PHYTOTHÉRAPIE VÉTÉRINAIRE
ACTU
Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE
Le 8 mars dernier s’est tenue à Maisons-Alfort une réunion entre les principaux acteurs de la phytothérapie vétérinaire. Un constat s’impose : les freins au développement de cette pratique sont encore nombreux.
Les médicaments vétérinaires, caractérisés par leur allégation thérapeutique, désignent à la fois l’allopathie, l’homéopathie et les médicaments traditionnels à base de plantes ou la phytothérapie. Ils doivent tous être prescrits par un vétérinaire (automédication interdite) et sont soumis à une autorisation de mise sur le marché (AMM). Face à ce constat réglementaire, le statut de la plante a fait l’objet d’une réunion, le 8 mars, organisée par l’Association française des vétérinaires phytothérapeutes (AFVP), au sein du service de pharmacie de l’École nationale vétérinaire d’Alfort (ENVA).
En pratique, la réglementation européenne sur les médicaments vétérinaires constitue un frein au développement de la phytothérapie, malgré de fortes attentes (plan ÉcoAntibio1). Ainsi, selon Jean-Pierre Jégou, secrétaire général de l’Académie vétérinaire de France, « l’AMM demandée doit être adaptée à ces médicaments ». Tant que la législation ne change pas, le développement de la phytothérapie vétérinaire sera limité, car « il est difficile d’obtenir des preuves scientifiques pour obtenir une AMM selon le même format que les médicaments allopathiques », ajoute Sébastien Perrot, pharmacien à l’ENVA. Il importe de considérer les traitements phytothérapiques avec toutes leurs spécificités. « On ne peut pas raisonner comme en allopathie. Chaque plante n’a pas une indication spécifique, mais un ensemble, selon l’espèce ou la problématique présente », indique ainsi Claude Faivre, responsable scientifique chez Wamine. Il est conforté par Richard Blostin, de l’École nationale vétérinaire de Toulouse (ENVT), membre de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac) : « En phytothérapie, il peut y avoir jusqu’à une centaine de composants actifs qui interagissent ensemble. Leur efficacité et leur innocuité doivent être évaluées sur la totalité de ces éléments. La plante doit être considérée comme un médicament complexe. » Cette situation conduit en outre à un développement alarmant de l’automédication en France2, notamment en élevage.
Au-delà de l’obligation d’obtenir une AMM allégée3, les traitements de phytothérapie destinés aux animaux producteurs de denrée doivent posséder des temps d’attente pour respecter une limite maximale de résidus (LMR), ce qui restreint d’autant plus leur utilisation et leur commercialisation. Sur les 300 plantes d’usage envisageable en médecine vétérinaire, seules 120 substances végétales disposent d’une LMR4 et quelques-unes ont une AMM. Sébastien Perrot explique cela notamment par le fait « qu’un industriel ne choisit d’assumer le coût important d’une LMR que s’il est assuré d’un retour sur investissement ». Et Françoise Miani-Nico d’Obione, vétérinaire technique gamme Vetexpert, d’ajouter que « comme les plantes ne sont pas brevetables contrairement aux molécules chimiques, les industriels n’ont pas d’intérêt à développer des dossiers d’AMM complexes et coûteux ».
Une autre explication à ce faible développement est le déséquilibre trop important entre la réglementation contraignante imposée aux médicaments de phytothérapie vétérinaire et celle des compléments alimentaires qui dispense les industriels de réaliser un dossier d’AMM sous condition de ne pas mentionner d’allégation thérapeutique. Or, selon Françoise Miani-Nico d’Obione, les industriels en mentionnent tout de même, de façon détournée, et bénéficient d’un marché important aujourd’hui.
Enfin, une partie de la société et des vétérinaires reste méfiante vis-à-vis de la phytothérapie. Il conviendrait de démontrer son innocuité et son efficacité grâce à des essais cliniques. Or les recherches expérimentales menées actuellement ne sont pas suffisantes. Selon Gilles Charpigny, chercheur à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), il existe trop peu de troupeaux expérimentaux dans les instituts de recherche en France et les LMR imposées limitent les possibilités d’essais cliniques par les vétérinaires. Une nouvelle réunion de l’AFVP est prévue afin de se concentrer plus spécifiquement sur ce sujet et de proposer des protocoles d’essais cliniques adaptés.
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2 Catherine Experton, Michel Bouy. Rapport de l’Institut technique de l’agriculture biologique (Itab), mars 2017.
3 Décrets n° 2013-752 et 472 du 16/8/2013.
4 Sénat. Journal officiel du 12/5/2016.