La personnalité des propriétaires d’animaux de compagnie - La Semaine Vétérinaire n° 1756 du 23/03/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1756 du 23/03/2018

DOSSIER

Auteur(s) : PAR MARINA CHAILLAUD 

Une thèse s’intéresse au lien entre le choix d’une espèce et la psychologie du client, afin d’aider le vétérinaire à mieux connaître ce dernier et à améliorer leur relation.

Les propriétaires aspirent à une relation de confiance, à une écoute et à une approche la moins commerciale et la plus humaine possible avec leur vétérinaire1. Dans des études récentes, ils sont souvent caractérisés d’un point de vue socio-économique ou selon leur attachement à l’animal. Les vétérinaires praticiens ont à leur disposition plusieurs enquêtes “marketing” ou des thèses vétérinaires qui s’intéressent au type de propriétaires en les classant selon leur mode de consommation, le budget alloué à leur animal ou l’attachement émotionnel. Une thèse2 propose un point de vue complémentaire, éloigné des considérations économiques, permettant de mieux connaître les propriétaires selon leur animal de compagnie, afin d’améliorer la relation vétérinaire-client. Il s’agit d’une étude sur la psychologie de la personnalité des propriétaires de chiens, de chats et de nouveaux animaux de compagnie (NAC) en France. L’objectif est de mettre en évidence des liens entre la possession d’un animal et la personnalité du propriétaire, ou bien entre la personnalité et la préférence pour une espèce.

L’analyse des questionnaires permet de faire ressortir les points suivants :

- les propriétaires de NAC ont un score moins élevé en “extraversion” et un score plus élevé en “émotions négatives” ;

- le score des propriétaires de chien est moins élevé en “émotions négatives” et en “ouverture”. D’autre part, le fait de posséder un chien et d’autres animaux est lié à un score plus élevé en “extraversion” et en “caractère consciencieux” ;

- les propriétaires de chat enregistrent un score moins élevé en “caractère consciencieux” et en “extraversion”. Le fait de posséder un chat et un NAC est aussi lié à un faible score en “caractère consciencieux” et à un score important en “émotions négatives” (infographie pages 41 et 42).

Dans cette étude, il est difficile de dire que la possession d’un type d’animal est liée à la personnalité, probablement car la possession est corrélée à bien d’autres variables “matérielles” comme le lieu de vie, le budget du foyer, la présence d’enfants ou non, etc. Beaucoup de propriétaires ont rapporté détenir un chat par manque de place, mais souhaiter un chien de grande taille. D’autres ont pu déclarer également que la possession de tel ou tel animal n’était pas un choix personnel, mais un concours de circonstances (animal du conjoint, adoption de sauvetage, etc.).

Il semblait donc judicieux de s’intéresser à la préférence plutôt qu’à la possession.

Lien entre personnalité et préférence pour un animal

Les participants pouvaient choisir leur animal préféré : chien, chat ou NAC (infographie page 43).

- Les propriétaires qui préfèrent les chiens ont un score faible en “émotions négatives”, et élevé en “caractère consciencieux” et en “extraversion” ;

- ceux qui apprécient avant tout les NAC réalisent un score faible en “caractère consciencieux” et en “extraversion”, et élevé en “émotions négatives” ;

- ceux qui placent les chats en tête ont un score faible en “caractère consciencieux” et élevé en “émotions négatives”.

Comparaison avec d’autres études

Récemment, tandis que les chiens et les chats ont pris de plus en plus de place dans la vie des particuliers, les travaux très médiatisés de Gosling et coll.3 ont renouvelé l’engouement du public pour le sujet. Cette étude américaine a évalué la personnalité de plus de 5 000 individus, pas forcément propriétaires, en leur proposant de s’identifier comme “dog people” ou “cat people”, ce qui correspondrait en français à donner leur préférence. Les “cat people” seraient plus introvertis, plus sensibles, et les “dog people” seraient plus sociables, mais moins ouverts d’esprit. Pour la première fois, des différences significatives ont été mises en évidence entre ces deux catégories dans toutes les dimensions de la personnalité évaluées par le modèle du Big Five.

Les résultats de la thèse menée à l’ENVT sont cohérents avec ceux de l’étude de Gosling concernant les chiens et les chats (puisque celle-ci n’incluait pas les NAC). Finalement, la variable qui semble la plus pertinente en lien avec la personnalité est la préférence pour un type d’animal. Dans cette thèse, toutes les dimensions n’ont pas donné de résultats significatifs, par manque d’effectifs dans certains sous-groupes.

Conclusion

Les connaissances sur le lien homme-animal peuvent permettre au vétérinaire de mieux comprendre les propriétaires, d’avoir une meilleure écoute. Les résultats de cette thèse apportent une contribution à la caractérisation des propriétaires d’animaux de compagnie, permettant d’améliorer la communication, ainsi que la fidélisation de la clientèle.

1 Bussiéras F., Perrin L., Demonceau T. La grande enquête 2013 Bayer Health Care, SNVEL. Afvac 2013.

2 Marina Chaillaud. « La personnalité des propriétaires de chiens, chats et nouveaux animaux de compagnie (NAC) : contribution à partir d’une enquête psychosociale ». Thèse de doctorat vétérinaire, ENVT, 2017.

3 Gosling S., Sandy C., Potter J. Personality of self-identified “dog people” and “cat people”. 2010.

Un questionnaire a été mis en ligne pendant cinq semaines avec Google Forms, et diffusé via Facebook et la mailing list des étudiants vétérinaires de l’École nationale vétérinaire de Toulouse. Le questionnaire incluait le Big Five Inventoryde O. P. John et coll. (1991) (infographie pages 41 et 42), utilisé avec autorisation et qui est lui-même composé de 44 questions. Ce test est aujourd’hui reconnu comme le plus performant pour décrire la personnalité selon le modèle du Big Five. Plus de 1 300 propriétaires ont répondu, et 1 192 réponses ont été utilisées pour l’analyse statistique.

L’ANTHROPOZOOLOGIE

Depuis les années 1980, des travaux en psychologie s’intéressent au lien qui pourrait exister entre la préférence pour un type d’animal et la structure même de la personnalité humaine. Il y aurait un lien entre la personnalité et le fait de posséder des animaux, de les aimer, d’en préférer certains ou bien d’avoir grandi à leur contact. Ces recherches, tout comme cette thèse vétérinaire, s’inscrivent dans le domaine de l’anthropozoologie : le champ d’étude multidisciplinaire qui s’intéresse aux liens entre l’homme et l’animal non humain. Les disciplines sont diverses : la biologie, l’éthologie, l’histoire et la sociologie, mais aussi l’économie, le droit, la culture populaire, la médecine vétérinaire et la psychologie.