Un boycott qui tourne mal - La Semaine Vétérinaire n° 1753 du 24/02/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1753 du 24/02/2018

CONCURRENCE

ACTU

Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL 

L’appel au boycott d’un laboratoire par un GIE de vétérinaires est une pratique anticoncurrentielle, sanctionnée par le Code du commerce.

S’il est caractérisé, le boycott anticoncurrentiel est une pratique prohibée qui peut entraîner une amende transactionnelle de 20 800 €1. C’est la conclusion envoyée au groupement d’intérêt économique (GIE) Synervet par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Une enquête a été diligentée par la DGCCRF sur des pratiques concernant le secteur de la distribution de produits vétérinaires dans les départements d’Ille-et-Vilaine, de la Mayenne et du Morbihan. Les éléments récoltés ont permis de « démontrer que les vétérinaires adhérents du GIE Synervet ont mis en place, en 2015, une mesure de boycott à l’égard de médicaments nécessaires à l’élevage, fabriqués par le laboratoire Bayer Healthcare ».

80 % de chute de vente

Selon la DGCCRF, le GIE Synervet avait mené une opération de rétorsion dont le but était d’empêcher le laboratoire Bayer de lui faire concurrence sur le marché de la fourniture de médicaments pour animaux délivrés sans ordonnance. Tout commence lorsqu’une association d’éleveurs acquiert auprès d’un pharmacien, à « des prix très compétitifs, des obturateurs de trayons de la marque Bayer utilisés dans la prévention des infections mammaires des vaches laitières et disponibles sans prescription médicale ». Dans cette affaire, les éléments communiqués par la DGCCRF ne pourraient-ils pas susciter des interrogations sur le rôle de ce pharmacien, qui pourrait s’apparenter à celui d’un courtier ?

L’autorité de contrôle retient que ce boycott lancé par les vétérinaires de Synervet « a ainsi provoqué une chute de 80 % de la vente de médicaments de la gamme rurale de la marque Bayer Healthcare par rapport à 2014 ».

Contacté par nos soins, Bayer n’a pas souhaité commenter cette décision. Mais le laboratoire indique respecter le droit de la concurrence en vigueur en France et en Europe. « Notre politique commerciale est conçue dans le respect de la réglementation et du droit de la concurrence. Ainsi chaque acteur du marché est libre de déterminer sa propre politique prix », indique David Hacking, responsable marketing pour les animaux de rente chez Bayer. Il ajoute que le laboratoire continue de collaborer avec Synervet. « Le GIE Synervet est un acteur économique que nous avons rencontré et avec lequel nous continuerons nos discussions, que ce soit sur les produits animaux de compagnie ou animaux de rente », poursuit-il.

De son côté, le GIE Synervet a reçu une injonction de l’autorité administrative, afin de faire cesser ces pratiques qualifiées de collusives et de nuisibles. « Cette action est contraire au Code de la santé publique, qui ne réserve pas d’exclusivité de distribution aux vétérinaires pour ces produits, qu’ils nécessitent ou non une prescription médicale. » Une piqûre de rappel pour le groupement, qui a tiré les leçons de cette affaire. « À la suite d’un désaccord avec un fournisseur, nous avons décidé de réduire une partie de notre relation avec lui à la fin du contrat, souligne un représentant du GIE Synervet. Nous n’étions pas en situation de monopole et avons appris à nos dépens qu’il suffit d’avoir l’intention de s’entendre, même sans que cela produise d’effet, pour que cela représente une infraction. Le paradoxe est qu’une entreprise de taille supérieure à notre groupe pourrait prendre cette décision sans soucis, mais le fait que nous soyons plusieurs petites entreprises négociant ensemble crée cette contrainte. »

Un règlement transactionnel de 20 800 €

La DGCCRF rappelle que le boycott est une pratique prohibée en ce sens qu’elle fausse le libre jeu de la concurrence. Dans ses conclusions, elle cite aussi l’article L.420-1 du Code du commerce qui prohibe les actions ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, de limiter l’accès à celui-ci ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises. La DGCCRF a prononcé une injonction et un règlement transactionnel de 20 800 €, acceptés par le GIE Synervet, qui devra également informer ses membres du caractère illicite de ce boycottage.

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