Huit ans après, retour sur les états généraux du sanitaire - La Semaine Vétérinaire n° 1759 du 06/04/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1759 du 06/04/2018

POLITIQUE

ACTU

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE  

Les membres du CGAAER viennent de rendre leurs conclusions sur l’état des lieux de la refonte de la politique de sécurité sanitaire de l’agriculture française menée à la suite des états généraux du sanitaire de 2010.

Lors des états généraux du sanitaire (EGS) de 20101, l’État s’était engagé, avec les professionnels concernés, dans une rénovation ambitieuse de l’organisation sanitaire en santé animale et végétale en France. Deux ordonnances définissant une organisation cible avaient ensuite été prises en 20112 et 20153. Cinq ans après la première, la mise en place de cette organisation était toujours en cours, c’est pourquoi le ministère en charge de l’agriculture avait demandé à des membres du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) d’établir un état des lieux et de soumettre des propositions. Leurs conclusions ont été publiées dans un rapport4 rendu le 13 mars dernier. Faisons le point.

Une « nouvelle gouvernance sanitaire »

En 2010, dans un contexte de mondialisation des échanges et de transformation des écosystèmes, la menace d’apparition de maladies animales et végétales émergentes était déjà réelle. Considérant que la France était « à un nouveau tournant sanitaire », Bruno Le Maire, alors ministre de l’Agriculture, de l’Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et de l’Aménagement du territoire, avait organisé des EGS. Les différents acteurs concernés ont alors été consultés pour mettre en place une « nouvelle gouvernance sanitaire » visant à traiter plus efficacement l’ensemble des dangers. Les ordonnances, issues de ces discussions, ont ainsi défini une nouvelle organisation ambitieuse reposant sur un ensemble de structures régionales coordonnées. Parmi les 40 mesures annoncées, une nouvelle catégorisation des maladies, une adaptation de la formation des différents acteurs de la santé animale et végétale vétérinaire aux nouveaux enjeux de la profession et la redéfinition précise des missions de chacun des étaient prévues. Cependant, aujourd’hui, la mise en place de la nouvelle organisation sanitaire n’est toujours pas achevée. Et les questions soulevées par les récents épisodes de crise permettent de s’interroger sur le bien-fondé de l’organisation de 2010 et sa capacité à satisfaire aux engagements et aux objectifs de la France.

Un état des lieux en demi-teinte

Ainsi, le rapport remis par le CGAAER pointe « un bilan des EGS mitigé ». Les principes directeurs de l’organisation, tels que la catégorisation des dangers sanitaires, la hiérarchisation des priorités d’action et la répartition claire des rôles et des responsabilités des acteurs qui leur sont attachées, ont été mis en place. La plateforme d’épidémiosurveillance animale a été créée. Cependant, le rôle des acteurs régionaux reste encore trop limité. De plus, les comités et les organismes créés alors pour la gestion sanitaire (Cnopsav, ASR, OVS, OVVT5) ont encore un fonctionnement hétérogène et la mise en place de réseaux sanitaires organisée est toujours attendue. Il existe aussi actuellement un réel manque de concertation entre les acteurs et les décideurs en ce qui concerne la collecte et la diffusion de l’information sanitaire. Enfin, même si le Fonds de mutualisation des risques sanitaires et environnementaux (FMSE), qui indemnise en cas de pertes liées à des crises sanitaires et/ou environnementales, fonctionne, les flux financiers échappent encore à toute transparence.

De nouvelles recommandations

Les difficultés rencontrées dans la mise en place des mesures définies lors des EGS peuvent s’expliquer notamment par la complexité de la conception de l’édifice et de son déploiement par étapes qui s’est, de plus, conjuguée avec des réorganisations territoriales importantes. Afin de lever finalement les blocages, le dernier rapport publié propose huit recommandations. Une nouvelle stratégie nationale sanitaire plus explicite doit être définie avec un renforcement de la coordination de tous les acteurs opérationnels. Pour cela, l’ancrage régional, notamment via la mise en place des schémas régionaux de maîtrise des dangers sanitaires (SRMDS), doit être développé. Un dispositif de suivi et d’évaluation des choix sanitaires doit aussi être instauré, dans lequel les vétérinaires auront toute leur place. Enfin, le modèle économique de l’organisation devra être consolidé.

Cette nouvelle stratégie devrait voir le jour rapidement et sa réalisation être achevée à l’horizon 2020, année charnière pour la mise en place de mesures européennes importantes, telles que la nouvelle politique agricole commune (PAC) et “le paquet sanitaire”. À suivre.

1 bit.ly/2qirTrg.

2 bit.ly/2GRSn8U.

3 bit.ly/2FUF8YR.

4 bit.ly/2qksIzP.

5 Conseil national d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale, associations sanitaires régionales, organismes à vocation sanitaire, organisations vétérinaires à vocation technique.