Le vétérinaire veille aux frontières - La Semaine Vétérinaire n° 1757 du 30/03/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1757 du 30/03/2018

DOSSIER

Parmi les acteurs en charge de la surveillance aux frontières, le vétérinaire doit s’assurer de la sécurité sanitaire des aliments et de la bonne santé des animaux importés. Face aux volumes conséquents de lots à contrôler se pose la question des moyens humains dédiés à ces inspections, que certains jugent insuffisants pour garantir un contrôle de qualité.

Face aux menaces nombreuses aux frontières extérieures de l’Union, notamment pour la santé animale et pour la santé végétale, le Sivep (Service d’inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières) veillera à maintenir une pression et une qualité de contrôles élevées. » Cette courte phrase, tirée de l’instruction technique1 de la Direction générale de l’alimentation (DGAL) présentant ses orientations stratégiques et ses priorités 2018 pour assurer la sécurité et la qualité sanitaires de l’alimentation, résume succinctement l’importance des contrôles vétérinaires aux frontières. Un impératif souligné par l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE). Dans le Code sanitaire pour les animaux terrestres, un chapitre2 est consacré aux postes frontaliers et aux stations de quarantaine dans le pays importateur. En 2010, l’OIE avait d’ailleurs pointé du doigt « le rôle déterminant » du contrôle vétérinaire aux frontières, pour empêcher l’introduction d’un risque sanitaire dans un pays. Lors de la 24e conférence de la commission régionale de l’OIE pour l’Europe au Kazakhstan3, Bernard Vallat, alors directeur général de l’organisation, soulignait que « toute faiblesse dans ce domaine transforme les pays en passoire à microbes. » Les vétérinaires exerçant aux frontières ont principalement pour mission les contrôles sanitaires à l’importation des animaux vivants, mais aussi des produits d’origine animale en provenance d’un pays tiers. « L’objectif est d’éviter l’introduction dans l’Union européenne de maladies animales, dont certaines sont transmissibles à l’homme, via les animaux vivants ou les denrées alimentaires, et d’assurer la sécurité sanitaire des aliments », résume Thierry Badin de Montjoye, responsable du poste d’inspection frontalier de Roissy (Val-d’Oise).

Les vétérinaires sont rattachés au Sivep, créé par arrêté ministériel4 en 2009. Dépendant de la DGAL, ce service à compétence nationale est chargé de piloter les différents postes frontaliers (encadré page 42), et de participer aux négociations européennes relatives à l’évolution de la réglementation applicable aux contrôles à l’importation. « À ce jour, le service compte 95 agents, dont cinq personnes au bureau central. Les 90 équivalents temps plein sont répartis sur 26 départements, dont 50 dans les PIF-PED 5 et 40 dans les PEC 6 , explique Pauline Cazaban, cheffe du Sivep. En 2017, plus de 90 000 contrôles ont été effectués aux frontières, dont 3 900 contrôles d’animaux vivants, plus de 38 000 de lots de denrées alimentaires d’origine animale et d’aliments pour animaux et 2 300 de lots d’aliments d’origine non animale. » Face à ces volumes impressionnants, comment le vétérinaire s’en sort-il ?

Des contrôles facilités par le numérique

Aujourd’hui, les outils numériques sont au cœur des modalités de contrôle aux frontières (encadré page 46). Objectifs principaux : moins de certificats papiers et une sécurisation de la traçabilité des lots importés. « Chaque contrôle est saisi sur l’application européenne Traces 7 . Ce n’est qu’une fois la saisie de la totalité des contrôles effectués que le document vétérinaire commun d’entrée (DVCE), nécessaire pour dédouaner la marchandise, pourra être édité, explique Thierry Badin de Montjoye. L’application est équipée d’une interconnexion avec celle de la douane, Delta, afin qu’elle puisse s’assurer de la présence du DVCE et libérer les marchandises 8 . Les directions départementales de la protection des populations (DDPP) recevront aussi les DVCE des produits destinés à leur département. » La Commission européenne souhaite également développer la certification électronique dans le système pour les pays tiers. « Cette évolution est positive, car elle apportera des garanties supplémentaires en matière d’authentification des certificats, et donc une meilleure sécurisation “certificat” des produits importés », souligne Pauline Cazaban.

La numérisation simplifie les contrôles. Au niveau interne, les agents ont accès à une base de données, Impadon, regroupant les textes réglementaires et les modèles de certificat sanitaire. De plus, elle permet notamment de « retrouver plus facilement une anomalie déjà gérée dans le passé », note Sophie Andreïs, responsable du poste d’inspection frontalier au Havre (Seine-Maritime). À terme, la dématérialisation aurait aussi l’avantage de dégager du temps de contrôle pour les agents. « Avec la certification électronique des pays tiers, l’idée serait d’aboutir à une automatisation au moins partielle des contrôles documentaires pour libérer du temps pour les contrôles d’identité et physiques », précise Pauline Cazaban.

Un partage d’informations virtuelles

« Outre son usage local d’enregistrement des contrôles, Traces est aussi une application européenne permettant d’avoir une vision des non-conformités dans les postes d’inspection frontaliers de tous les États membres », indique Thierry Badin de Montjoye. Mais un des atouts principaux de la numérisation est que le système permet de réaliser des alertes aux niveaux national et européen. « En cas de résultat d’analyse de surveillance défavorable, une alerte RASFF 9 est générée, ce qui déclenche un renforcement des contrôles en Europe », détaille Thierry Badin de Montjoye. En clair, l’alerte est envoyée à tous les postes frontaliers nationaux, des États membres et des pays adhérents au système. Elle implique d’effectuer une analyse systématique pour les 10 lots suivants en provenance du même établissement, et ce quel que soit le lieu de réception en Europe. Dans le cadre de cette surveillance renforcée, le Traces devient bloquant, le DVCE, nécessaire pour libérer les marchandises, ne pouvant être édité qu’après la saisie des résultats d’analyse. Pour autant, un rapport10 de 2014 sur la politique de sécurité sanitaires des aliments mentionnait que les échanges complets des résultats des contrôles des différents pays européens, notamment ceux à l’importation, n’étaient pas forcément assurés : « (…) Le système européen n’est encore ni entièrement achevé ni totalement transparent. (…) La DG Sanco 11 n’assure pas l’échange complet des résultats entre les services de contrôle des différents pays européens, notamment pour les contrôles à l’importation dans l’Union européenne. »

Un constat repris lors de l’atelier 8 des états généraux de l’alimentation (“Assurer la sécurité sanitaire de l’alimentation française dans une économie agroalimentaire mondialisée et dans un contexte de changement climatique tout en prévenant les contaminations chimiques”), présidé par Marion Guillou, présidente d’Agreenium, et l’une des rédactrices du rapport. Interrogée par nos soins sur la création d’un observatoire des risques sanitaires liés aux non-conformités pour les produits agroalimentaires importés dans l’Union européenne, une des propositions de l’atelier, elle soulignait que « l’idée serait de pouvoir partager plus efficacement les signaux d’alerte en temps réel, pour éviter les “contournements” par certains opérateurs, et plus globalement, optimiser les échanges de données entre les États membres sur les produits importés ». Le risque étant qu’un opérateur refusé dans un pays se représente aux frontières d’un autre suffisamment vite avant que l’information soit partagée. Pour Pauline Cazaban, l’idée de l’observatoire pourrait permettre de construire des plans de surveillance à l’importation à l’échelle européenne. « Aujourd’hui, le ciblage des plans de surveillance à l’importation est basé sur une analyse de risque effectuée au niveau national, en fonction des résultats des contrôles réalisés aux frontières et lors de la mise sur le marché. Une analyse de risque à l’échelle européenne pourrait être utile. »

Une collaboration avec la douane

Aux frontières, les vétérinaires collaborent étroitement avec les services douaniers, qui « agissent en tant que dernier filtre, explique la douane. Les agents des bureaux de douane vérifient que les marchandises importées sont accompagnées du DVCE, s’assurent de son authenticité et de la concordance des mentions portées sur le document avec le lot présenté lors du dépôt de la déclaration en douane. » De plus, certaines missions vétérinaires sont déléguées aux services douaniers. La réglementation européenne prévoit ainsi que le contrôle sanitaire des produits d’origine animale contenus dans les bagages des voyageurs et celui des animaux de compagnie accompagnés incombent aux douanes. La raison, soulignée par Pauline Cazaban : « Les douaniers sont présents sur tous les points d’entrée des voyageurs. » En pratique, « les voyageurs sont tenus de présenter aux douanes leurs animaux de compagnie à leur arrivée sur le territoire douanier communautaire. Les services douaniers procèdent alors à un contrôle documentaire, incluant le passeport et le certificat vétérinaire, ainsi qu’à un contrôle d’identité, détaille la douane. En cas d’irrégularité, les services douaniers prennent systématiquement l’attache du PIF ou de la DDPP territorialement compétente selon le cas, pour déterminer le devenir de l’animal saisi 12 . »

La situation n’est cependant pas aussi simple que ce que laisse entendre ce discours. En 2015, un rapport de la Cour des comptes révélait que la douane ne considérait pas comme prioritaire les contrôles vétérinaires aux frontières. Selon Olivier Lapôtre, président du Syndicat national des inspecteurs en santé publique vétérinaires (SNISPV), il est impossible pour eux de tout contrôler, sachant que cette activité en est une parmi tant d’autres, « bien qu’il soit vrai que cette mission n’est pas forcément prioritaire ». De plus, « les agents vétérinaires ne disposent malheureusement pas d’assez de temps à consacrer aux douaniers. » Pour lui, il faudrait insister davantage sur la sensibilisation du public : « Il est regrettable que les passagers ne disposent pas d’assez d’informations, avant leur départ, leur rappelant le fait qu’ils peuvent être en infraction. » À noter que les services vétérinaires collaborent également avec la DDPP, la Police aux frontières et la Gendarmerie des transports aériens.

Renforcer les contrôles

« Bien que la numérisation facilite le travail des agents, d’autant que les systèmes sont harmonisés au niveau de l’Union européenne, seul un nombre suffisant d’agents permet d’avoir une pression et une qualité de contrôle suffisantes des marchandises importées, martèle Olivier Lapôtre. En fonction du type de produit et du pays, les objectifs de contrôle ne sont pas les mêmes. Il faudrait en réalité tous les augmenter. » Déjà en 2004, un dossier de presse du SNISPV13 concernant la sécurité sanitaire des aliments dénonçait « la diminution des emplois budgétaires dans le secteur du service public vétérinaire et alimentaire », pour assurer leurs missions, notamment l’insuffisance des moyens humains pour les contrôles aux frontières. Un constat qui était renforcé par les résultats d’un audit de l’Office alimentaire et vétérinaire (OAV) de la Commission européenne soulignant que les effectifs vétérinaires des postes d’inspection frontaliers étaient insuffisants « par rapport au nombre de lots à contrôler, à la distance qui sépare les centres d’inspection et aux tâches afférentes dans la plupart des postes d’inspection frontaliers (...) ». Fin 2017, une des recommandations de l’atelier 8 des EGA concernait « le renforcement des moyens de l’État au service d’une alimentation saine et sûre » (point 4). Avec pour première action préconisée pour courant 2018 : « renforcer les moyens et améliorer la coordination pour une meilleure efficacité globale du dispositif de contrôles à l’importation. » Concrètement, l’idée serait d’organiser un meilleur ciblage des contrôles, mais aussi de les renforcer. Pour Marion Guillou, cela passerait par une « mutualisation des forces des services des différents ministères concernés, pour avoir des créneaux horaires de contrôles plus étendus et des moyens de permanence plus vigilants. » Pour Pauline Cazaban, renforcer les contrôles à l’importation serait particulièrement intéressant dans le domaine du e-commerce. « Ces types d’importations ne sont pas toujours déclarés en poste d’inspection frontalier. » Pour les participants de l’atelier 8, le coût estimé serait à la mesure des « moyens humains mobilisés pour la réalisation des contrôles ».

1 bit.ly/2IUO2U4.

2 bit.ly/2GnvT2X.

3 bit.ly/2GaBxpS.

4 bit.ly/2pG3Im2.

5 Postes d’inspection frontaliers-points d’entrée désignés.

6 Points d’entrée communautaires.

7 Trade Control and Expert System, système expert de contrôle des échanges.

8 Interconnexion mise en place dès 2010 dans le cadre du guichet unique de dédouanement.

9 Rapid Alert System for Food and Feed, système d’alerte rapide pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux.

10 bit.ly/2I7QJ3A.

11 La Direction générale de la santé et des consommateurs (DG Sanco) a changé de nom en 2015 pour devenir la Direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire (DG Santé).

12 Réexpédition à l’origine, mise sous surveillance, voire euthanasie dans certains cas.

13 bit.ly/2I5oHpe.

PIF, PEC, PED ?

Il existe trois types de postes frontaliers1 en charge de la sécurité sanitaire à l’importation (animaux, végétaux et leurs produits) :
- Les PIF sont les postes d’inspection frontaliers chargés du contrôle vétérinaire d’importation des produits d’origine animale et des animaux vivants ;
- Les PED sont les points d’entrée désignés chargés du contrôle sanitaire d’importation des aliments pour animaux d’origine non animale (végétaux, additifs).
- Les PEC sont les points d’entrée communautaires désignés pour le contrôle phytosanitaire d’importation des végétaux et des produits végétaux.
Si leService d’inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières (Sivep) pilote ces trois postes frontaliers, les agents vétérinaires contrôlent uniquement les PIF et les PED.
À noter que certains départements d’outre-mer disposent de dérogations pour leurs locaux, les autorisant à ne pas avoir l’agrément Union européenne2. En cause : leurs contraintes naturelles et leur éloignement géographique. Ce régime dérogatoire, dit régime des régions ultrapériphériques (RUP), est ainsi appliqué en Martinique, en Guadeloupe et à Mayotte. La Réunion, quant à elle, détient un agrément pour deux PIF.

1 bit.ly/2GvjXMr.
2 Normalement, les postes doivent respecter des exigences minimales, en matière d’installations, d’équipement et de conditions de fonctionnement, telles qu’indiquées dans la décision de la Commission européenne du 21/11/2001 (bit.ly/2GpBPZ4).

UN CONTRÔLE VÉTÉRINAIRE AUX FRONTIÈRES EN TROIS ÉTAPES

1 -Contrôle documentaire : il permet de s’assurer de la bonne conformité du certificat sanitaire vétérinaire accompagnant la marchandise.
2 - Contrôle d’identité : il vise à s’assurer de la concordance entre la marchandise décrite sur le certificat et celle effectivement présentée (par exemple, la nature et la quantité des lots).
3 -Contrôle physique :il consiste en un examen approfondi de la marchandise, comme l’examen clinique de l’animal ou la vérification du respect de la chaîne du froid. Tous les lots ne sont pas concernés par ce contrôle. Lors de cette étape, des prélèvements sont aussi réalisés en vue d’analyses de laboratoire (recherche de contaminants physico-chimiques ou microbiologiques), les lots prélevés étant uniquement ceux soumis au contrôle physique. Cette opération s’inscrit d’abord dans le cadre du plan de surveillance à l’import, pour lequel il y a un pourcentage minimum1 de lots soumis à prélèvements2. L’objectif est de disposer d’une vision globale des produits importés en France et de contrôler l’exposition globale du consommateur, en complément des autres plans nationaux. Dans ce cas, les lots peuvent continuer leur route, dans l’attente des résultats du laboratoire.
Des prélèvements sont aussi réalisés dans le cadre d’une suspicion sur un lot importé, soit parce que le contrôle d’identité n’est pas normal (odeur ou aspect suspect), soit parce que des informations dans le Traces3 signalent une suspicion sur un établissement exportateur dans un pays tiers. Dans ce cas, un contrôle renforcé est effectué sur les lots en provenance de cet établissement dans tous les postes frontaliers de l’Union européenne. Tous les lots doivent être systématiquement soumis à prélèvements, pour recherche du contaminant initialement détecté. Ils ne seront libérés que lorsqu’un nombre minimal de lots consécutifs (en général 10) présentera des résultats d’analyses conformes à la réglementation européenne.
1 Environ 3 % de lots importés, pour chaque catégorie de produits.
2 Prélèvements réalisés de manière aléatoire selon une grille pour chaque catégorie de produits.
3 Trade Control and Expert System.

LES CONTRÔLES AUX POSTES D’INSPECTION FRONTALIERS EN CHIFFRES

Bilan d’activité1 :
2013
PIF : 57 816 lots contrôlés, dont 914 refusés ; PED : 2 251 lots contrôlés, dont 4 refusés.
2014
PIF : 46 436 lots contrôlés et 402 refusés ; PED :2 600 lots contrôlés, dont 14 refusés.
2015
PIF : 41 137 lots contrôlés, dont 343 refusés ; PED : 2 334 lots contrôlés, dont 5 refusés.
2016
PIF : 41 712 lots contrôlés, dont 311 refusés ; PED : 2 203 lots contrôlés, dont 7 refusés.
Selon la Direction générale de l’alimentation, le faible taux de produits refusés serait lié aux contrôles menés par les autorités européennes dans les pays tiers, afin de s’assurer du respect de la réglementation européenne pour les exportations. Aux postes frontaliers du Havre (Seine-Maritime) et de Roissy (Val-d’Oise), l’essentiel des causes de non-conformité est documentaire, mais facilement régularisable.

Bilan des analyses2 :
2013
1 442 lots prélevés, 5 456 analyses, 8 lots non conformes (dont 6 produits de la pêche) ; taux de non-conformité : 0,55 %.
2014
1 391 lots prélevés, 5 429 analyses, 5 lots non conformes (produits de la pêche et farines de poisson) ; taux de non-conformité : 0,36 %.
2015
1 127 lots prélevés, 4 994 analyses, 6 lots non conformes (produits de la pêche) ; taux de non-conformité : 0,53 %.
2016
1 127 lors prélevés, 5 234 analyses, 12 lots non conformes (produits de la pêche) ; taux de non-conformité : 1,06 %.
La baisse du nombre de produits contrôlés depuis 2014 serait surtout liée à la fermeture du marché européen pour la viande équine en provenance du Mexique (moins de lots reçus et de contrôles sur viandes fraîches).
Le nombre de non-conformités est plus élevé sur les produits de la pêche, car ils représentent la catégorie de produits la plus importée.
1 Rapports d’activité du Sivep (agriculture.gouv.fr).
2 bit.ly/2DZty8O.

DISSONANCES EUROPÉENNES : UNE QUESTION D’EFFECTIFS ?

« Les pressions de contrôles sont loin d’être harmonisées au niveau européen. Certains postes frontaliers reçoivent trop de lots et n’ont pas forcément les moyens nécessaires pour réaliser une pression de contrôles suffisante, note Olivier Lapôtre, président du Syndicat national des inspecteurs en santé publique vétérinaire (SNISPV). C’est le cas, par exemple, de Rotterdam, qui présente des dizaines de kilomètres d’entrepôts. » Une problématique loin d’être anodine à l’heure de la libre circulation des marchandises entre les États membres de l’Union européenne (UE). De plus, selon un rapport1 de 2014 sur la politique de sécurité sanitaires des aliments, les statistiques douanières montrent que les produits importés en France représentaient 7,4 millions de tonnes (22 %, les 78 % restants provenant de l’UE), et sont soit introduits directement sur le territoire (6,5 millions, 16,6 %), soit indirectement via d’autres pays de la communauté (1,5 million, 4,2 %) avant leur arrivée. Un rapport d’information du Sénat2 de 2017, conduit par les sénateurs Alain Houpert et Yannick Botrel, avait d’ailleurs évoqué cette question. « Des progrès s’imposent [NDLR : pour la sécurité sanitaire des aliments importés] (…), l’UE devrait diligenter une inspection systématique des procédures mises en œuvre dans les grands points d’entrée en Europe des marchandises alimentaires et en assurer une publication régulièrement actualisée. »Pour Olivier Lapôtre, aujourd’hui, « seule une décision communautaire pourra permettre une harmonisation réelle des contrôles aux frontières, associée à une augmentation d’effectifs et à une meilleure collaboration avec les services douaniers. »

1 bit.ly/2I7QJ3A.
2 bit.ly/2I25hSg.

TRACES ET RASFF, DEUX OUTILS NUMÉRIQUES DU CONTRÔLE AUX FRONTIÈRES

Le Traces (Trade Control and Expert System) vise à notifier et à surveiller les échanges d’animaux, d’aliments pour animaux, des produits d’origine animale (viande, œuf, miel, semence, embryon, etc.), de denrées alimentaires d’origine non animale (fruits, céréales, etc.) et de végétaux entre les États membres de l’Union européenne et les pays de l’Association européenne de libre-échange (AELE). Obligatoire pour les États membres depuis le 1er janvier 2005, le système repose sur le volontariat pour les autres pays, dont les pays tiers. Cependant, la Commission européenne encourage la certification électronique pour les pays tiers, afin de réduire les certificats papier. Aujourd’hui, 50 pays adhèrent au système.
Le Rapid Alert System for Food and Feed(RASFF) permet d’échanger des informations en lien avec la sécurité alimentaire des denrées alimentaires et des aliments pour animaux, entre membres du réseau (28 États membres, Efsa1, Commission européenne, Norvège, Liechtenstein, Islande, Suisse). En pratique, une information est envoyée, via le RASFF, à la Commission européenne. Après analyse, cette dernière décide de la transmettre ou non à tous les membres du système selon quatre modalités de notification. La notification alertconcerne un risque sérieux d’un produit disponible à la vente, nécessitant la mise en œuvre rapide de mesures de gestion. La notification information est émise lorsque le risque identifié n’implique pas une action urgente, du fait de la nature même de celui-ci ou parce que le produit concerné n’est plus ou n’a pas encore atteint le marché. La notification border rejectionconcerne les produits refusés aux frontières. Enfin, la notification news concerne toutes les autres informations jugées utiles pour les autorités de contrôle.
Depuis septembre 2008, un lien existe entre les systèmes Traces et RASFF, afin que les données déjà enregistrées dans le Traces soient directement communiquées au RASFF.

1 Autorité européenne de sécurité des aliments.

LES CONTRÔLES ÉVOLUENT

- La Commission européenne développe Imsoc1, un système regroupant différentes applications (Traces, RASFF, Bovex2 et une connexion avec les systèmes nationaux des différents États membres). Plusieurs fonctionnalités d’analyses prédictives seront notamment disponibles. L’objectif : exploiter les statistiques des résultats de contrôles antérieurs sur des lots importés de même nature ou de même origine, afin de mettre en avant les non-conformités les plus fréquentes et d’orienter les agents dans leur contrôle.
- Depuis juin 2017, le Sivep3est en charge du contrôle de la qualité biologique des denrées alimentaires d’origine animale et des aliments pour animaux, qui s’ajoute aux contrôles sanitaires déjà effectués sur ces produits. Cette mission se fait en collaboration avec les postes frontaliers de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui effectuent le contrôle de la qualité biologique des denrées végétales.
- En 2018, un nouveau dispositif, en collaboration avec le ministère de la Transition écologique et solidaire et les services douaniers, est prévu aux frontières pour contrôler l’introduction d’espèces exotiques envahissantes animales et végétales. Des arrêtés4 publiés en février 2018 listent ainsi les espèces concernées qui sont interdites d’introduction sur le territoire métropolitain. Le travail est toujours en cours pour les listes concernant les différents départements et régions d’outre-mer (Drom).
- Dans le cadre de l’arrêté du 24 mars 20175, un déploiement de locaux d’isolements dans les points d’entrée pour les animaux non conformes (de compagnie ou exotiques, « au statut sanitaire incertain »), saisis par la douane, est en cours. Une convention avec des organismes extérieurs, comme la fourrière, peut aussi être passée par les gestionnaires des points d’entrée pour assurer l’isolement des animaux saisis.
- Le règlement 2016-1012 impose de déployer, dès novembre 2018, un contrôle zootechnique sur les espèces bovine, caprine, porcine et ovine, consistant à vérifier la généalogie des animaux reproducteurs. Jusqu’à présent, les contrôles zootechniques à l’importation n’étaient réalisés que pour les équidés enregistrés destinés à la reproduction, en plus du contrôle sanitaire également effectué sur ces animaux.
- Plusieurs postes frontaliers se sont dotés ou ont un projet de mise en place de locaux communs avec les services de la douane, afin de réduire les coûts, de simplifier les opérations des représentants des importateurs et de favoriser les échanges d’informations entre les services de contrôle.

1 Integrated Management System for Official Controls.
2 Trade Control and Expert System, Rapid Alert System for Food and Feed, Bovine Exchange.
3 Service d’inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières.
4 www.bit.ly/2uvTNEy.
5 www.bit.ly/2umMeA0.

L’ATTENTE DU BREXIT

Vu son positionnement géographique, la France serait lourdement impactée si le Royaume-Uni venait à sortir de l’union douanière de l’Union européenne. Avec pour conséquence le déploiement de nouveaux contrôles aux frontières sur les lots originaires du Royaume-Uni. Ce scénario pourrait nécessiter le recrutement de quelques dizaines d’équivalent temps plein au Service d’inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières (Sivep), ainsi que la construction de nouveaux locaux à proximité de la Manche.