CONFÉRENCE
PRATIQUE CANINE
Formation
Auteur(s) : GWENAËL OUTTERS
L’épilepsie est un ensemble de perturbations corticales qui se manifestent sous forme de crise. Celle-ci se déroule en plusieurs phases : prodromes (modification du comportement avant la crise : anxiété, hyper-attachement, isolement), aura (début de crise, animal conscient), ictus (état de mal) et post-ictus (période de troubles suivant l’état de mal pouvant durer de quelques secondes à plusieurs heures).
Le traitement de l’épilepsie idiopathique est symptomatique et s’appuie donc essentiellement sur les antiépileptiques. La forme structurelle ou secondaire est traitée en priorité selon son origine, avec ajout éventuel d’un antiépileptique1.
L’épilepsie est débilitante et évolutive : la succession de crises entraîne le recrutement de neurones, la création de foyers épileptiques secondaires et des lésions nerveuses permanentes. Le traitement médical ne guérit pas un épileptique : il est symptomatique et vise à contrôler les effets de la maladie. Les objectifs sont de limiter les effets locaux et systémiques des crises, d’améliorer la qualité de vie du chien et du propriétaire et de diminuer la comorbidité. La fixation d’un objectif à atteindre est délicat, puisque qualitatif, issu de l’observation clinique. L’utilisation de la fréquence des crises est discutable (la diminution de 50 % des crises n’a pas la même valeur lorsque le point de départ est une crise par mois ou 10 crises par jour). L’augmentation de l’intervalle inter-ictal d’un facteur 3 peut être un objectif satisfaisant. L’évolution est favorable s’il y a moins d’une crise par périodes de 6 mois. L’absence totale de crise n’est pas recherchée avec insistance chez l’animal, compte tenu des effets secondaires des traitements.
Le consensus est simple : démarrer précocement. Le traitement est initié immédiatement lors de status epilepticus, d’épisodes de crises groupées, de post-ictus avec comportement gênant (agressivité, par exemple) et de toute augmentation de la fréquence des crises. De même, le traitement est initié précocement chez les races prédisposées, les brachycéphales (risque de développer une hypoxie et une hyperthermie) et les races à pelage épais (hyperthermie). Les demi-vies des molécules étant longues, il est parfois difficile d’attendre l’état stationnaire, c’est pourquoi une dose de charge peut être envisagée lors de status epilepticus ou de crises rapprochées.
Les arguments de choix de la molécule sont réglementaires (autorisation de mise sur le marché [AMM] vétérinaire, respect de la cascade), individuels et financiers. La compliance est nécessaire et le traitement ne peut être initié sans que le propriétaire ne soit parfaitement convaincu de son intérêt.
Le traitement est individualisé : les informations données ici ne sont qu’un fil conducteur à adapter à chaque cas. La monothérapie est préférée, mais la bithérapie est privilégiée d’emblée sur les races réputées difficiles à traiter ou si des troubles sur d’autres membres de la fratrie ont été difficilement contrôlables.
Tous les antiépileptiques utilisés en médecine vétérinaire agissent sur la voie gabaergique inhibitrice.
Le phénobarbital est indiqué dans toutes les présentations phénotypiques. Ses effets secondaires ou toxiques sont marqués, fortement dépendants de la dose et de la durée du traitement. Il est contre-indiqué chez l’insuffisant hépatique (induction enzymatique). L’efficacité est évaluée au bout de 2 à 3 semaines par contrôle clinique et dosage sanguin. Si les objectifs cliniques sont atteints alors que la phénobarbitalémie est en deçà de la fenêtre thérapeutique, il convient de continuer le traitement ainsi. Si les objectifs ne sont pas remplis, la dose doit être augmentée (selon la formule : dose actuelle x concentration souhaitée/concentration mesurée). Si le seuil toxique est atteint, le chien est réfractaire et une autre molécule est ajoutée (pas de substitution dans un premier temps). Si les objectifs sont obtenus et que la phénobarbitalémie est dans la fenêtre thérapeutique, les contrôles se réalisent au bout de 3, 6 et 12 mois, puis tous les 6 mois. La diminution de la dose ne peut s’envisager qu’au bout de 1 à 2 ans de stabilisation. Si la dose toxique est atteinte, la diminution de la dose se fait par palier de 20 à 30 % en respectant la demi-vie.
L’imépitoïne est un agoniste partiel de faible affinité aux récepteurs des benzodiazépines et au faible effet sur les canaux calciques. Elle franchit la barrière hémato-méningée. Sa demi-vie est courte et sa liaison aux récepteurs est plus longue, ce qui fait que le dosage sanguin n’a aucun intérêt dans le suivi du traitement. L’utilisation des benzodiazépines de façon concomitante (en cas de status epilepticus) est possible. Bien qu’éliminée par voie hépatique, elle ne présente pas de contre-indication lors d’insuffisance hépatique. Les effets secondaires sont limités et généralement peu graves. Une numération et formule sanguines et une biochimie sont pratiquées tous les 6 à 12 mois.
Le bromure est utilisé en mono- ou bithérapie, sans qu’aucune ligne générale ne puisse être donnée. Prescrit historiquement en bithérapie, les études montrent une moindre efficacité en monothérapie. Il convient de privilégier son utilisation en bi- ou polythérapie ; cependant, il peut être intéressant de l’employer en monothérapie dans certains troubles à la frontière de l’épilepsie et des troubles comportementaux (comme le spinning du bull-terrier). Chez le chat, il provoque des bronchites asthmatiques dans plus de 40 % des cas et doit ainsi être évité. Son intolérance gastrique est contournée en scindant la dose en deux prises quotidiennes en début de traitement. Sa résorption tubulaire active est en compétition avec le chlore. Il convient donc de veiller à ne pas changer la teneur en chlore du régime alimentaire pendant la durée du traitement, sous peine de variation de la concentration sanguine en bromure. Les effets secondaires sont relativement limités (pancréatite en association avec le phénobarbital). Sa demi-vie est longue, le dosage sanguin ne doit être pratiqué qu’au bout de 3 à 4 mois. En deçà de 2 g/l, la dose est réajustée. Lors de bithérapie, la nouvelle dose (en mg/kg/j) se calcule selon la formule : 2 000 - concentration mesurée x 0,02. Lors de bithérapie, la formule précédente s’applique en remplaçant 2 000 par 2 500.
Contrôle
Le traitement doit être suivi régulièrement, sans changement de dose et sans arrêt brutal. Les contrôles, clinique et biologique, sont rigoureux quel que soit l’antiépileptique utilisé et consistent en la réalisation d’une numération et formule sanguines, d’une biochimie (suffisant pour l’imépitoïne), d’une exploration hépatique, d’un bilan lipidique et d’un dosage sanguin du principe actif.
Changement de molécule
Une substitution est envisageable en cas de toxicité manifeste : le second médicament est administré à la dose supposée thérapeutique et le premier est diminué jusqu’au sevrage, en fonction de sa demi-vie, par palier.
Ajout de molécule
La bithérapie est envisagée lorsque les objectifs ne sont pas réalisés et que la dose maximale est atteinte en monothérapie (définie par la tolérance, la toxicité ou l’AMM). Sauf cas particulier, il est primordial de toujours privilégier l’association à la substitution. La bithérapie historique consiste en l’association phénobarbital-bromure. Des études sur les associations imépitoïne-phénobarbital et imépitoïne-bromure semblent prometteuses.
La polythérapie est mise en œuvre lorsque l’objectif de la bithérapie n’est pas atteint (environ 20 % des chiens dans certaines races). Elle peut être transitoire, lors de contre-indication, à une dose de charge (animaux fortement débilités), d’intolérance ou de toxicité en bithérapie. Le lévétiracetam, antiépileptique d’action rapide, est alors privilégié.
Les traitements adjuvants ne doivent pas être oubliés : thérapie comportementale, alimentation et mode de vie.
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1 Les causes extracrâniennes de crises convulsives sont désormais classées dans les maladies métaboliques.