Le juge au secours des cirques ? - La Semaine Vétérinaire n° 1752 du 16/02/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1752 du 16/02/2018

BIEN-ÊTRE ANIMAL

ACTU

Auteur(s) : NICOLAS CORLOUER 3

Alors que les arrêtés municipaux se multiplient pour interdire l’installation de cirques détenant des animaux sauvages, le préfet du Var, confronté à un tel dispositif pris dans son département, a saisi le juge sur déféré, qui l’a annulé.

Depuis près de deux ans, la cause animale prend une dimension de plus en plus importante dans notre société, conduisant les pouvoirs publics à s’interroger sur la condition animale, qui fait régulièrement la une de l’actualité. Cette tendance a incité de nombreux maires, une soixantaine aujourd’hui, à prendre des arrêtés interdisant l’installation de cirques détenant des animaux sauvages sur le territoire communal. La question de la légalité de tels dispositifs a été soumise récemment au juge administratif.

Conditions inadaptées de captivité pointées du doigt

Par un arrêté du 8 août 2016, le maire de la commune du Luc-en-Provence (Var) a ainsi interdit l’installation de tels cirques, en s’appuyant :

- sur l’article L.214-1 du Code rural et de la pêche maritime, qui dispose que « tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce » ;

- sur les articles L.2212-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales prévoyant que le maire est chargé de la police municipale, qui a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique, notion également étendue à la moralité publique1.

Ce faisant, le maire a motivé sa décision par le non-respect des normes minimales opposables aux animaux sauvages. Le caractère itinérant des cirques fait en effet obstacle à ces normes, par la circonstance que selon des spécialistes de la question, les cirques ne peuvent offrir à leurs animaux un espace et des conditions de détention adaptées à leurs exigences biologiques.

Par ailleurs, le maire a estimé que la mise en spectacle de ces animaux dans ces conditions portait atteinte aux valeurs de respect de la nature et de l’environnement, et donc à la moralité publique.

Une prérogative des services de l’État et non du maire

Soumis au contrôle de légalité du préfet, comme un grand nombre d’actes pris par les collectivités territoriales, cet arrêté a été considéré comme illégal par le préfet du Var, qui a saisi le juge sur déféré. Ce dernier, jugeant également l’arrêté illégal, l’a annulé au motif que, d’une part, il n’appartenait pas au maire de vérifier les conditions de détention des animaux, mais aux services de l’État, et que, d’autre part, les faits avancés par le maire pour justifier la mesure n’étaient pas établis et ne relevaient ni du bon ordre ni de la sécurité ou de la salubrité publique, ni d’ailleurs de la moralité publique2.

Vers une modification de la loi ?

Ce jugement, qui devra être confirmé en appel et en cassation, semble donc mettre un cran d’arrêt à la prise de ce type d’arrêté par les communes.

Néanmoins, cette décision doit également être remise dans son contexte particulier. En effet, l’arrêté a été pris par un maire dont la couleur politique est apparentée au Front national. Ces communes font donc l’objet d’une surveillance étroite des préfectures, qui défèrent leurs actes au juge plus facilement, suivant des consignes édictées par l’État. Il est donc possible de s’interroger sur l’introduction d’un tel recours à l’encontre des arrêtés pris par des communes ayant une sensibilité politique différente.

En effet, sur les nombreux arrêtés pris sur ces mêmes fondements, seul celui de la commune du Luc-en-Provence a été déféré au juge.

Enfin, si les conditions juridiques ne sont pas aujourd’hui réunies pour la prise d’un tel arrêté, face à la montée et à la prise de position politique, comme la maire de Paris l’a fait récemment, une rénovation de la législation sur la détention des animaux pourrait être adoptée prochainement.

Dès lors, si le juge semble préserver l’activité des cirques aujourd’hui, une telle solution pourrait ne pas rester privilégiée à l’avenir.

1 Conseil d’État du 27/10/1995, commune de Morsang-sur-Orge (Essonne), req. n° 136727.

2 Tribunal administratif de Toulon (Var), 28/12/2017, commune du Luc-en-Provence, req. n° 1701963.

3 Avocat au barreau de Paris.