DÉCRYPTAGE
Auteur(s) : ANNE GOGNY 2 ET JEAN-MICHEL CAPPELIER 3
Alors que la médecine vétérinaire ne cesse de progresser dans ses aspects scientifiques et techniques, l’hygiène des mains, qui comporte des gestes simples, doit demeurer au centre de nos activités.
Les vétérinaires sont dans l’obligation réglementaire et éthique de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour limiter les risques de propagation de maladies transmissibles au sein de leur structure de soins. La mise en œuvre de procédures de biosécurité et de programmes de contrôle des infections standardisés se généralise dans les centres hospitaliers, privés ou universitaires, et dans les cliniques et cabinets vétérinaires. Quels que soient le programme considéré ou l’espèce animale visée, la clé de voûte de ces dispositifs est l’hygiène des mains de tous les personnels impliqués dans les soins. L’hygiène des mains diminue la transmission physique des germes pathogènes entre les patients, le personnel et l’environnement. Pour les personnels soignants vétérinaires, le risque de contracter une zoonose au cours de leur activité professionnelle est réduit de deux tiers lorsque les pratiques d’hygiène des mains sont correctement respectées.
L’hygiène des mains englobe toutes les mesures destinées à éliminer les souillures et à réduire la flore pathogène qui y sont présentes.
Les deux méthodes possibles sont le lavage des mains à l’eau et au savon et leur friction avec un produit hydroalcoolique.
Pour être efficaces, le lavage des mains comme la friction hydroalcoolique doivent suivre une procédure standard, dont la durée varie en fonction de l’indication (soins ou préparation chirurgicale). Ainsi, pour des soins, le lavage des mains doit durer 40 à 60 secondes et la friction hydroalcoolique de 20 à 30 secondes.
Les produits et les techniques à utiliser varient selon les indications et le niveau de risque estimé. En l’absence de données validées en médecine vétérinaire, les protocoles recommandés sont ceux issus de la médecine humaine (tableau).
Les produits mis à la disposition du personnel soignant doivent être peu irritants, faute de quoi ils ne sont pas utilisés.
Pour le lavage des mains, un savon doux ordinaire suffit. En pratique, les savons antiseptiques courants ont montré qu’ils prévenaient la propagation des micro-organismes de façon similaire. Il n’est donc pas utile d’utiliser un détergent antiseptique, même dans le cadre de la préparation chirurgicale.
De plus, même si les données ne sont pas encore complètement étayées, les produits hydroalcooliques sont considérés comme plus efficaces que les détergents antiseptiques.
Il existe de nombreux articles hydroalcooliques dans la gamme des produits biocides commercialisés pour l’usage vétérinaire (classés TP3). L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) recommande l’emploi de produits hydroalcooliques testés selon la norme NF EN 14476 ou dont la concentration optimale en alcool est comprise entre 60 et 70 % (volume/volume), ou à une concentration située entre 520 et 630 mg/g.
Certains produits hydroalcooliques contiennent du triclosan ou du triclocarban, deux molécules répertoriées comme des perturbateurs endocriniens. La friction des mains se répétant à une fréquence élevée en milieu médical, il semble prudent d’éviter l’emploi de produits hydroalcooliques qui en contiennent.
Les produits hydroalcooliques présentent une meilleure tolérance cutanée que le lavage à l’eau et au savon.
Pour prévenir l’irritation des mains après un lavage, leur séchage avec du papier absorbant est à effectuer par tamponnement. De plus, une humidité résiduelle sur la peau est déconseillée. Quant aux produits hydroalcooliques, leur utilisation doit donner lieu à une friction des mains jusqu’à ce qu’elles soient parfaitement sèches.
Dans tous les cas, l’emploi concomitant du savon et des produits hydroalcooliques est prohibé.
En complément, il est recommandé de proposer au personnel soignant des crèmes hydratantes pour les mains, à appliquer plusieurs fois par jour. En raison de la fréquence d’utilisation de ces produits, il peut être judicieux d’éviter ceux qui contiennent des ingrédients sujets à caution, tels que des perturbateurs endocriniens ou des allergènes.
Selon les standards de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), avant toute procédure d’hygiène des mains, il est nécessaire de retirer ses bijoux (bagues, montre et bracelets). Les ongles artificiels sont également à proscrire.
Une étude récente1 menée dans une université vétérinaire a montré que le nombre de bactéries présentes sur les mains des chirurgiens n’était pas modifié par le port de vernis à ongles datant de moins de une semaine. À l’inverse, il est significativement
supérieur chez les personnes dont les ongles mesurent plus de 2mm. L’OMS préconise que cette taille soit inférieure à 0,5 mm.
Certaines zones de la main sont fréquemment négligées lors de la procédure de lavage ou de friction. Une boîte noire éclairée par une lampe à ultraviolets (UV) et creusée d’orifices permet de les mettre en évidence. Le test consiste à se frictionner les mains avec une solution contenant une substance fluorescente, puis à les glisser dans la boîte pour vérifier la bonne répartition du produit. Toutes les zones frictionnées apparaissent blanches sous l’effet de la lumière UV, les autres restent sombres. Cet examen est souvent très indicatif et permet à la personne qui l’effectue de visualiser immédiatement les endroits de la main oubliés lors de la friction. Ce type de caisson est commercialisé, mais il est également possible de le fabriquer pour une quinzaine d’euros.
L’indicateur de consommation des solutions hydroalcooliques (ICSHA), utilisé en centre hospitalier de médecine humaine, permet de contrôler que la quantité de produits utilisés est adaptée à l’activité. Il correspond au volume minimal de solutions hydroalcooliques à consommer, calculé sur la base d’un objectif personnalisé. En médecine humaine, le Programme national d’actions de prévention des infections associées aux soins (Propias) requiert un ICSHA au moins égal à 80 %.
•
1 Hardy J. M., Owen T. J., Martinez S. A. et coll. The effect of nails characteristics on surface bacterial counts of surgical personnel before and after scrubbing. Vet. Surg. 2017;46:952-961.
2 DV, dip. Ecar (reproduction des animaux de compagnie), centre hospitalier universitaire vétérinaire d’Oniris.
3 DV, dip. ECVPH, HQA-Secalim, département santé des élevages et qualité des produits d’Oniris.