SYNTHÈSE
PRATIQUE CANINE
Formation
Auteur(s) : JUSTINE GUILLAUMONT ET LORENZA RICHARD
L’établissement d’une relation positive entre l’animal et le personnel d’une structure vétérinaire est essentiel dans le cadre d’une démarche de bien-être des animaux à l’accueil, en consultation et en hospitalisation.
Les interactions positives doivent être instaurées dès l’arrivée de l’animal dans la structure, afin d’éviter de le sensibiliser à un environnement vétérinaire stressant, et avant l’apparition des signes de mal-être. L’équipe peut lui parler, le caresser, jouer avec lui ou éventuellement aller le promener (avec l’accord du propriétaire) lorsqu’il est visiblement stressé ou lors d’attente prolongée. Ainsi, le personnel n’est pas uniquement associé aux soins et à des émotions négatives.
De plus, les chiens et les chats sont capables de percevoir les émotions des humains1. Les premiers expriment une forme d’empathie avec leur maître (cela n’est pas démontré chez le chat), et ils peuvent être anxieux en entrant dans la clinique par reproduction de l’état émotionnel de celui-ci. Des travaux2 sur la synchronisation homme-chien montrent également que l’animal ajuste son comportement à celui de son propriétaire, en utilisant ses regards et ses déplacements comme références pour choisir comment réagir dans un nouvel environnement ou à l’arrivée d’une nouvelle personne. Or, les observations menées par Justine Guillaumont dans le cadre de son master d’éthologie à la clinique vétérinaire de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) montrent qu’environ 25 % des personnes interrogées (15 sur 61) appréhendent la visite chez le vétérinaire. Afin de rassurer l’animal, mais aussi le propriétaire, il serait ainsi intéressant de les familiariser avec la structure en proposant des visites régulières, non liées à des soins, au cours desquelles l’animal n’aurait que des expériences positives : le personnel pourrait le nourrir, jouer avec lui, le caresser, etc.
De plus, les contentions calmes, en caressant l’animal, en le récompensant, lui permettent de se sentir plus à l’aise et de se laisser manipuler. Il associe alors l’examen à des émotions positives. Le propriétaire peut également le tenir pour le rassurer le temps de l’examen. Toutefois, s’il est lui-même inquiet, il est préférable de l’inciter à s’éloigner le temps des soins pour ne pas accentuer le mal-être de l’animal. Ce dernier pourrait également être encouragé à monter sur la table, ce qui lui est habituellement interdit chez son maître. Le vétérinaire se mettra à son niveau, assis sur la table abaissée, par exemple, afin de moins le stresser. Le medical training 3, ou entraînement de l’animal afin qu’il coopère aux soins, est une solution pour réduire son stress en attirant son attention sur autre chose que les soins, et il serait intéressant de former l’équipe à cette approche.
Concernant les animaux hospitalisés, les études menées en structure vétérinaire sont peu nombreuses. Toutefois, des travaux récents en refuge montrent l’importance du contact humain pour limiter le stress des chiens et des chats : les caresser, jouer avec eux et les promener réduit leur taux de cortisol sanguin. Dans la clinique d’étude de Justine Guillaumont, la zone d’hospitalisation n’est pas isolée, comme c’est le cas dans la plupart des structures, mais commune au lieu de vie de l’équipe et de la salle de soins. Cela permet au personnel de surveiller les animaux au cours de la journée et de gérer l’apparition de signes de stress, comme des plaintes ou des gémissements. Les soins aux animaux hospitalisés doivent être réalisés avec les objectifs de ne pas leur faire mal, ni peur, de réagir immédiatement à un état de détresse ou de mal-être, et d’établir des intervalles d’intervention (prise de température, etc.) qui respectent leur repos.
Parler aux animaux est important : les observations réalisées dans la clinique d’étude indiquent qu’utiliser une voix aiguë et stimulante (pet directed speech ou PDS) interpelle les animaux, même s’ils sont abattus par les opérations ou la maladie. En effet, le PDS, ou façon dont les personnes s’adressent à leur animal, présenterait des similitudes avec la matière dont les parents parlent à leurs enfants (infant directed speech ou IDS), c’est-à-dire avec une voix plus aiguë et des phrases courtes qu’ils répètent plusieurs fois. Les PDS et IDS, émis face à des individus n’ayant pas les capacités de langage dans le but de faciliter l’échange, transmettent l’état émotionnel de l’émetteur4.
De plus, il est déconseillé de ne manipuler les animaux que lors des soins. Par exemple, les caresser dans les cages, leur parler, leur donner à manger à la main ou les brosser, est une manière de ne pas associer l’humain et/ou la cage uniquement aux aspects négatifs de l’hospitalisation. Leur apporter de l’attention et jouer avec eux (avec un lien pour les chats, notamment) leur permet également de se distraire, de retrouver des activités quotidiennes qu’ils ont à leur domicile et de ne pas se sentir isolés.
D’autre part, si les animaux ne supportent pas la cage, les laisser circuler dans la salle sous surveillance leur offre l’opportunité d’explorer l’environnement, et d’interagir avec les humains et leurs congénères. Les observations réalisées ont révélé que les animaux parviennent ainsi à se détendre et à se coucher calmement. En cas d’hospitalisation prolongée, les visites du propriétaire peuvent remotiver l’animal et le sortir de sa routine, l’aidant parfois à se rétablir. En effet, les constatations font apparaître que l’animal est joyeux à l’arrivée de son propriétaire, et que c’est parfois le déclic qui lui permet de retrouver l’envie de se nourrir. En revanche, certains animaux sont encore plus stressés et en détresse lorsque leur maître repart. Il semble ainsi primordial de juger de la possibilité pour l’animal de gérer ses émotions liées au passage de son propriétaire, en tenant compte de la durée d’hospitalisation.
Enfin, la nuit, le passage est réduit, afin de ne pas gêner le sommeil des animaux. Dans la clinique d’étude, le vétérinaire peut emmener dormir chez lui certains animaux qui ne supportent pas l’hospitalisation. Cela leur évite d’être stressés toute la nuit ou de gêner par leurs vocalises les congénères qui ont besoin de se reposer.
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1 Albuquerque N., Guo K., Wilkinson A. et coll. Dogs recognize dog and human emotions. Biol. Lett. 2016;12(1):20150883. doi: 10.1098/rsbl.2015.0883.
2 Duranton C., Gaunet F. Behavioural synchronization from an ethological perspective : overview of its adaptive value. Adaptive Behavior. 2016;24(3):181-191.
3 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1747 du 19/1/2018, pages 28 et 29.
4 Jeannin S., Gilbert C., Leboucher G. Effect of interaction type on the characteristics of pet-directed speech in female dog owners. Anim. Cogn. 2017;20(3):499-509.