PAC
PRATIQUE MIXTE
L'ACTU
Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE
La Commission européenne a présenté, le 1 er juin, ses propositions financières pour la politique agricole commune (PAC) pour la période 2021-2028. Cette annonce a provoqué de vives critiques de la part de plusieurs pays de l’UE, dont la France.
Tous les sept ans, l’Union européenne (UE) adopte un nouveau cadre budgétaire. Cette restructuration financière est l’occasion de redéfinir les priorités et d’ajuster les grandes politiques communautaires pour les années à venir, au premier rang desquelles la politique agricole commune (PAC).
Face à un monde en évolution permanente et à de nouveaux défis pour les agriculteurs et pour notre société dans son ensemble (changements climatiques, volatilité des prix ou encore Brexit), la nouvelle PAC (2021-2028) s’apprête à être simplifiée, afin que les pays membres de l’UE puissent ensuite chacun, selon leurs besoins, fixer eux-mêmes leurs propres stratégies et actions sur le terrain.
Pour mettre en place cette nouvelle politique, la Commission européenne a proposé un budget prévisionnel réduit de 5 % par rapport au précédent. En effet, selon Phil Hogan, commissaire européen, cette restriction est nécessaire car, avec le Brexit, le budget PAC se fera à 27 États membres, et non plus à 28. De plus, de nouvelles priorités européennes, comme la défense, l’immigration et le numérique sont privilégiées dans le futur budget total de l’UE. Au final, 365 milliards d’euros devraient être versés aux agriculteurs, contre un peu plus de 400 milliards d’euros sur la période précédente (2014-2020). Même s’il s’agit toujours du principal budget de l’UE, cela représente une baisse significative.
Le nouveau montant annoncé devrait permettre de rééquilibrer les aides au profit notamment des petites et moyennes exploitations, qui recevront plus de subventions par hectare de terrain. Par ailleurs, les aides directes devraient être dégressives (à partir de 60 000 € et plafonnées à 100 000 €) et un minimum de 2 % de ces aides seront destinées aux jeunes agriculteurs. « C’est ce modèle-là que veut défendre désormais l’Europe », a affirmé Phil Hogan, le 1er juin.
La France est actuellement le premier pays bénéficiaire de la PAC. Dans ce prévisionnel, elle devrait toucher un peu plus de 62 milliards d’euros sur la période 2021-2027, ce qui représente environ 9 milliards d’euros par an, dont un peu plus de 7 milliards d’euros d’aides directes. Face à cette baisse de 3,9 %, le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Stéphane Travers a d’emblée annoncé que la France ne pouvait accepter une telle proposition. Il a rappelé l’objectif du gouvernement, annoncé en décembre 2017, de « doter la PAC d’un budget suffisamment ambitieux pour répondre aux défis qui sont les nôtres pour l’agriculture de demain ». Par conséquent, cette baisse « drastique, massive et aveugle », comporterait un risque sans précédent sur la viabilité des exploitations en impactant dangereusement les revenus des agriculteurs pour qui les aides directes constituent un filet de sécurité essentiel. Même si la ligne directrice du gouvernement français, vers une modernisation et une simplification de la PAC, est similaire à celle de la nouvelle politique, le nouveau budget alloué au gouvernement français ne semble pas assez conséquent pour répondre aux autres grands enjeux de demain que sont la protection des agriculteurs face aux aléas climatiques et à la volatilité des marchés mondiaux, le développement des entreprises agricoles et agroalimentaires et l’accompagnement de la transition environnementale. « Le gouvernement est totalement mobilisé sur ces questions et nous ne relâcherons pas nos efforts », a ainsi conclu Stéphane Travert.
Et la France n’est pas la seule à adopter cette position au sein de l’UE. Les ministres de l’Agriculture de l’Espagne, de la France, de l’Irlande et du Portugal, accompagnés de représentants de la Finlande et de la Grèce, ont ainsi présenté, le 31 mai dernier, une déclaration conjointe, sollicitant la hausse de la proposition de budget pour la PAC au cours de la période 2021-2027, afin qu’il conserve son niveau actuel. Ils ont souligné l’impact négatif de cette réduction budgétaire sur les revenus des agriculteurs si elle était approuvée, et demandé que le budget de la PAC soit maintenu. Selon eux, cette dernière contribue à faire de l’UE l’une des principales puissances agricoles du monde, ce qui ne serait dès lors plus le cas. En effet, elle permet de garantir la sécurité alimentaire avec des produits bénéficiant des meilleurs standards de qualité, sanitaires et environnementaux, et elle contribue au développement de tous les territoires ruraux européens, ainsi qu’à la limitation des effets de la volatilité des prix sans perdre son orientation nécessaire vers les marchés. Dans cette déclaration conjointe, les états membres signataires insistent également sur les nouveaux défis auxquels doit faire face l’agriculture (santé, environnement, changement climatique et protection de la biodiversité) pour s’adapter aux nouvelles attentes de la société, et sur le rôle clé de la PAC pour relever ces défis, en soutenant la transformation des modèles et des pratiques agricoles et en favorisant la compétitivité des exploitations.
Cet accord a été une nouvelle fois mis en avant par les ministres et les représentants des six États membres à l’occasion d’un conseil informel à Sofia (Bulgarie), le 5 juin. À cette occasion, ils ont signalé aux autres pays de l’UE la possibilité d’y adhérer avant sa présentation officielle lors de la session du conseil des ministres de l’Agriculture de l’UE prévue le 18 juin à Luxembourg. Le temps est donc venu pour les 27 États membres et les différentes institutions de l’UE de s’accorder pour faire entendre leur voix et de parvenir à un compromis équilibré et ambitieux.
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PLANNING PRÉVISIONNEL : ÉTAPES DE L’ADOPTION DE LA FUTURE PAC 2021-2027