ENTRETIEN
PRATIQUE MIXTE
Formation
Auteur(s) : PROPOS RECUEILLIS PAR FRÉDÉRIC THUAL
Avec un millier de bovins autopsiés depuis sa création il y a cinq ans par Oniris, Autopsie services a trouvé ses marques dans l’univers rural du Grand Ouest. Nommée à la tête du centre, Laëtitia Dorso dresse le bilan et les perspectives d’une structure aussi inédite que fragile.
On répond à une demande très forte des praticiens. Nous sommes passés d’une centaine de bovins autopsiés en 2013 à 250 cette année. Nous sommes la seule structure du Grand Ouest capable d’aller chercher des animaux pour effectuer une autopsie pertinente dans un centre dédié, et de fournir un compte rendu préliminaire 24 heures après. Si l’on écarte Toulouse (Haute-Garonne), dont la visée est purement pédagogique, nous sommes le seul service de ce type en France.
Il a évolué au 1er janvier 2018. Le tarif est de 212,50 € HT pour les autopsies demandées dans un rayon de 150 km autour de Nantes. Au-delà, on passe de 300 à 308,33 € HT.
Nous sommes face à des pathologies de plus en plus pointues. Jusqu’en 2014, on nous contactait souvent pour des réticulo-péritonites, dues à l’ingestion d’un corps étranger ; aujourd’hui, de moins en moins. En revanche, nous voyons beaucoup de fractures spontanées : le vétérinaire nous appelle parce que l’animal ne se lève plus. Il suspecte des problèmes neurologiques, mais, en fait, l’autopsie révèle que les quatre pattes sont fracturées. L’examen est très difficile. Si plusieurs animaux sont atteints, il y a souvent un lien avec une pratique d’élevage : des carences alimentaires en phosphore et en calcium, qui fragilisent les os. Nous avons aussi eu des confirmations de pathologies un peu plus embêtantes, comme le botulisme. L’intérêt de faire un diagnostic de botulisme ici, c’est d’avoir tous les moyens de l’école et, en l’occurrence, le recours à l’Institut Pasteur. Une fois ce diagnostic posé, l’éleveur peut être dédommagé. Pour d’autres maladies, certains bénéficient de la caisse “coup dur” du groupement de défense sanitaire (GDS). Là encore, un diagnostic en bonne et due forme est nécessaire. Par ailleurs, nous intervenons pour des autopsies d’expertise lorsqu’il y a suspicion de faute professionnelle, par exemple, sur des césariennes où généralement la question est de savoir si la suture est étanche ou non. Cela permet à l’assureur de trancher.
Pour les praticiens, c’est la garantie d’avoir un diagnostic réalisé par un spécialiste. Ils bénéficient d’un gain de temps et de compétences. C’est une autopsie exhaustive. On ouvre “de la tête à la queue”, jusqu’à l’encéphale, ce qui ne peut pas ou peut difficilement être fait en ferme. Le but du jeu n’est pas de remplacer les vétérinaires sur place, mais de continuer à les encourager à conduire leur autopsie. Nous, nous intervenons en référé. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il n’y a pas de concurrence. Au contraire, ce sont eux qui valorisent mon geste au quotidien. Si l’éleveur veut quelque chose de plus complet, il vient vers nous.
La direction nous a soutenus pour l’acquisition d’un nouveau camion-benne équipé d’un treuil, afin de faciliter les prises en charge. L’activité bovine était notre cheval de bataille. Elle a augmenté de 30 % pendant plusieurs années, et compte tenu du déclin de la filière, plafonne aujourd’hui à + 10 %. La filière ne se porte pas bien et dépenser 200 € pour un animal mort peut constituer un obstacle…
Nous venons de réaliser des tests de faisabilité pour que les étudiants puissent participer à des autopsies à distance avec des lunettes connectées. Les séances pourront être diffusées en direct, ou enregistrées et mises en ligne sur la plateforme web de l’école. Ce dispositif, dont le coût s’élève entre 6 000 et 10 000 €, a été rendu techniquement possible avec le déploiement du wifi dans le centre d’autopsie. Un partenariat est en cours de finalisation avec une société rennaise, qui avait présenté ce système lors du salon sur la e-santé, organisé à Castres (Tarn) en 2016. Nous devrions être opérationnels courant 2018.
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