PROFESSION
PRATIQUE MIXTE
L'ACTU
Auteur(s) : TANIT HALFON
Bien-être animal, médecines complémentaires et révolution numérique : trois sujets d’actualité brûlants pour le vétérinaire rural, qui ont été présentés du 16 au 18 mai derniers, lors de l’édition 2018 des journées nationales des groupements techniques vétérinaires.
Comme chaque année, la Société nationale des groupements techniques vétérinaires a donné rendez-vous aux vétérinaires ruraux pour son congrès annuel, qui s’est déroulé du mercredi 16 au vendredi 18 mai à Nantes (Loire-Atlantique). Cette année, ils étaient environ 400 vétérinaires et 190 étudiants à s’être déplacés. L’édition 2018 s’est ainsi focalisée sur « les actualités thérapeutiques : consensus et nouveaux enjeux ». Plusieurs sujets d’actualité ont aussi fait l’objet de conférences ou d’ateliers : le bien-être animal (encadré page 30), les médecines complémentaires (voir page 31), la révolution digitale, mais aussi le projet de règlement européen sur les médicaments vétérinaires. Des sujets d’intérêt pour le praticien.
À l’instar des agronautes (ou agriculteurs connectés), parle-t-on déjà des vétonautes ? Pas vraiment, d’après les présentations dédiées à la révolution numérique du jeudi 17 mai. « La profession vétérinaire doit prendre conscience de l’importance du sujet et de son impact stratégique sur toutes ses activités », ont d’ailleurs conclu les deux premiers intervenants de cette journée, Grégory Santaner, vétérinaire fondateur de VetoNetwork, société de conseils numériques en santé animale, et Jean-Luc Chambrin, fondateur de Skwazel et directeur commercial chez Synthèse élevage, et tous les deux membres cofondateurs du think tank Vet in tech. Face à des éleveurs qui se sont déjà emparés des outils numériques utiles pour leur pratique, le praticien peut apparaître quelque peu dépassé, voire déconnecté. Alors même que la transformation numérique est bel et bien désormais au cœur de nos sociétés. En janvier 2018, on estimait que 91 % des Français se rendaient tous les jours sur Internet à des fins personnelles, et que 38 millions d’entre eux étaient inscrits sur au moins un réseau social, Facebook étant le plus utilisé.
Les agriculteurs suivent de près les évolutions technologiques. D’abord avec le Minitel®. Mise en place au début des années 1980, cette technologie s’appuyait sur une offre de services comme la consultation de la météo, des marchés ou encore le calcul de ration. Mais avec son arrêt et l’arrivée d’Internet, ces utilisateurs passent rapidement d’“hyper-geek” à “hyper has-been”. Pourtant, rapidement, de 2015 à 2017, les agriculteurs entament leur deuxième révolution numérique, fondée sur les services, les achats en ligne… et la communication ! « 81 % des agriculteurs vont au moins une fois par jour sur Internet, avec 72 % d’entre eux qui consultent la météo professionnelle agricole au moins une fois par semaine, a souligné Jean-Luc Chambrin. 59 % réalisent au moins un achat en ligne. 42 % utilisent les réseaux sociaux pour des raisons professionnelles. » Et 13 % sont considérés comme « les influenceurs de demain ». Ne dit-on pas “Jamais deux sans trois” ? « La troisième révolution, ce sont les objets connectés, comme les robots de traite et les outils de monitoring des bâtiments », a poursuivi Jean-Luc Chambrin. Avec la vache comme grande championne de la connexion. Tout va très vite chez les éleveurs. D’ailleurs, lors de sa présentation, Hervé Basset, responsable digital chez MSD Santé animale, a parlé de changement de paradigme, avec des éleveurs qui deviennent de nouveaux producteurs de données depuis quelques années, bien avant les vétérinaires.
Dans cette révolution numérique, «
où sont les vétérinaires
?
» Face à des éleveurs hyperconnectés, la question, posée par Hervé Basset, est la bienvenue. «
Début 2018, on estimait que 60
% des vétérinaires disposaient d’un site internet et 30
% d’une page Facebook
», a-t-il précisé. Un progrès, même si les praticiens restent sous la moyenne européenne et sous la moyenne des entreprises françaises. Ce retard serait-il lié à une certaine appréhension de la part des vétérinaires ? Comme l’a souligné Hervé Basset, près d’un vétérinaire libéral sur quatre redoute d’être concurrencé par une intelligence artificielle et par la robotique, d’ici quelques années. Malgré tout, Grégory Santaner et Jean-Luc Chambrin ont bien souligné que posséder des objets connectés ne signifie pas savoir s’en servir. «
Le vétérinaire rural peut trouver sa place en accompagnant les éleveurs dans l’usage de ces dispositifs.
» Hervé Basset, quant à lui, s’est montré très optimiste, en repoussant tout risque de fossé technologique entre les vétérinaires et leurs clients : «
Depuis 2016, on note une vraie évolution dans l’attitude des praticiens, avec un nombre de réfractaires au digital qui est passé sous la barre des 10
% en 2017.
» Pour lui, la digitalisation est «
une opportunité pour créer de la proximité
», et «
valoriser son expertise
», avec des outils numériques qui permettront d’aller vers la prescription de solutions santé personnalisées et d’améliorer la prévention via la captation de données.
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GUILLAUME THOMAS-GUINGAND, PRATICIEN EN BOVIN ALLAITANT À CRESSANGES (ALLIER) :
Guillaume Thomas-Guingand, praticien en bovin allaitant à Cressanges (Allier) :ARNAUD DEBRADE, PRATICIEN EN BOVIN ALLAITANT À BELLENAVES (ALLIER) :
Arnaud Debrade, praticien en bovin allaitant à Bellenaves (Allier) :MATHILDE CHEVALIER, PRATICIENNE EN BOVIN LAITIER À BESSE-ET-SAINT-ANASTAISE (PUY-DE-DÔME) :
Mathilde Chevalier, praticienne en bovin laitier à Besse-et-Saint-Anastaise (Puy-de-Dôme) :VIVIEN LANDRIN, PRATICIEN EN BOVIN ALLAITANT À SAULIEN (CÔTE-D’OR)
Vivien Landrin, praticien en bovin allaitant à Saulien (Côte-d’Or)DOMINIQUE WALEFFE, PRATICIEN EN BOVIN LAITIER AU TEILLEUL (MANCHE) :
Dominique Waleffe, praticien en bovin laitier au Teilleul (Manche) :LE POINT DE VUE DE CHRISTOPHE BRARD
« LE VÉTÉRINAIRE A UNE POSITION TECHNIQUE À AVOIR SUR LE SUJET DE LA MÉDECINE À BASE DE PLANTES »
« Le vétérinaire a une position technique à avoir sur le sujet de la médecine à base de plantes »UN ATELIER “BIEN-ÊTRE ANIMAL” TOUJOURS AUTANT PLÉBISCITÉ
LE VÉTÉRINAIRE,
UN ACTEUR MAJEUR
Les vétérinaires ont toute leur place à prendre dans ces évolutions. L’État sollicite déjà leur participation dans le cadre des cellules départementales opérationnelles, mais aussi pour les mesures d’abattage et de transport d’urgence, nous a ainsi indiqué François Courouble (A 81). Et au quotidien, la prise en compte du bien-être animal devient une nécessité pour le vétérinaire praticien.LE BOOM DES MÉDECINES COMPLÉMENTAIRES
DES MÉDECINES AVANT TOUT COMPLÉMENTAIRES
Les médecines complémentaires sont un sujet d’actualité dont la profession vétérinaire doit s’emparer. Il s’agit de ne pas se laisser dépasser par d’autres sur ce terrain déjà bien occupé par les éleveurs. Fort de son expertise, le vétérinaire pourra répondre aux besoins de l’éleveur tout en lui apportant une valeur ajoutée. À noter que pour les conférenciers, ces thérapies “de fond” ne peuvent se substituer à la médecine d’urgence. Selon eux, il existe un fort potentiel de complémentarité entre ces différentes approches, chacune présentant des particularités. Pour Loïc Guiouillier, vétérinaire homéopathe, membre de la commission médicament et du groupe de travail (devenu commission) médecines complémentaires de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV), le praticien doit pouvoir “jongler” entre ces différentes médecines dans l’intérêt de l’animal. La réglementation actuelle n’offre cependant pas de perspectives rassurantes.MAIS DES MÉDECINES DANS LE FLOU RÉGLEMENTAIRE
Aujourd’hui, l’absence d’un cadre réglementaire adapté sur le statut des médicaments à base de plantes cristallise le débat. Les spécialités à base de plantes sont en effet souvent classées comme aliments complémentaires sans allégation thérapeutique. Concernant l’aromathérapie, seule une cinquantaine de produits à base de plantes est autorisée, dont 21 huiles essentielles. La profession a-t-elle tardé à s’emparer de ces questions ? Certains vétérinaires dans l’assemblée répondent par l’affirmative. Les conférenciers s’accordent à dire que la profession doit se mobiliser afin que ce sujet soit porté par les autorités compétentes. Pour Olivier Fortineau (SNGTV), le praticien doit investir le champ des médecines complémentaires. Du côté de l’industrie, Arnaud Deleu, du Syndicat de l’industrie du médicament et réactif vétérinaires (SIMV), insiste sur la nécessité d’accompagner les laboratoires afin que de nouveaux produits soient mis sur le marché. Le second plan ÉcoAntibio est par ailleurs présenté comme une opportunité de faire évoluer le cadre réglementaire. Pour Jean-Pierre Orand, directeur de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV), la question doit nécessairement être tranchée au niveau européen : « Nous essayons au maximum de faire évoluer le cadre réglementaire. Mais nous peinons à sensibiliser la Commission européenne sur ce sujet. » Le débat avance lentement, mais sûrement. Dans le cadre des discussions sur le projet de règlement européen sur les médicaments vétérinaires, la France a obtenu qu’une réflexion soit lancée dans six ans sur le statut de ces produits. Dans l’intervalle, le vétérinaire devra composer avec une réglementation à la traîne.MATHILDE BOURACHOT, PRATICIENNE RURALE AU DONJON (ALLIER) :
Mathilde Bourachot, praticienne rurale au Donjon (Allier) :CHLOÉ MISSLIN, PRATICIENNE MIXTE À FRASNE (DOUBS) :
Chloé Misslin, praticienne mixte à Frasne (Doubs) :FLORINE SAVOYET, ÉTUDIANTE VÉTÉRINAIRE À VETAGRO SUP (RHÔNE) :
Florine Savoyet, étudiante vétérinaire à VetAgro Sup (Rhône) :