DÉCRYPTAGE
Auteur(s) : NICOLAS CORLOUER
Le recueil du consentement du client est un élément fondamental dans la pratique quotidienne et un enjeu primordial pour la profession. Nicolas Corlouer, avocat au barreau de Paris, nous apporte son éclairage.
Pour mémoire, il convient de rappeler que les obligations contractuelles du vétérinaire découlent du contrat de soin. Ce dernier impose au vétérinaire de mettre en œuvre l’ensemble des moyens, au regard des données acquises de la science et de la technique, pour soigner l’animal.
Les clients d’un vétérinaire, en cas d’échec dans la réalisation de la prestation de services, peuvent tenter de rechercher la responsabilité contractuelle du praticien pour faute professionnelle en application de l’article 1231-1 du Code civil. Dans ce cadre, ils doivent apporter la preuve que le vétérinaire a commis une faute professionnelle. En l’absence de connaissance médicale, la charge de cette preuve est donc presque impossible, de même que le juge, tout aussi profane, ne peut juger de la réalité d’une faute professionnelle.
Ainsi, ce type de contentieux nécessite souvent la tenue d’une expertise judiciaire. Le juge désigne un homme de l’art, qui sera souvent un autre vétérinaire pour que celui-ci détermine si le praticien a bien mis en œuvre l’ensemble des moyens en sa possession au regard des données acquises de la science et de la technique pour déterminer s’il engage sa responsabilité, mais également vérifier que les moyens mis en œuvre n’ont pas entraîné une perte de chance dans la réussite du protocole.
Une telle procédure peut s’avérer assez longue et augmenter son coût. Le poids financier d’une telle approche sera généralement mis à la charge de la partie succombant à l’issue du procès.
Au moment de la prise en charge d’un animal, le vétérinaire est tenu à une obligation d’information exhaustive découlant de l’article R.242-48 du Code rural et de la pêche maritime.
À cette occasion, il doit présenter l’ensemble des risques découlant d’un protocole thérapeutique, mais également l’ensemble des autres voies qui pourraient être mises en œuvre pour soigner l’animal, comme a pu le juger la cour d’appel d’Angers (Maine-et-Loire) dans l’affaire Debbouze-Theuriau à propos de la castration d’un cheval. Cette information, qui doit être délivrée avec pédagogie, permet au propriétaire de l’animal de prendre une décision en pleine connaissance de cause et surtout au regard des risques et/ou avantages des différentes options thérapeutiques et des conséquences économiques associées.
En cas de manquement à cette obligation, la responsabilité du vétérinaire peut être engagée, la charge de la preuve lui incombant, c’est-à-dire que le vétérinaire doit prouver avoir informé son client. Dès lors, le recueil de ce consentement devient un élément fondamental dans la pratique quotidienne de la profession et son recueil un enjeu primordial.
Afin de recueillir le consentement éclairé, la pratique de l’écrit s’est développée (comme on a pu l’observer en médecine humaine), les structures demandant à leurs clients de signer un consentement éclairé par lequel ils reconnaissent avoir été informés de l’ensemble des risques que présente le traitement mis en place, ou les examens pratiqués, avec le recours à un formulaire type et général.
Toutefois, ce document général semble aujourd’hui être remis en cause, notamment par les vétérinaires eux-mêmes dans le cadre d’expertises diligentées par les assureurs ou l’Ordre professionnel lui-même.
Ce faisant, un tel raisonnement initié par des experts ne pourrait que conduire le juge à le suivre. Ainsi, il semble que les documents généraux élaborés par les structures soient remis en cause, nécessitant l’établissement de nouveaux consentements éclairés, spécifiques pour chaque acte médical. Ce document devra lister l’ensemble des complications connues et des traitements alternatifs. La lourdeur de la mise en place d’un tel protocole saute naturellement aux yeux et conduit à une dérive administrative qu’il convient de combattre afin d’éviter de tomber dans un système de condamnation récurrent, comme cela peut être constaté de plus en plus en médecine humaine.
La durée dans le temps du consentement éclairé délivré par le client est un autre point d’alerte important qui doit être signalé.
En effet, le client signant le document au moment de la prise en charge, celui-ci ne recouvre que les actes médicaux prévus initialement, sans nécessairement prendre en compte les résultats des analyses médicales appelant d’autres actes de soin, ou encore les situations d’urgence vitale de l’animal.
Dans la première hypothèse, il ne peut qu’être conseillé de faire part au client des résultats et de solliciter par la suite un nouveau consentement éclairé sur les nouveaux actes à pratiquer, mais également un nouveau consentement financier, la facture s’alourdissant par rapport au devis initial. Là encore, le simple recueil téléphonique du consentement éclairé présente un risque dans la charge de la preuve. La signature d’un nouveau consentement écrit devra être privilégiée, même si ce dernier alourdit encore la prise en charge administrative de l’animal. Le recours à l’e-mail peut être préconisé afin d’éviter un déplacement du propriétaire.
La question des situations d’urgence apparaît plus délicate. En effet, il n’est pas possible de solliciter un consentement éclairé dès lors que la décision doit être prise très rapidement et que le client n’est pas toujours joignable. Par conséquent, il pourrait être envisagé de prévoir, dans le consentement initial, une stipulation par laquelle le client sollicite que le vétérinaire mette en place l’éventuel protocole de soins nécessaires dans une situation d’urgence vitale. Une telle clause permettrait de se prémunir de certains contentieux. Néanmoins, il ne fait aucun doute que les questions du curseur des actes légitimement acceptables et de la définition d’une situation d’urgence appelleront de nombreux débats. Cette stipulation devra donc être rédigée avec soin afin de préserver au mieux les intérêts du vétérinaire tout en assurant une information complète du client.
En définitive, les documents permettant de recueillir le consentement éclairé doivent être adaptables et évolutifs au gré des décisions judiciaires qui seront rendues, appelant les professionnels à une particulière vigilance dans la sécurisation de leurs protocoles internes. Une harmonisation au niveau professionnel ou ordinal ne pourrait dont qu’être louable et apporter de la sécurité juridique à la profession.
En effet, le juge civil, profane en matière de médecine vétérinaire, qui assimilera celle-ci aux pratiques de la médecine humaine (et en faisant alors souvent abstraction de la notion économique indissociable des actes de médecine vétérinaire), sera moins tenté de remettre en cause un document élaboré par les instances professionnelles et utilisé par l’ensemble d’une profession, par rapport à un document élaboré par la structure mise en cause dans le contentieux qu’il doit juger.
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