FILM
DITES-NOUS TOUT
Auteur(s) : MICHEL BERTROU
Le cinéma épuré de Damien Manivel, plus que l’art de raconter, cultive celui de nous faire ressentir. Sous ses apparences modestes, il nous ouvre de l’intérieur avec la délicatesse d’une miniature. Après Le Parc en 2016, le jeune cinéaste coréalise avec Kohei Igarashi ce petit film à hauteur d’enfant tourné l’hiver dans le nord du Japon.
Les flocons tombent en silence dans la nuit. Comme chaque jour, un homme se lève tôt pour se rendre à son travail au marché aux poissons de la ville voisine. Réveillé par son départ, son fils de 6 ans n’arrive pas à se rendormir. Alors que la nuit paraît s’étirer à l’infini, le petit garçon fait un dessin qu’il glisse dans son cartable. Au matin, il s’ébroue comme un chiot et, tout ensommeillé, part sur la route enneigée en chancelant sous le poids du cartable. Aux abords de l’école, il oblique dans la neige fraîche, vers la ville où travaille son père.
Mini épopée, sans dialogue ni voix off, le film est un véritable tour de force de simplicité et de subtilité. Jouant des ambiances sonores et de très beaux plans fixes – qui rappellent Yasujirô Ozu –, les deux jeunes cinéastes captent sans superflu toute la fraîcheur insouciante de l’enfance. Un conte d’une grande pureté qui ne se tisse que sur cet élan de l’enfant vers son père à travers l’espace-temps contemporain qui les sépare. Comme pour deux remarquables courts métrages précédents du cinéaste (La Dame au chien et Un dimanche matin), la présence discrète des chiens y est complice et émouvante.
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Takara, la nuit où j’ai nagé de Damien Manivel et Kohei Igarashi, avec Takara Kogawa, Takashi Kogawa, Keiki Kogawa, Chisato Kogawa, France-Japon, 1 h 18, sortie le 2 mai.