ENTRETIEN AVEC OLIVIER DEBAERE
ACTU
Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL
À la suite d’une injonction de la Commission européenne, la France doit modifier sa réglementation afin de permettre aux éleveurs de procéder légalement à des importations parallèles de médicaments vétérinaires. Olivier Debaere, de la Direction générale de l’alimentation (DGAL), donne des précisions sur le dispositif qui sera mis en place d’ici fin juin.
La Commission européenne demande à la France de mettre en place une procédure simplifiée de demande d’importation, accessible aux éleveurs. Que faut-il entendre par simplification ? Des démarches spécifiques sont-elles envisagées ?
La Commission européenne a effectivement enjoint la France à modifier sa réglementation nationale, qui, aujourd’hui, exclut les éleveurs du dispositif d’importations parallèles de médicaments vétérinaires et ce, comme relevé par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans son arrêt du 27 octobre 2016. Pour rappel, les importations parallèles correspondent à l’acquisition dans un autre État membre du même médicament vétérinaire que celui déjà autorisé dans l’État membre de destination. La Commission européenne a ainsi demandé à la France de fixer les conditions appropriées par lesquelles un éleveur pourra déposer une demande d’importation parallèle de médicaments vétérinaires pour les besoins propres de son élevage. Pour cela, un projet de décret en Conseil d’État a été rédigé par les services du ministère de l’Agriculture au premier semestre 2017. Il a fait l’objet d’une consultation auprès des organisations professionnelles d’éleveurs et de vétérinaires en juillet et en août derniers, puis d’une saisine de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), dont l’avis a été rendu le 16 janvier dernier. Le projet de décret est désormais finalisé. Il sera très prochainement adressé au Conseil d’État pour examen, avec un objectif de publication pour fin juin.
Les éléments de cadrage que devra contenir la réglementation française prévoient-ils la rédaction d’une ordonnance préalable et de la notice en français, et les obligations de pharmacovigilance ?
Le projet de décret en Conseil d’État comprend tous les éléments techniques figurant dans l’arrêt de la CJUE, ni plus, ni moins. L’obligation de fournir une ordonnance établie par le vétérinaire responsable du suivi sanitaire régulier de l’élevage est effectivement un élément mentionné par la CJUE et figure donc dans le projet de décret. Naturellement, cette exigence ne concerne que les médicaments vétérinaires soumis à prescription. Ainsi, à chaque demande d’importation parallèle, le dossier de l’éleveur devra comprendre l’ordonnance vétérinaire où figurent les quantités à importer, qui doivent être limitées à ce qui est nécessaire pour le traitement du cheptel du demandeur. La durée de validité de l’autorisation d’importation accordée à un éleveur sera par conséquent celle de validité de la prescription vétérinaire. La seule disposition ajoutée dans le projet de décret et non évoquée par la CJUE est une mesure financière : il s’agit du montant de la taxe à payer par l’éleveur à l’Anses pour examiner sa demande d’autorisation d’importation parallèle ou de renouvellement d’autorisation. Ce montant est d’ailleurs allégé par rapport aux autres catégories de demandeurs : 1 000 € pour un éleveur contre 2 500 € pour les établissements pharmaceutiques (et 500 € versus 1 500 € pour une demande de renouvellement d’autorisation d’importation parallèle). Tout comme l’arrêt de la CJUE le prévoit, tout importateur parallèle doit respecter les obligations de pharmacovigilance, y compris la présence d’une personne qualifiée pour cela. En conséquence, l’éleveur est soumis, à ce titre, aux mêmes exigences de pharmacovigilance et le projet de décret ne comprend donc aucune disposition particulière ou dérogation pour le cas des éleveurs importateurs. Pour autant, la réglementation française sur les antibiotiques critiques vétérinaires est telle qu’elle rend inopérante une demande d’importation parallèle d’antibiotiques critiques par l’éleveur.
Le ministère de l’Agriculture s’est-il rapproché des autorités espagnoles compétentes afin d’échanger sur la problématique des importations illégales de médicaments vétérinaires ?
Le sujet des relations avec les autorités espagnoles est désormais à l’ordre du jour des réunions bilatérales organisées chaque année entre les autorités vétérinaires espagnoles et françaises. L’Ordre vétérinaire français était d’ailleurs invité à la dernière réunion bilatérale, en octobre dernier, au cours de laquelle les thèmes de la pharmacie vétérinaire et de la libre prestation de service ont été discutés, notamment sous l’angle des manquements à la réglementation (antibiotiques critiques vendus en ventas, absence de diagnostic ou de prescription préalable par le vétérinaire traitant). Ce sujet sera de nouveau à l’ordre du jour de la rencontre de juin prochain, l’objectif étant de trouver un terrain d’entente pour que les autorités espagnoles fassent cesser rapidement ces mauvaises pratiques sur leur territoire.
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