De nouvelles résistances détectées chez l’homme et l’animal - La Semaine Vétérinaire n° 1754 du 09/03/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1754 du 09/03/2018

ANTIBIOTIQUES

ACTU

Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL 

Un rapport de deux agences européennes montre l’émergence de nouvelles résistances bactériennes aux antibiotiques chez l’homme et l’animal.

Un rapport1 de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), publié le 27 février dernier, s’intéresse à la résistance des bactéries chez l’homme et l’animal. Les données récoltées en 2016 démontrent l’apparition de nouvelles résistances, telles que les bactéries Salmonella Kentucky productrices de ß-lactamases à spectre étendu (BLSE) résistantes à la ciprofloxacine chez l’homme. « Les niveaux de résistance aux antimicrobiens diffèrent encore considérablement d’un pays à l’autre au sein de l’Union européenne. Pour gagner cette bataille, nous devons joindre nos efforts et mettre en œuvre des politiques strictes sur l’utilisation des antibiotiques dans tous les secteurs. Il est vital que nous renouvelions tous notre engagement à lutter contre la résistance aux antimicrobiens en nous concentrant sur les domaines clés définis dans le plan d’action One Health de l’Union contre la résistance aux antimicrobiens », déclare Vytenis Andriukaitis, commissaire européen à la santé et à la sécurité alimentaire.

De nouvelles résistances

Les données récoltées en 2016 ont permis de détecter, à Chypre et en Roumanie, une résistance aux carbapénèmes à un niveau très faible chez les volailles et la viande de poulet (15 bactéries E. coli). Cette classe d’antibiotiques n’est pas autorisée en élevage et est principalement utilisée pour soigner des infections graves chez l’homme. Le rapport révèle par ailleurs l’apparition de résistances élevées à l’ampicilline, aux sulfamides et aux tétracyclines chez Salmonella provenant de l’homme, tandis que la résistance aux céphalosporines de 3e génération était faible. Les agences constatent que plus d’un isolat de Salmonella sur quatre (26,5 %), provenant de cas humains de salmonellose, était multirésistant et que de fortes proportions d’isolats étaient résistantes aux sulfamides (34,6 %), à l’ampicilline (29,5 %) et aux tétracyclines (29,2 %). « Une infection sur quatre chez l’homme est causée par la bactérie Salmonella, qui présente une résistance à trois antimicrobiens ou plus, couramment utilisés en médecine humaine et animale. La proportion est significativement plus élevée chez S. Kentucky et S. Infantis (76,3 et 39,4 %, respectivement) », indiquent les agences sanitaires européennes. Pour la première fois depuis 2013, année du lancement de la surveillance des niveaux de résistance, elles détectent dans quatre pays une résistance élevée de la bactérie S. Kentucky productrice de BLSE à la ciprofloxacine. « La détection d’une résistance aux carbapénèmes dans les volailles et au linézolide dans le staphylocoque doré résistant à la méticilline chez les porcs est alarmante, car ces antibiotiques sont utilisés chez l’homme pour soigner des infections graves. Il est important que les gestionnaires du risque donnent suite à ces résultats », déclare Marta Hugas, scientifique en chef à l’EFSA.

Salmonella, une résistance modérée à extrêmement élevée

Parmi les isolats de Salmonella provenant de viande de volaille (poulets de chair et dindes), le rapport révèle une résistance modérée à extrêmement élevée à la tétracycline, à l’ampicilline et au sulfaméthoxazole. Une multirésistance aux antibiotiques a été signalée dans 50,3 % des isolats de Salmonella provenant de poulets de chair et 23,7 % de ceux issus de viande de dinde. Dans les isolats de Salmonella provenant de populations de volailles, la plupart des États membres ont signalé une résistance modérée à élevée ou extrêmement élevée aux tétracyclines et aux sulfamides, et des niveaux de résistance à l’ampicilline similaires ou légèrement inférieurs. Par ailleurs, une résistance à la colistine a été observée à de faibles concentrations (2 %) dans Salmonella et E. coli chez les volailles. Enfin, l’analyse d’isolats d’E. coli commensaux provenant de poulets de chair, de dindes et de leur viande a révélé des niveaux élevés de résistance à l’ampicilline, aux tétracyclines, à la ciprofloxacine et au sulfaméthoxazole. Le taux de multirésistance était également élevé (50,2 % chez les poulets de chair et 48,7 % chez les dindes), avec des variations considérables entre les États membres déclarants. Par ailleurs, pour la première fois en 2016, une surveillance spécifique d’isolats d’E. coli commensaux dans les volailles et la viande de volaille pour la détection de bactéries produisant des enzymes BLSE, des ß-lactamases AmpC et des carbapénémases a été réalisée. « La prévalence de bactéries E. coli productrices de BLSE chez les volailles varie considérablement parmi les États membres, allant de faible (moins de 10 %) à extrêmement élevée (plus de 70 %) », indique le rapport. Les données récoltées montrent que la prévalence des isolats d’E. coli producteurs de BLSE était largement faible parmi les États membres. Il convient de noter la détection de 14 isolats d’E. coli producteurs de carbapénémases en provenance de Roumanie et de Chypre.

Un gène de résistance au linézolide

Deux bactéries Staphylococcus aureus résistantes à la méticilline (Sarm) ont été identifiées chez des porcs et signalées comme étant résistantes au linézolide. Ces deux isolats de Sarm, découverts en Belgique, étaient porteurs du gène de résistance au linézolide transférable. Cet antibiotique est l’un des derniers recours pour le traitement des infections causées par le Sarm hautement résistant. En France, cette substance fait partie de la liste des antibiotiques d’importance critique non autorisés pour un usage en médecine vétérinaire. Les agences contestent par ailleurs une résistance clinique combinée aux antimicrobiens d’importance critique, à des niveaux faibles à très faibles dans Salmonella (0,2 %), Campylobacter (1 %) et E. coli (1 %) chez les volailles. Ce constat inquiète les agences sanitaires européennes. La bactérie Campylobacter étant la cause d’intoxication alimentaire la plus souvent rapportée. « Nous sommes préoccupés par le constat que les bactéries Salmonella et Campylobacter chez l’homme montrent des niveaux élevés de résistance aux antimicrobiens. Le fait que nous continuions à détecter des bactéries multirésistantes signifie que la situation ne s’améliore pas. Nous devons étudier les raisons de cette situation et empêcher la propagation de souches hautement résistantes telles que Salmonella Kentucky productrices de ß-lactamases à spectre étendu », commente Mike Catchpole, scientifique en chef à l’ECDC, dans un communiqué de presse de l’agence. Parmi les conclusions du rapport, les agences notent en effet des niveaux élevés de résistance détectés chez des isolats de Campylobacter provenant d’humains. Parmi les isolats de C. jejuni, espèce la plus commune identifiée en 2016, 54,6 % étaient résistants à la ciprofloxacine, plusieurs pays (Portugal, Espagne, Italie, Chypre, Estonie et Lituanie) ayant des taux de résistance à la ciprofloxacine compris entre 84 et 95 %. Les taux de résistance aux tétracyclines à C. jejuni étaient également élevés (42,8 %). Parmi les isolats de Campylobacter coli, 63,8 % étaient résistants à la ciprofloxacine et 64,8 % aux tétracyclines. La résistance à l’érythromycine était plus élevée dans les isolats de C. coli (11 %) que dans ceux de C. jejuni (2,1 %).

1 bit.ly/2G1Pxid.