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ÉCO GESTION
Auteur(s) : CHRISTOPHE DUFORÊT
Les risques du métier de vétérinaire ne sont pas seulement physiques. Bien d’autres dangers, plus ou moins conséquents, guettent aussi le praticien. Le point sur les solutions.
L’augmentation des contraintes administratives de notre profession est devenue un sujet de discussion récurrent entre confrères. S’ils ne sont pas les seuls concernés, ils se sentent parfois un peu isolés pour y faire face. Si les conseils de partenaires (assureurs, experts-comptables, coachs, professionnels de l’informatique, entre autres) peuvent aider à surmonter ces nouvelles difficultés, d’autres dangers doivent également être appréhendés. Un thème abordé lors des journées vétérinaires, fin 2017, à l’École nationale vétérinaire d’Alfort (ENVA).
Notre profession est largement soumise au stress, qui peut générer de graves conséquences allant jusqu’au suicide. Celui-ci toucherait de façon prépondérante notre corps de métier. Artagnan Zilber, président de Vétos-entraide, organisme à l’écoute des difficultés psychologiques des vétérinaires, retient, parmi les facteurs prédisposants, que les vétérinaires exercent une profession idéalisée – le “syndrôme Daktari”, ce type d’émission qui a bercé l’enfance de nombreux confrères, véhicule une image de la profession qui est loin de représenter la réalité quotidienne. Il s’agit aussi d’une profession de soignants. Et le rôle de sauveur dont le praticien peut se sentir investi est à l’origine d’une lourde pression psychologique. Si l’on ajoute à cela le côté perfectionniste prôné par le cursus, tous les facteurs sont réunis pour favoriser le burn-out.
Les exigences émotionnelles de la profession sont fortes, le praticien devant à la fois être empathique avec les clients en détresse concernant leur animal, subir la pression et parfois les incivilités qui en découlent, maîtriser ses propres émotions, accepter les échecs thérapeutiques. La pression vient aussi des diverses contraintes (radioprotection, législation pharmaceutique, continuité des soins, droit du travail, etc.), que le praticien exerçant seul dans sa structure doit assumer, faute de pouvoir les déléguer à des collègues. La gestion du personnel lui incombe également, alors qu’il n’y a, bien souvent, pas été formé. Il est soumis parfois à des conflits éthiques, notamment lors de certaines euthanasies justifiées par des contraintes financières. Il arrive que la qualité de son travail soit empêchée, faute de moyens mis à sa disposition.
Comme piste d’amélioration du bien-être, le soutien social doit être souligné. Partager ses expériences avec des confrères bienveillants est salvateur. Déléguer et bénéficier de conseils de professionnels exerçant dans d’autres secteurs est aussi un facteur d’apaisement, à condition d’avoir le budget adéquat.
Selon une enquête réalisée en 2009 par le cabinet VLS consultants, fondé par notre confrère Laurent Jessenne, les vétérinaires craignent avant tout :
- la perte de leurs prérogatives (délivrance des médicaments, délégation d’actes) : 73 % ;
- le renforcement de leurs obligations (sanitaires, pharmaceutiques, radiologiques) : 71 % ;
- l’accroissement de la concurrence entre vétérinaires : 42 % ;
- la modification majeure de leur exercice quotidien : 42 %.
Le changement fait peur et pourtant, comme le souligne Laurent Jessenne, « il faut accepter que la seule chose qui ne change pas, c’est que ça change tout le temps ! »
De leur côté, Bruno Tessier et Christine Debove, représentants de l’Ordre régional des vétérinaires d’Île-de-France, ont insisté sur les enjeux de notre signature professionnelle. « Acte anodin que nous réalisons tous les jours, notre signature nous engage à titre individuel, mais elle engage aussi la profession. Les actes de certification que nous réalisons sont nombreux, ils peuvent être demandés par les clients, notamment lors d’un litige avec un tiers (éleveur, animalerie, par exemple). » Dans le cadre du mandat sanitaire, notre signature nous engage également (vaccination rage, surveillance mordeur, identification, certificats pour le transit, etc.).
Les certificats de cession, les déclarations d’assurance, les prescriptions et les contrats de soins sont autant de documents dans lesquels les vétérinaires engagent leur responsabilité.
Le Code de déontologie précise que :
- le vétérinaire apporte le plus grand soin à la rédaction des certificats ou autres documents qui lui sont demandés et n’y affirme que des faits dont il a vérifié lui-même l’exactitude ;
- tout certificat ou autre document analogue est authentifié par la signature et le timbre personnel du vétérinaire qui le délivre ou par sa signature électronique sécurisée. Le timbre comporte les nom et prénom, l’adresse du domicile professionnel d’exercice et le numéro d’inscription à l’Ordre ;
- la mise à disposition d’un tiers de certificats ou autres documents signés sans contenu rédactionnel constitue une faute professionnelle grave.
Les conditions d’une certification sans risque peuvent s’édicter en dix règles (encadré). Les raisons d’une mauvaise certification sont essentiellement liées à l’erreur, à la pression du client, à la négligence et, dans certains cas beaucoup plus rares (mais jugés plus sévèrement), à la tromperie et à l’escroquerie.
Tout professionnel libéral a l’obligation légale de souscrire à une assurance professionnelle pour faire face aux conséquences des éventuels dommages causés à des tiers. Il est indispensable de bien déterminer avec son assureur les montants d’indemnisation en fonction de son activité.
Juliette Rose, juriste du groupe Pasteur Mutualité, a exposé les circonstances et les modalités de la prise en charge d’un sinistre en responsabilité civile professionnelle (RCP).
Lors d’une réclamation d’un client qui évoque la faute professionnelle, c’est l’assureur qui gère le sinistre. Il met éventuellement en place une expertise, et, en fonction de ses conclusions, il procède à l’indemnisation ou adresse le refus et gère les suites. Les frais de défense sont intégralement pris en charge par l’assureur. Pour que l’indemnisation soit accordée, il est nécessaire que la responsabilité pour faute soit retenue, qu’il y ait eu un dommage et que le lien de causalité soit établi.
Lors de la mise en cause, il est impératif de déclarer le sinistre à l’assureur dans les cinq jours qui suivent la réclamation officielle.
Doivent être joints à la déclaration :
- un compte rendu de prise en charge chronologique ;
- le dossier de l’animal ;
- une copie de tous les courriers échangés.
Il est possible d’effectuer une déclaration à titre conservatoire : en cas de risque de mise en cause, une déclaration anticipée peut être faite auprès de l’assureur.
Il est recommandé de ne pas discuter du litige avec le client : c’est l’assureur qui devient l’interlocuteur privilégié du plaignant, ce qui permet non seulement de ne pas faire d’erreur de prise en charge, mais aussi d’introduire un tiers dans la relation conflictuelle.
Les conseils de Juliette Rose, pour prévenir les mises en cause, sont :
- de ne pas signer de reconnaissance de responsabilité (l’assureur n’est jamais tenu par ce document), mais cela complique la gestion du sinistre ;
- d’adapter le discours au client ;
- en cas de rupture du lien de confiance, d’orienter le client vers un autre vétérinaire ;
- de ne jamais négliger l’importance de l’information écrite.
Depuis quelques années, certains confrères subissent des attaques, parfois violentes, sur les réseaux sociaux, Facebook notamment. Anne Daumas, directrice du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL) a profité des journées de l’ENVA pour rappeler quelques conseils utiles pour faire face à ces attaques.
Lors de la création d’une page Facebook – un excellent moyen de communication – pour la clinique, il importe de prévoir une charte offrant la possibilité d’effacer les éventuels commentaires injurieux. Il faut toujours accorder du crédit aux messages, sous peine de décevoir le client mécontent, mais aussi les autres clients. Il n’est pas toujours souhaitable de supprimer les commentaires négatifs. Il importe de considérer l’interlocuteur en s’adressant directement à lui, en faisant preuve d’empathie, en lui montrant que l’on comprend sa problématique. Il est parfois possible de trouver des solutions à ses problèmes et il est important de rester ouvert à la discussion. Il s’agit non pas de trouver des excuses, mais des explications.
Lorsqu’il s’agit de diffamation, il est indispensable de prendre contact avec la personne ayant posté le contenu pour lui demander de le retirer. En cas de refus, il faut demander un retrait à l’hébergeur. Dans certains cas extrêmes, une action en diffamation peut être entamée.
Malgré tous les risques que comporte la profession de vétérinaire, gardons comme motivation notre vocation, celle de soigner les animaux et de réconforter leurs maîtres. Choisir une activité libérale comporte des risques, qui ne doivent pas faire oublier ses avantages. Aux vétérinaires de faire en sorte que ces aléas n’envahissent pas leur quotidien, tout en restant solidaires.
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LES DIX RÈGLES D’UNE CERTIFICATION SANS RISQUE