STRATÉGIE
ACTU
Auteur(s) : SERGE TROUILLET
La Compagnie des vétérinaires, qui veut s’épauler de nouveaux investisseurs, se désengage-t-elle de ses partenaires historiques, les centrales d’achat ? Explications.
Exit les centrales d’achat. Lors de sa dernière assemblée générale, en mars dernier, La Compagnie des vétérinaires s’est définitivement émancipée de son esprit coopératif du départ. Elle sort les centrales d’achat du conseil d’administration, fait entrer de nouveaux administrateurs non vétérinaires, pour la première fois, et ouvre son capital à de nouveaux investisseurs. Cette éviction fait aujourd’hui débat et suscite l’inquiétude chez certains praticiens.
La Compagnie des vétérinaires, dont les valeurs prônent « la responsabilité assumée du groupe envers les propriétaires des animaux de compagnie, des vétérinaires, comme de l’ensemble des publics concernés par nos activités », prend un nouveau tournant. Doit-on y voir un supposé début de financiarisation des sociétés de services vétérinaires ? Les craintes exprimées à cet égard sont-elles fondées ? La centrale d’achat Alcyon – à l’origine de la création de La Compagnie des vétérinaires en 1993 – réagit, mais ne peut, pour l’heure, décrypter toutes les conséquences d’une telle décision pour ses filiales (entretien). Contactées, Coveto et Centravet n’ont pas souhaité répondre à nos questions.
Pourquoi la stratégie de La Compagnie des vétérinaires, toujours en croissance (encadré), doit-elle être revue ? Quel est le rôle des centrales d’achat ? « Nous avons besoin d’un financement de 30 M € à 40 M € pour les cinq prochaines années. Il nous faut en conséquence des actionnaires qui nous accompagnent, qui partagent notre philosophie entrepreneuriale. Ce n’est plus le cas des centrales. Elles ne participent pas vraiment aux augmentations de capital et restent passives. L’entre-soi a atteint ses limites avec elles », déplore son président-directeur général, Philippe Thomas.
La Compagnie des vétérinaires se félicite au contraire du soutien massif des 2 200 vétérinaires libéraux actionnaires, tant dans les opérations d’augmentation de capital qu’à l’assemblée générale. « Même s’ils sont attachés à un certain esprit de solidarité professionnelle, ils le sont au moins autant à des notions de gouvernance modèle, de performance économique et financière, de création de valeur. C’est une vraie évolution par rapport au modèle précédent », poursuit-il.
Avec environ 16 M€ de capitaux propres, la société s’estime limitée dans ses capacités d’emprunt et d’endettement. Afin d’accélérer son développement, elle espère ainsi faire entrer des partenaires pour hisser ces capitaux à hauteur de 30 M€ avant la fin de l’année. Au dire de Philippe Thomas, de nombreux investisseurs manifestent leur intérêt pour le projet et pour la société de manière générale : « Depuis deux ans, j’en ai rencontré une quarantaine. Les garanties de rendement que nous leur présentons leur semblent un argument convaincant. Je ne suis pas inquiet. Nous trouverons le financement de notre croissance. »
Dans ses trois domaines d’activité stratégique (la crémation, l’assurance santé animale et les services numériques), la société entrevoit en effet, dans les prochaines années, de très belles perspectives de croissance externe et de développement, en France et à l’international. Dans le cadre du programme Accélérateur PME de Bpifrance, dont elle a fait partie de la première promotion, n’a-t-elle pas été dans le top 10 des petites et moyennes entreprises (PME) innovantes à promouvoir pour le développement à l’étranger ? « Compte tenu de nos investissements structurants et de notre potentiel de croissance, nous sommes capables d’assurer un rendement convenable pour un investisseur qui nous fait confiance, de la même façon que nous le faisons pour nos actionnaires vétérinaires », soutient Philippe Thomas.
La Compagnie des vétérinaires est donc en ordre de bataille. Après l’élaboration du plan d’orientation stratégique, la modification de la gouvernance, reste à boucler le financement de ce plan. La quête d’un actionnaire minoritaire n’a pas été sans susciter de l’inquiétude, ce qu’entend dissiper fermement le président : « Certains des opposants à notre projet ont joué sur la peur auprès des confrères, relayant les craintes d’une prise de pouvoir de la société par des financiers. Nous procédons comme toute société moderne en développement, et nous avons des outils de contrôle pour cela. Les statuts sont clairs ; ils empêchent d’avoir plus de 30 % de capitaux extérieurs. On ne fait pas n’importe quoi avec le patrimoine de la profession. »
Lors du conseil d’administration du 17 mai, sera présenté le schéma de financement du plan d’orientation stratégique. Un autre se déroulera en juillet pour parachever ce plan de financement et valider l’entrée d’un investisseur au capital. «
Ainsi, nous serons fin prêts, pour le prochain exercice à partir du 1
er
octobre, à mettre en œuvre le nouveau plan d’orientation stratégique des cinq prochaines années. Nous ciblons alors un chiffre d’affaires entre 65
M
€
et 80
M
€
et peut-être davantage, avec notamment un développement international plus rapide et plus fort en Allemagne et en Pologne.
»
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« LA PROFESSION A PERDU TOUT CONTRÔLE SUR LA COMPAGNIE DES VÉTÉRINAIRES »
UNE CROISSANCE ANNUELLE DE 15 % DEPUIS 20 ANS