DÉCRYPTAGE
Auteur(s) : JEAN-PIERRE KIEFFER
À la rupture du contrat de travail, l’employeur doit remettre au salarié divers documents, dont un reçu pour solde de tout compte. Il convient de porter une attention particulière à sa rédaction, notamment à la suite de récentes jurisprudences.
L’employeur doit établir le solde de tout compte à l’occasion de la rupture du contrat de travail, quelle qu’en soit la cause, y compris en cas de départ à la retraite ou de démission. Il doit être remis selon les cas suivants :
- rupture avec préavis : le reçu pour solde de tout compte est remis au salarié, en main propre ou par une lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR), à la date de fin du contrat de travail, c’est-à-dire après l’exécution du préavis ;
- rupture sans préavis : remis dès la notification de la rupture (exemple : licenciement pour faute grave) ;
- rupture avec dispense de préavis : remis à la fin de la durée du préavis ou dès le départ du salarié ;
- rupture conventionnelle : au lendemain de l’homologation, sauf si le salarié et l’employeur ont convenu d’une date ultérieure.
Si le salarié engage une procédure pour non-remise ou remise tardive, il ne pourra obtenir des dommages-intérêts que s’il prouve le préjudice subi (Cour de cassation chambre sociale du 13 avril 2016).
Le solde de tout compte doit faire l’inventaire de l’ensemble des sommes versées au salarié (par chèque ou par virement) à l’occasion de la rupture du contrat. Il convient de mentionner le détail de tous les montants dus (salaire, primes, indemnité de congés payés, de rupture du contrat, etc.) et non pas la somme globale sans détail, sinon le solde de tout compte n’aura pas d’effet libératoire (Cass. soc. du 14 février 2018). Le document doit être daté.
Le reçu pour solde de tout compte est établi sur papier libre, il doit mentionner le nom et la raison sociale de l’employeur, le nom et l’adresse du salarié, les éléments détaillés des sommes dues. L’employeur n’est pas tenu de mentionner que le salarié dispose d’un délai de six mois pour dénoncer le reçu pour solde de tout compte, mais c’est utile, en cas de contentieux, pour prouver que le salarié avait signé en toute connaissance de cause.
Le solde de tout compte doit être établi en double exemplaire, dont l’un est remis au salarié. La mention est faite sur le reçu. S’il n’a pas été rédigé en double exemplaire ou si l’un d’eux n’a pas été remis au salarié, il n’a que valeur d’un simple reçu des sommes y figurant et non une valeur libératoire (Cass. soc. du 16 juillet 1997).
Aucune disposition légale n’impose au salarié de signer le reçu.
- Si le solde de tout compte est signé : passé un délai de six mois suivant la signature par le salarié, toutes les sommes qui y sont indiquées ne peuvent plus être contestées. C’est ce qu’on appelle l’effet libératoire du reçu pour solde de tout compte.
- Si le reçu pour solde de tout compte est signé avec réserves : il est privé d’effet libératoire (exemple : « Sous réserve de mes droits »). Toutefois, si les réserves portent sans ambiguïté sur une somme précise, le reçu conservera un effet libératoire à l’égard des autres sommes.
- Si le solde de tout compte n’est pas signé : il n’a pas d’effet libératoire, il a une simple valeur de reçu. Ce qui signifie que le salarié peut contester les sommes qui y figurent dans la limite des délais légaux de prescription (trois ans pour les rappels de salaire). En pratique, si le salarié refuse de signer le solde de tout compte, il est conseillé à l’employeur de lui faire contresigner un document distinct, attestant que le solde de tout compte lui a bien été remis en main propre (bulletin de salaire, courrier annexé au solde de tout compte, etc.). Ou bien, l’employeur peut adresser le solde de tout compte par LRAR. L’employeur peut ainsi se prémunir d’une preuve de la délivrance du solde de tout compte.
Le solde de tout compte peut être dénoncé par le salarié lorsque l’employeur a (intentionnellement ou non) fait une erreur ou un oubli en calculant les différentes rémunérations ou indemnités.
Si le salarié a signé le reçu pour solde de tout compte, il dispose de six mois suivant la date de signature pour le contester. Au-delà de ce délai, le reçu devient libératoire pour l’employeur, mais uniquement pour les sommes qui y sont mentionnées ; pour celles non mentionnées, le délai est porté à trois ans.
La dénonciation peut être faite directement à l’employeur par LR (la loi n’exige pas un AR) ou par saisine du Conseil de prud’hommes. Pour pouvoir produire les effets d’une dénonciation, la convocation devant le bureau de conciliation du Conseil de prud’hommes doit être reçue par l’employeur avant l’expiration du délai de six mois (Cass. soc. du 7 mars 2018).
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