ÉLEVAGE
PRATIQUE MIXTE
L'ACTU
Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE
Dans un contexte de lutte contre l’utilisation des antibiotiques en élevage, toutes les solutions alternatives peuvent être explorées. C’est le cas des macro-algues d’origine marine, dont les propriétés ont été récemment étudiées par des chercheurs de l’Inra.
La qualité nutritionnelle des algues et leur richesse en molécules bioactives suscitent un intérêt croissant, tant en alimentation humaine qu’animale. Une équipe de chercheurs de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra)1 s’est intéressée à ce potentiel en étudiant les propriétés des polysaccharides sulfatés marins contenus dans des extraits d’algues, dans le cadre d’un partenariat de recherche avec le laboratoire Olmix Group, entreprise de bioraffinerie de macro-algues (vertes et rouges).
Les macro-algues d’origine marine sont constituées de composants aux propriétés variées utilisées en nutrition, en cosmétologie et dans l’industrie pharmaceutique. Ces molécules bioactives sont principalement des peptides, des acides gras polyinsaturés, des pigments, des polyphénols et des polysaccharides. Diverses études menées in vitro et in vivo avaient déjà démontré en 2008 que les polysaccharides sulfatés complexes (marins ou MSP), contenus dans la paroi cellulaire des algues, possèdent un large panel d’actions biologiques (anticoagulante, antimicrobienne, antiproliférative, antitumorale et immunomodulatrice). En effet, leurs interactions avec les cellules immunitaires provoquent des modifications cellulaires et moléculaires à l’origine d’une activation ou, à l’inverse, d’un contrôle du système immunitaire. Cependant, les mécanismes moléculaires précis, impliqués dans cette régulation, ne sont pas encore clairement élucidés.
L’objet de cette nouvelle étude de l’Inra a été, dans un premier temps, de confirmer les propriétés immunomodulatrices de ces molécules, puis de tenter de comprendre les mécanismes impliqués. Pour cela, des macro-algues vertes, Ulva armoricana, ont été collectées sur les côtes du nord de la Bretagne en juin 2013, pour en extraire leurs polysaccharides sulfatés.
Les premiers travaux menés ont permis de démontrer leur rôle de stimulation de la production, par les cellules épithéliales de l’intestin de porc, des molécules médiatrices de l’immunité telles que la chimiokine CCL20, l’interleukine 8 (IL-8) et le tumor necrosis factor-α (TNF-α). L’importance de ces médiateurs dans l’activation, le recrutement et la migration des cellules immunitaires lors d’infections de l’intestin était alors établi.
Puis, les mécanismes impliqués ont été étudiés. Les chercheurs ont alors pu mettre en évidence le fait que les voies de signalisation passent par l’activation du récepteur cellulaire intestinal toll-like receptor 4 (TLR4) et font intervenir la voie de signalisation PI3K/Akt, ainsi que le facteur de transcription NF-κB. L’ensemble de ces données prometteuses, obtenues in vitro, montre que ces polysaccharides pourraient être utilisés dans le développement de futures stratégies préventives destinées à améliorer la réponse immunitaire et la santé de l’hôte. C’est une voie qui peut être explorée afin d’augmenter la résistance des animaux aux infections et de réduire l’utilisation des antibiotiques dans les élevages, enjeu majeur de santé publique aujourd’hui.
Cependant, d’autres études seront encore nécessaires pour identifier les composants bioactifs, les mécanismes d’action et les effets biologiques in vivo et ex vivo de ces algues.
L’activité de ces polysaccharides sulfatés marins dans des conditions physiologiques, mais aussi lors d’infections et de processus inflammatoires, devra également être confirmée.
Par ailleurs, ces algues sont étudiées par l’industrie pharmaceutique pour leur usage potentiel dans le processus de délivrance des principes actifs des médicaments dans l’organisme. Les polysaccharides issus des algues ont ainsi été récemment employés pour la production de nano- et microparticules, et ce principalement grâce à leur nature ionique. En effet, les ligants pour le TLR4 (récepteur membranaire retrouvé sur les macrophages) peuvent être encapsulés dans des nanoparticules dégradables d’algues, afin d’être relargués sur ces cellules immunitaires cibles dans le cadre de stratégies vaccinales. De nouveaux travaux de recherche seront donc à prévoir prochainement afin de mieux explorer ces pistes.
•
1 Unité mixte de recherche (UMR) infectiologie et santé publique, Inra, université François-Rabelais, Nouzilly (Hauts-de-Seine).