DOSSIER
Conseiller un aliment “pour chat stérilisé”, “à visée urinaire”, “au poulet”, devoir se défendre de la présence de sous-produits animaux… Les vétérinaires ne vendent pas des croquettes, mais un paquet, avec les mentions, légales ou marketing, y figurant. Dans la jungle des allégations et des termes légaux, comment mieux s’y retrouver ?
Entre les “barfeurs”, les membres des groupes Facebook sur les croquettes toxiques, ceux qui ont vu les reportages télévisés, aujourd’hui les questions suspicieuses concernant la composition des croquettes ne manquent pas. Et souvent ce n’est pas ce qui est écrit sur les paquets qui suffit à rassurer. Alors que se cache-t-il vraiment derrière ces termes barbares ?
La notion de sous-produit est définie par l’Europe via des règlements et des directives. Par opposition au produit final qui est commercialisé (par exemple, de l’huile), le sous-produit est ce qui est obtenu dans le processus de transformation (dans notre exemple, le tourteau). Son obtention est prévisible et il peut être commercialisé sans transformation particulière. Dans le cas des produits animaux, il désigne une matière d’origine animale non destinée à la consommation humaine. Par exemple, un foie de porc peut être à la fois un produit final, s’il est destiné à être mis sur le marché de l’alimentation humaine, ou un sous-produit, s’il est destiné au pet food. Un sous-produit, c’est aussi l’estomac de porc disponible pour le pet food en automne et en hiver (moindre fabrication d’andouillette en cette saison pour le barbecue !) ou encore le cœur, les rognons, les filets inférieurs du poisson ou les cous de volaille, qui sont des morceaux de moins en moins consommés. Tous ces morceaux peuvent être utilisés, frais ou congelés, pour l’alimentation humide, mais aussi sous forme de protéines animales transformées (farines) pour l’alimentation sèche. À l’international la notion de sous-produit est différente. « Lorsque je suis allé en Chine visiter les abattoirs, j’ai été très étonné de ne pas voir de section consacrée aux sous-produits. Lorsque je leur ai posé la question, les fournisseurs ne l’ont même pas comprise, ils m’ont demandé si je parlais des plumes ! Pour eux, la notion de sous-produit de volaille n’existe pas, car ils mangent tout. Les viscères, les têtes, les pattes, qui seraient des sous-produits chez nous, sont des produits destinés à la consommation humaine chez eux », témoigne Yves Bodet, délégué général de la Fédération des fabricants d’aliments pour chiens, chats, oiseaux et autres animaux familiers (Facco) et ancien acheteur de sous-produit pour le pet food. La définition des sous-produits peut aussi poser des problèmes lors du passage des frontières : un produit ne sera pas taxé de la même façon s’il est importé à destination de la consommation humaine ou du pet food. Yves Bodet poursuit en se remémorant avoir dû se débattre avec des douaniers qui trouvaient des foies de volailles importés du Brésil pour le pet food trop beaux et voulaient les taxer comme s’ils étaient destinés à la consommation humaine ! En dehors de ces considérations réglementaires, les sous-produits animaux peuvent poser des problèmes sanitaires, ils sont classés par catégorie (encadré ci-contre).
La question qu’un client posera au vétérinaire ne sera pas si ce qu’il mange sous forme d’andouillette l’été se retrouve dans les boîtes de son chat l’hiver, mais bien s’il est vrai qu’il y a des sabots, de la laine, des plumes, de la peau et autres joyeusetés dans les croquettes vendues par le praticien. Commençons par le plus simple, pour la laine et les sabots, c’est clairement non. En revanche, les soies de porc et les plumes sont utilisées sous forme hydrolysée pour apporter des acides aminés soufrés comme la cystéine (souvent sans dépasser 5 % de la formule). Les sous-produits de volaille ou de porc peuvent comporter leurs peaux, les pieds de porcs leurs os (en même temps, la peau de volaille ou le pied de porc sont des aliments comestibles pour l’homme). En ces temps de méfiance généralisée, la question est la suivante : des industriels peu scrupuleux pourraient-ils utiliser uniquement ces sous-produits à bas coût pour fabriquer une croquette ? Légalement oui, sauf s’ils veulent utiliser une allégation comme “au poulet”, auquel cas 15 % minimum du poulet incorporé doit être du tissu viandeux ou des abats. Mais une telle croquette composée de morceaux nutritionnellement peu intéressants serait de bien piètre qualité avec une faible digestibilité, un taux de cendre élevé, un taux de protéine faible et donc un aliment très bas de gamme à très bas prix. Géraldine Blanchard, spécialiste européenne en nutrition, rappelle le bon sens : « On en a toujours pour son argent, parfois moins, jamais plus ». Des croquettes à 50 centimes le kilo doivent amener à se poser la question des matières première utilisées. Mais même lorsqu’on se tourne vers le “premium”, peut-on faire confiance au packaging qui promet monts et merveilles ?
Certaines allégations (encadré page 44) sont très encadrées par la réglementation, notamment “sous contrôle vétérinaire” (avec le Code de déontologie), “naturel” ou “biologique”. Quelques-unes doivent répondre à des spécificités nutritionnelles (minima et maxima), encadrées par la Fédération européenne de l’industrie des aliments pour animaux familiers (Fediaf) : “alimentation pour tout stade de vie”, qui doit correspondre aux stades junior, grandes et petites races, “alimentation pour chiot/femelle en gestation/allaitement”, “alimentation pour chiot de grande race”, “alimentation pour chien adulte” ou les “parnuts” (encadré page 46)… D’autres allégations comme “stérilisé”, “senior”, “petit/grand chien”, “spécial race à la mode” et “spécial chien sensible” ne sont pas encadrées au niveau nutritionnel. Elles relèvent de la seule responsabilité du fabricant et doivent être « objectives, vérifiables et compréhensibles » (R.767/2009, article 13). Les produits doivent répondre à des modifications par rapport aux autres produits de la même marque ou à une même logique par rapport à un produit existant du même type. Ces allégations relèvent donc plus d’une classification marketing des produits au sein d’une gamme que d’une garantie d’adéquation nutritionnelle aux caractéristiques mentionnées. Cependant, même concernant les allégations réglementées, des dérives existent.
Une enquête (mentions d’étiquetage sur les aliments pour chien et chat) de la Direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) en 2016 avait montré que, dans un quart des échantillons contrôlés, des anomalies d’étiquetage et de composition étaient présentes : dénominations de matières premières, principalement d’origine animale, non conformes à la réglementation ou erreurs dans l’ordre des matières premières (qui doivent être mentionnées en ordre décroissant). 39 % des prélèvements réalisés avaient été déclarés non conformes aux teneurs garanties indiquées sur l’étiquette, l’administration pointait alors l’insuffisance des autocontrôles réalisés par les industriels. En effet, les grands distributeurs qui ne possèdent pas de capacité de production intégrée sous-traitent souvent la fabrication de leur produit à des usines plus ou moins scrupuleuses. Certaines allégations contrôlées par la DGCCRF étaient mensongères ou abusives, comme celles mettant en avant un ingrédient sans que son pourcentage pondéral ne soit indiqué. La mention “et légumes ajoutés” avait été retrouvée sur des produits contenant moins de 4 % de légumes. Il avait aussi été noté un emploi abusif de l’estampille “élaboré sous contrôle vétérinaire”, ainsi qu’une confusion entre la fabrication et le reconditionnement en France. Le qualificatif “vrai morceaux de viande” avait été utilisé pour qualifier des morceaux reconstitués à base de viande hachée et la mention “légumes du jardin” avait (étonnamment) été retrouvée mensongère. La palme revenait peut-être au biscuit “au bœuf”, qui ne contenait que des dérivés de produits sanguins sans aucun tissu viandeux, alors qu’il suffit de 4 % de bœuf pour mériter cette appellation. La DGCCRF, que nous avions contactée à l’époque, résumait alors : «
Comme pour tout produit, on peut normalement se fier aux étiquettes, sauf en cas d’anomalie. » En effet, si personne ne fraudait tout irait bien. Que faire alors ? S’informer, connaître la réglementation et pointer du doigt les manquements des industriels. Pousser les clients et clientes à ne pas se fier au marketing et à demander des preuves aux entreprises qu’ils ou elles enrichissent. Ce ne sont pas les 11 avertissements, neuf injonctions et l’unique procès-verbal rédigé par la DGCCRF qui vont faire bouger les choses. En revanche, des consommateurs et consommatrices informés et exigeant de la transparence devraient pouvoir faire bouger les lignes… des étiquettes !
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CLASSIFICATION DES SOUS-PRODUITS ANIMAUX
QUELQUES DÉFINITIONS
LES ALIMENTS À OBJECTIF NUTRITIONNEL PARTICULIER OU “PARNUTS”
PROTÉINES OU VIANDES ?