BIODIVERSITÉ ET ÉLEVAGE
PRATIQUE MIXTE
L'ACTU
Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE
Les consultations successives des différents acteurs menées par le gouvernement depuis l’automne dernier ont abouti au plan national d’actions 2018-2023 sur le loup et les activités d’élevage, présenté le 19 février. Dans ce texte, très critiqué depuis son annonce, le vétérinaire est un interlocuteur privilégié à consulter pour le mettre en place.
Après plus d’un an de concertations tendues entre pro- et anti-loups, Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, et Stéphane Travert, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, ont présenté le plan national d’actions 2018-2023 sur le loup et les activités d’élevage qui a été retenu. L’objectif fixé était une refonte concertée du dispositif de gestion du loup, 25 ans après son retour en France, visant à assurer la viabilité de l’espèce tout en protégeant mieux les troupeaux et les éleveurs.
En effet, en automne dernier, une consultation des représentants des différents acteurs (éleveurs, organisations non gouvernementales, élus locaux), l’étude du rapport du diagnostic du plan d’action national sur le loup 2013-2017 et les derniers résultats scientifiques disponibles1 avaient conduit à un projet de loi et à deux arrêtés. Ces derniers ont ensuite été soumis, début janvier, à l’évaluation du Conseil national de la protection de la nature (CNPN, organisme consultatif placé auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire) et des citoyens2. Mais ni l’avis sévère du CNPN ni les pressions des éleveurs et des associations n’y ont fait, le texte n’a quasiment pas évolué depuis janvier.
Le document actualisé, fort d’une centaine de pages et de 38 actions, est crucial puisqu’il doit guider toutes les activités de terrain pour les six prochaines années, avec l’objectif d’obtenir un subtil équilibre entre la préservation de la biodiversité de nos territoires et la protection des éleveurs confrontés à de nombreuses attaques sur leurs troupeaux. Il vise à atteindre 500 loups sur le territoire d’ici 2023, afin d’assurer une viabilité démographique de l’espèce, contre 360 environ fin 20173. Les scientifiques recommandent aussi de ne pas abattre plus de 10 à 12 % de l’effectif chaque année. Ainsi, pour 2018, année de transition, le plan fixe un plafond initial d’abattage de 40 loups, qui sera actualisé une fois connus les chiffres de population au printemps. Les tirs de défense (simple et renforcée) seront privilégiés de janvier à septembre et ceux de prélèvement seront effectués à l’automne, afin de réduire la pression de prédation dans les foyers d’attaques et de freiner l’expansion du loup. Autre mesure sensible, la conditionnalité des indemnisations des éleveurs à la possession de mesures destinées à protéger les troupeaux a été adoptée. Des dispositifs « innovants » de protection et d’effarouchement seront aussi testés. Enfin, de nouvelles études scientifiques permettant d’améliorer les connaissances autour du loup seront menées.
Le vétérinaire a un rôle important à jouer dans les deux premiers axes stratégiques du plan d’action : la protection des troupeaux et l’amélioration de la communication entre les différents acteurs. Il doit ainsi intervenir dans la mise en place d’un réseau technique de « chiens de protection » (par des activités de conseil et de formation), ainsi que dans le dispositif d’accompagnement technique, notamment pour la protection des élevages nouvellement attaqués. D’autre part, le vétérinaire sera un interlocuteur et un médiateur privilégié pour les questions relatives à la présence du loup et à ses attaques (encadré).
« Il n’y a pas de choix parfait », résumait récemment Nicolas Hulot. En effet, le texte ne satisfait ni les éleveurs ni les écologistes, qui le rejettent tous deux en bloc et prévoient de répondre par des recours juridiques. Alors que les pro-loups4 estiment que « les orientations du plan national d’actions sont déséquilibrées (inefficacité des tirs de destruction aveugle, atteinte à la conservation de l’espèce et absence de mise en évidence des bénéfices liés au retour des prédateurs) » et que « les dispositions des projets d’arrêtés sont inacceptables », les associations d’éleveurs5 considèrent que « les décideurs politiques font le choix de l’ensauvagement des territoires au détriment des activités humaines ». Ils souhaitent notamment la suppression du plafond de loups pouvant être tués, un maintien des tirs de prélèvement tout au long de la campagne et l’abandon de la conditionnalité dans l’indemnisation des victimes.
Nicolas Hulot, qui avait émis la volonté que les «
acteurs et élus locaux dépassionnent le débat et construisent ensemble cette coexistence sur le long terme
», n’a pas été entendu pour le moment. Cependant, le gouvernement reste ferme pour le moment et espère que «
ce plan puisse être mis en œuvre dans son intégralité
». Nous verrons dans les mois à venir s’il y parvient ou bien s’il doit revoir sa copie avant l’évaluation de mi-parcours prévue lors de la mise en place de la deuxième phase du plan.
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1 Muséum national d’histoire naturelle et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage.
2 Consultation publique du 8 au 29 janvier 2018 : 5 760 contributions ; 75 % d’entre eux sont favorables à la protection du loup, tandis que 25 % soutiennent l’élevage face à la prédation.
4 France nature environnement (FNE), Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), Humanité et biodiversité, World Wildlife Fund (WWF), Ferus, Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas).
5 Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), Fédération nationale ovine (FNO), Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA), Union pour la sauvegarde des activités pastorales et rurales (Usapr).
« CE PLAN APPORTE D’ÉNORMES PROGRÈS, MAIS EST PERFECTIBLE »