Gérer la maladie d’un collaborateur au sein de sa clinique - La Semaine Vétérinaire n° 1753 du 24/02/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1753 du 24/02/2018

ÉQUIPE

ÉCO GESTION

Auteur(s) : FRANÇOISE SIGOT 

Entre compassion et réorganisation, le chef d’entreprise doit trouver le juste milieu pour faire face à la maladie grave d’un collaborateur. Le point avec une experte en psychologie.

Quel comportement adopter à l’annonce de la maladie d’un collaborateur ? Doit-on chercher à connaître les causes d’un arrêt de travail de longue durée ? Peut-on s’enquérir régulièrement de l’évolution de l’état de santé d’un salarié malade ? La liste des questions que peut se poser un employeur confronté à cette situation semble sans fin. Et les réponses parmi les plus délicates à apporter. À la croisée de la vie privée et de la vie professionnelle, la maladie d’un confrère ou d’un salarié est une épreuve déstabilisante pour l’ensemble de l’équipe. La théorie selon laquelle un arrêt de travail interdit d’en savoir plus se heurte bien souvent à la réalité, où l’employeur et les collègues peuvent être de précieux soutiens pour un collègue atteint d’une maladie.

Des règles à respecter pour le manager

La gestion de la maladie doit obéir à des règles, à commencer par le respect de ce que souhaite le salarié malade. Si celui-ci envoie son arrêt de travail sans davantage de précisions, l’employeur ne doit pas chercher à en savoir plus. À l’inverse, certains collaborateurs souhaitent informer leur employeur des causes de leur absence et de la façon dont leur traitement va se dérouler. D’aucuns évoquent même les conséquences que leur absence aura sur l’organisation de la structure et proposent des solutions. Quel que soit le scénario, l’employeur doit agir selon la volonté du malade, et cela concerne aussi le fait d’annoncer ou non à l’équipe que cette absence risque de se prolonger. « Tout cela dépend beaucoup de la relation managériale au sein de l’équipe. Il est bon de profiter du moment où le salarié transmet son arrêt de travail pour lui demander s’il souhaite en dire plus sur les raisons qui l’éloignent de l’entreprise et s’il souhaite que ses collègues soient informés. Partant de là, sa parole doit être respectée », estime Patricia Rège, psychologue, psychothérapeute interculturelle d’entreprise à Consult’R (et anciennement directrice des opérations de la société Rehalto, spécialisée dans le développement du bien-être au travail).

Maintenir la qualité de services

Gérer la maladie d’un collaborateur implique aussi de gérer la réaction de ses collègues et l’organisation – ou la réorganisation – qui s’impose. « Si les collègues d’une personne malade souhaitent en savoir plus sur son état de santé, l’employeur peut les inviter à prendre contact avec elle, mais il doit bien leur préciser que lui ne dira rien, conformément à ce que lui a demandé le malade », ajoute Patricia Rège. Au-delà de l’empathie, le rôle du dirigeant est de maintenir la qualité du service vis-à-vis des clients, en l’occurrence de faire en sorte que la clinique soit le moins impactée possible par l’absence d’un collaborateur. Et là, la communication détaillée est de mise. « Il faut expliquer avec précision quelle organisation va être mise en place pour pallier l’absence de la personne malade », insiste la psychologue. Tout en restant à l’écoute des collaborateurs, qui peuvent avoir des solutions pour combler l’absence d’un de leurs collègues.

L’arrêt maladie : ce qu’interdit la loi

Pour certains salariés malades, mettre la vie professionnelle entre parenthèses durant une période de soins peut être très difficile à accepter. De fait, quelques personnes demandent à leur employeur s’il est possible de maintenir un lien avec leur travail. « Dès lors que quelqu’un est en arrêt de travail, la loi lui interdit d’être présent dans l’entreprise. Théoriquement, un salarié en arrêt maladie ne peut même pas se rendre sur son lieu de travail pour remettre son arrêt de travail ou récupérer quelques affaires », souligne Patricia Rège. De même, échanger des e-mails avec un collègue malade pour lui demander tel ou tel renseignement visant le cadre professionnel n’est pas autorisé. L’employeur doit donc bien connaître ces règles, sous peine de s’exposer à des sanctions. En pratique, lorsqu’un salarié souhaite conserver un lien avec son environnement de travail, les événements organisés en dehors du temps de travail, comme une fête à l’occasion d’une naissance ou un départ en retraite, peuvent être un moyen de l’associer à la vie de la clinique. « Cela permet au malade de sentir qu’il garde une place au sein de la structure qui l’emploie. Par ailleurs, sans être intrusif, un petit mot ou un coup de fil de temps en temps sont toujours des signes positifs, y compris pour ceux qui coupent les ponts avec leur vie professionnelle durant leur traitement », fait valoir la psychologue.

Préparer le retour à la clinique

Gérer une maladie de longue durée implique, certes, de s’organiser pour pallier l’absence, mais aussi d’anticiper le retour du malade. « La reprise du travail peut se faire de différentes façons, par exemple à temps partiel. Dans tous les cas, l’employeur doit prendre le temps d’accueillir la personne qui revient. D’une part, cela permet d’évoquer avec elle comment elle souhaite que son absence soit présentée à l’équipe si personne ne sait pourquoi elle a été absente, d’autre part, cet entretien va servir à rassurer le salarié car quelqu’un qui est resté éloigné plusieurs mois de son travail a toujours une appréhension. Il faut donc prendre le temps de lui expliquer ce qui a changé », conseille Patricia Rège. Parfois, certaines adaptations du poste de travail peuvent être nécessaires. Elles sont en général prescrites par le médecin, mais d’autres aménagements “informels” peuvent aussi être mis en place pour faciliter la tâche d’une personne qui reprend le travail après une longue maladie.

Un accompagnement utile

Pour faciliter la reprise, le dispositif de visite de préreprise avec le médecin du travail peut être actionné, soit par le salarié lui-même, soit par le médecin conseil ou le médecin traitant, afin d’organiser au mieux le retour au travail. Au-delà des ressources internes et de la médecine du travail, les assistantes sociales et, le cas échéant, les membres d’associations comme Vétos-entraide chez les vétérinaires sont des personnes sur lesquelles il est possible de s’appuyer pour faciliter le retour à l’emploi d’un de ses collaborateurs et même, en amont, pour obtenir des conseils afin de gérer l’absence d’un collaborateur. Contrairement à ce que certains redoutent, l’épreuve de la maladie devient souvent un événement de nature à resserrer les liens entre une équipe et l’employeur.

LA GESTION DES CAS LES PLUS GRAVES

Des situations plus difficiles, comme le décès d’un salarié, devront être gérées selon des règles précises, notamment celle de respecter les désirs de celui qui n’est plus là ou de sa famille.« L’employeur n’a pas à préciser les causes d’un décès, en revanche il doit l’annoncer si la famille du défunt le lui demande, explique Patricia Rège.Lors de l’annonce du décès, il doit également expliquer à son équipe ce qu’il entend mettre en place au nom de la clinique. Par exemple, participer ou non aux obsèques, acheter des fleurs, faire un don à une association, fermer la clinique pour que tout le monde puisse se rendre à la cérémonie », ajoute la psychologue. Enfin, annoncer le décès d’un membre de l’équipe nécessite de prendre du temps pour ceux qui restent.« Le décès d’un collègue est très traumatisant pour une équipe », souligne Patricia Rège. Une première étape doit donc être consacrée à l’annonce. Il conviendra ensuite de réunir l’équipe pour, cette fois, aborder la façon dont on entend s’organiser pour pallier l’absence de la personne décédée.