie de l’animal).

En matière de responsabilité vétérinaire, lors d’un acte médical effectué à la clinique, on reviendra à la règle territoriale du domicile du défendeur renforcée par le lieu d’exécution de la prestation de services. L’action ne pourra donc être menée qu’auprès du tribunal associé au lieu d’exercice du praticien.

Contester le choix du tribunal

Et si une action était intentée en ne respectant pas ces règles ? Dans un tel cas, le tribunal ne viendra pas à votre secours. C’est à vous, et impérativement avant tout argument au fond, de faire valoir les bons textes de loi tout en indiquant précisément au tribunal incompétent celui qui doit connaître l’affaire.

Si à tort le tribunal s’entête, il vous reste encore un recours. Pendant très longtemps, la contestation d’une décision d’une juridiction statuant sur sa propre compétence devait passer par la voie spéciale du contredit. Le décret du 6 mai 2017, applicable depuis le 1er septembre 2017, a abrogé cette procédure pour la remplacer par la voie de l’appel. Il ne s’agit cependant pas d’un appel classique dans la mesure où le délai n’est que de 15 jours (au lieu d’un mois) et court à compter du jour de la réception du recommandé envoyé par le tribunal (et non de la signification par voie d’huissier).

En conclusion, réussir un procès nécessite de prêter dès le départ la plus grande attention aux règles de procédure.