COMPORTEMENT
PRATIQUE CANINE
Auteur(s) : AURÉLIEN LÉOBON
Une évaluation globale, en particulier de l’appareil locomoteur, est nécessaire dans un contexte d’hypersensibilité acoustique chez un sujet âgé.
Les mécanismes physiopathologiques aboutissant à l’hypersensibilité acoustique ne sont pas encore tous connus. Les traductions cliniques de cette affection sont multiples et les recherches actuelles se concentrent sur les différents modes de traitement du son par le cerveau, afin d’adapter les stratégies thérapeutiques. Cliniquement, cette hypersensibilité acoustique se manifeste chez le chien par de la peur (fuite, polypnée, tremblements, destructions, automutilations, etc.), de l’anxiété et des états phobiques en lien avec des sons plus ou moins intenses. Même si ces comportements sont fréquemment rapportés par les propriétaires lors, par exemple, de feux d’artifice, rares sont ceux qui sollicitent le praticien pour la prise en charge de telles manifestations cliniques. Pourtant, les mentalités évoluent, particulièrement en ce qui concerne le bien-être animal, et de tels motifs de consultation ont tendance à augmenter, notamment dans les pays anglo-saxons.
Une étude1 a eu pour objectif de mettre en évidence une éventuelle association entre hypersensibilité acoustique et présence d’une douleur musculo-squelettique sous-jacente. Vingt cas ont été sélectionnés à l’université de Lincoln, au Royaume-Uni. Une hypersensibilité acoustique est observée dans le groupe témoin, sans cause sous-jacente identifiée, alors que, dans le groupe “symptomatique”, les dix chiens présentent des douleurs musculo-squelettiques associées. Ces problèmes regroupent la dysplasie coxo-fémorale (n = 5), des douleurs arthrosiques (n = 4) et une lésion de spondylose focale (n = 1). La moyenne d’âge est la même dans les deux groupes, mais le moment d’apparition de l’hypersensibilité est significativement plus tardif dans celui des animaux “symptomatiques”. Avant la consultation, quatre animaux de ce groupe et trois autres du groupe témoin sont sous traitement, sans résultat. La prise en charge des animaux du groupe témoin consiste en des conseils et en une prise en charge thérapeutique (imépitoïne, alprazolam, sélégiline ou clomipramine). Des anti-inflammatoires non stéroïdiens sont administrés aux dix chiens de l’autre groupe et huit reçoivent en plus un traitement à visée psychotrope (identique au groupe témoin). Selon les propriétaires, sept animaux du groupe témoin et huit du groupe “symptomatique” manifestent une résolution de l’hypersensibilité acoustique. Une amélioration est notée chez tous les autres, sauf chez un chien du groupe “symptomatique” ayant une dysplasie coxo-fémorale, qui présentait une hypersensibilité acoustique diagnostiquée à la puberté.
Cette étude est la première du genre et est riche d’enseignements. Il est certain que la taille de l’échantillonnage est une limite importante, mais le champ des possibles est désormais ouvert. Les mécanismes à l’origine de cette association sont obscurs, cependant, il semblerait que lorsqu’un bruit se produit, l’animal se tend. En lien avec un problème musculo-squelettique sous-jacent, une sensation de douleur est ressentie. À partir de cet instant, l’animal associe ce bruit en particulier à un événement algique à l’origine d’une appréhension lors des prochains épisodes. Par conséquent, une évaluation globale dans un contexte d’hypersensibilité acoustique est indispensable et semble être l’une des clés de la réussite de la prise en charge de ces animaux, notamment sur des sujets âgés. Cette étude, bien qu’imparfaite, rappelle, s’il en est besoin, que le recours aux agents psychotropes ne doit pas être la pierre angulaire de cette prise en charge. Une attention particulière devrait être prêtée aux sujets gériatriques en lien avec la prédominance d’affections musculo-squelettiques invalidantes.
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1 Fagundes A. L. L., Hewison L., Zulch H. et coll. Noise sensitivities in dogs : an exploration of signs in dogs with and without musculoskeletal pain using qualitative content analysis. Front. Vet. Sci. 2018;5:17.