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Auteur(s) : PIERRE DUFOUR
La santé connectée fait désormais l’objet d’un diplôme universitaire. Les premières rencontres universitaires interdisciplinaires dans ce domaine ont permis de présenter les enjeux de la nouvelle ère médicale qui s’annonce.
Le marché français de la e-santé représente trois milliards d’euros, soit 1,5 % du budget de la santé. Ce n’est que le début de l’histoire : en comparaison à d’autres pays, c’est peu, en dessous d’un facteur 2 à 4 », selon Elie Lobel, directeur général d’Orange Healthcare, ancien directeur du pôle des projets nationaux d’e-santé au sein de l’Agence des systèmes d’information partagés de santé (Asip). Il intervenait à l’occasion d’une formation proposée par l’université Paris-Diderot, dans le cadre du diplôme universitaire de santé connectée, le 12 avril. Le développement du numérique dans ce secteur est plus lent, car il est complexe, régulé, conservateur au vu des problématiques qui le concernent.
Les deux principaux enjeux sont l’amélioration de la prévention et de l’observance, grâce à de nouveaux outils, notamment d’aide à la décision, qui donnent de nouvelles opportunités et changent radicalement la façon de soigner. Le soignant devra faire la translation entre une recommandation statistique et le patient et ses capacités, croyances et tabous. « L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que 50 % du manque d’efficience des systèmes de santé sont dus à un manque d’observance, souligne Elie Lobel. En équipant les patients pendant trois mois d’objets connectés, et grâce à des outils d’analyse prédictive, il a été possible, avec une précision de 96 %, de mesurer la fréquence et l’intensité des poussées inflammatoires lors de polyarthrite rhumatoïde. » Ces dispositifs offrent aussi la possibilité d’anticiper et de prendre en charge plus précocement le patient, qui, impliqué, devient acteur de sa santé et plus observant.
Le numérique dispose de nombreuses applications en santé. L’intelligence artificielle permet l’analyse et le traitement des données médicales. « Demain, il sera possible de calculer la probabilité d’être malade, ce qui peut avoir un impact majeur sur le comportement des gens », selon Raja Chatila, directeur de l’Institut des systèmes intelligents et de robotique à la Sorbonne. En chirurgie, le robot Da Vinci entame la marche vers le “cockpit chirurgical”. Le chirurgien percevra ce qu’il ne voit pas grâce à la réalité augmentée. De nombreux autres exemples existent : consultation en ligne au moyen d’agents virtuels, assistance pour le vieillissement grâce à un déambulateur autonome, robots à domicile encourageant l’empathie, réadaptation grâce aux exosquelettes, membres bioniques et interfaces cerveau-machine, etc.
La santé profite du progrès des technologies. Cependant, comme le rappelle Jean-François Penciolelli, directeur du secteur public de Groupe français d’informatique (GFI), «
il demeure un problème de confiance vis-à-vis des avancées technologiques dans le domaine de la santé comme dans d’autres
». Les objets connectés sont et seront présents partout. Les données de santé sont sensibles, mais doivent être partagées. Pascale Sauvage, directrice du pilotage stratégique et des affaires internationales à l’Asip, assure les conditions nécessaires pour «
l’interopérabilité des systèmes sémantiques
» et la sécurité des données de santé, selon les directives européennes et les normes internationales. «
Toutes ces avancées, la vitesse des entreprises, de la commercialisation des dispositifs et de la diffusion de l’information, nécessitent une réflexion éthique, légale et sociétale, pour le développement de réglementations
», conclut Raja Chatila. Parmi les sujets dont il débat au Cerna, la Commission de réflexion sur l’éthique de la recherche en sciences et technologies du numérique d’Allistene (Alliance des sciences et technologies du numérique) : la protection de la vie privée, le biais de la récolte de données, leur influence sur l’intelligence artificielle comme sur les humains, la capacité d’expliquer les systèmes, la dignité humaine, les liens affectifs, la dépendance à la technologie, la transformation de l’être humain, la médecine sans médecin.
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