ANALYSE
PRATIQUE MIXTE
Formation
Auteur(s) : LORENZA RICHARD
La désaffection du territoire rural par les vétérinaires rend difficile leur mobilisation par l’Administration pour la réalisation de missions relatives à la santé publique vétérinaire. Devant ce constat, une étude1, présentée lors des journées de restitution des groupes d’études de politiques publiques (GEPP) 2017/20182, le 22 mars 2018 à l’École nationale des services vétérinaires à Marcy-l’Étoile (Rhône), propose des recommandations pour motiver les vétérinaires à assurer les missions relatives à l’habilitation et au mandat sanitaire.
L’étude, qui a consisté en des entretiens avec des acteurs du sanitaire, dont des vétérinaires, montre notamment que l’exercice rural n’attire pas en raison de nouvelles attentes comme, par exemple, l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, et la vie en ville qui assure au conjoint de trouver un emploi. Les stages de découverte du milieu des animaux d’élevage destinés aux étudiants sont essentiels, mais souvent insuffisants pour faire naître des vocations.
De plus, malgré la faible part des prophylaxies dans leur chiffre d’affaires, les vétérinaires continuent d’assurer leur rôle dans la lutte contre des maladies. Leur sensibilité pour les enjeux de santé publique est particulièrement forte. En revanche, ils ont plus de mal à s’impliquer dans la lutte contre des maladies qualifiées de « commerciales » 3, dont les enjeux sont plus complexes à expliquer aux éleveurs. Ils déplorent également le manque de communication avec l’Administration et des relations qui manquent de transparence. Le schéma de la gouvernance sanitaire territoriale n’est pas encore totalement opérationnel à l’échelle régionale et ne paraît pas clair aux praticiens, qui s’interrogent sur la pertinence des choix de lutte contre les dangers sanitaires. Ils considèrent que leur travail n’est pas assez reconnu et qu’ils ne sont pas assez sollicités dans les prises de décision politiques. Il leur semble que les décideurs privilégient les enjeux économiques et commerciaux, alors que, pour eux, les enjeux de santé animale et de santé publique sont prioritaires. Enfin, le vétérinaire se trouve dans un positionnement inconfortable et ambigu vis-à-vis des éleveurs chez qui il exerce comme praticien lorsqu’il intervient en tant qu’agent de l’État.
Ainsi, afin de conserver un bon maillage territorial, des recommandations émanant des entretiens avec les acteurs du sanitaire rencontrés sont proposées par cette étude. Les vétérinaires devraient être motivés à exercer leurs missions de service public, en n’étant plus de simples exécutants mais en devenant des acteurs davantage engagés dans la gouvernance sanitaire territoriale, notamment par le biais des organismes vétérinaires à vocation technique (OVVT). Certaines missions confiées pourraient être mieux rémunérées et mieux reconnues par l’Administration, et se diversifier (surveillance des zoonoses ou préservation de l’environnement, par exemple). Il est proposé d’améliorer la lisibilité des décomptes et les délais des paiements, ainsi que d’étudier la faisabilité d’une forme de rémunération pour la surveillance événementielle. Des initiatives locales pourraient être encouragées, afin d’adapter la gouvernance sanitaire aux contraintes de terrain et de veiller à l’installation et au maintien des structures vétérinaires en milieu rural.
De plus, la communication avec l’Administration mériterait d’être améliorée, par exemple, via un portail informatique dédié et des rencontres régulières. Les agents des directions départementales en charge de la protection des populations devraient davantage venir en soutien aux vétérinaires, notamment en cas de suspicion de maladies réglementées (interprétation de tests diagnostiques, notamment). Enfin, la formation continue des vétérinaires sanitaires pourrait être adaptée et le système de tutorat encouragé, en renforçant le lien entre médecine des animaux de rente et santé publique vétérinaire.
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1 Baldacchino F., Lauriau F., Marcoccio M. et coll. Les vétérinaires praticiens : les “bons petits soldats” du sanitaire ? Travail encadré par Christel Bosc (VetAgro Sup). Rapport du GEPP. Mars 2018.
2 Les GEPP du master Pagers sont composés d’inspecteurs en santé publique vétérinaire (ISPV), élèves et stagiaires, et d’étudiants de Sciences Po Lyon, et font partie intégrante de la formation statutaire des ISPV.
3 La lutte contre ces maladies a essentiellement une finalité économique de soutien à l’exportation.