Les importations parallèles ouvertes aux éleveurs, mais sous conditions - La Semaine Vétérinaire n° 1768 du 14/06/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1768 du 14/06/2018

MÉDICAMENTS VÉTÉRINAIRES

ACTU

Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL 

Un décret publié au Journal officiel du 7 juin permet aux éleveurs de déposer des demandes d’autorisations d’importations parallèles auprès de l’Agence nationale du médicament vétérinaire. Une procédure simplifiée en apparence, mais qui prévoit certaines restrictions.

Le projet de décret était entre les mains du Conseil d’État et sa publication attendue pour fin juin. C’est avec un peu d’avance que le décret1, permettant aux éleveurs d’importer des médicaments vétérinaires, a été publié au Journal officiel du 7 juin. Les autorités françaises n’avaient d’autre choix que de se mettre en conformité avec le droit européen et suivre les injonctions de la Commission européenne à ce sujet. Le nouveau cadre réglementaire prévoit les conditions dans lesquelles un éleveur peut importer des médicaments vétérinaires, par exemple, à la frontière espagnole. Est-ce une réponse satisfaisante pour certaines organisations qui militent en faveur de ces importations ? Pas si sûr. En effet, la procédure mise en place ne devrait pas faciliter les importations parallèles aux éleveurs puisqu’elle prévoit des verrous qui paraissent difficiles à contourner. Le vétérinaire reste l’un des rouages essentiels de cette machine.

Une exigence de l’Europe

Est-ce la fin du feuilleton des importations de la discorde ? Il semblerait bien que ce soit le cas. En effet, l’enjeu du dossier des médicaments espagnols importés était in fine d’ouvrir aux éleveurs français la procédure des importations parallèles. Les affaires se sont enchaînées devant le juge français, qui, selon la cour, allait dans le sens du juge européen. La France devait faire évoluer sa réglementation et créer une procédure simplifiée. Cela a été notamment le sens des décisions rendues en octobre 2016 par la Cour de justice de l’Union européenne ou encore, le 1er mars 20182, par la cour d’appel de Pau (Pyrénées-Atlantiques). La réglementation française change à partir du 8 juin au lendemain de la publication du décret au Journal officiel. Ce nouveau cadre réglementaire permettra de sanctionner tout éleveur ne respectant pas les conditions prévues par la loi et qui importe donc de façon illégale des médicaments vétérinaires. En effet, afin de se faire délivrer une autorisation d’importation parallèle, un éleveur doit se rapprocher de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV), qui est adossée à l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), et déposer un dossier spécifique. Les exigences à remplir sont peu encourageantes et pourraient limiter les demandes d’autorisations d’importations. Parmi celles-ci, il y a les obligations de pharmacovigilance des spécialités importées, le réétiquetage ou encore la composition du médicament, qui devra être la même que celle du médicament autorisé sur le marché français.

Des médicaments ciblés pour l’importation

Pour faire l’objet d’une importation, un médicament vétérinaire doit respecter plusieurs conditions détaillées à l’article R.5141-123-6 du Code de la santé publique. La procédure d’importation cible uniquement les médicaments vétérinaires fabriqués par une entreprise d’un État membre ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) ayant obtenu des autorisations de mise sur le marché (AMM) en France pour les mêmes animaux de destination. La spécialité importée doit avoir les mêmes indications thérapeutiques que celles d’une spécialité pharmaceutique vétérinaire ayant obtenu une AMM en France. Par ailleurs, l’éleveur devra, entre autres, s’assurer que son dossier contient bien toutes les pièces exigées par l’ANMV. Sa demande d’autorisation devra notamment mentionner le nom ou la dénomination sociale et l’adresse du demandeur, la dénomination du médicament, le numéro de l’AMM, l’État de provenance, le nom ou la dénomination sociale et l’adresse de l’entreprise ou des entreprises situées dans l’État de provenance, le contenu et la nature du conditionnement de la spécialité telle qu’elle sera commercialisée en France, la quantité de produits importés et, le cas échéant, la prescription vétérinaire.

Une ordonnance vétérinaire obligatoire

Lorsque cela sera nécessaire, l’éleveur joindra à son dossier une ordonnance rédigée par un vétérinaire. C’est le cas s’il souhaite importer des médicaments vétérinaires soumis à prescription. À chaque demande d’importation, il aura l’obligation de se rapprocher du vétérinaire chargé du suivi sanitaire régulier de son élevage. La prescription vétérinaire indiquera précisément la quantité des spécialités à importer pour les animaux identifiés sur l’ordonnance. Le nombre de médicaments importés devra se limiter aux stricts besoins de l’élevage. Autre élément important, la durée de validité de l’autorisation sera alignée sur celle de la prescription vétérinaire. Si elle est délivrée, l’autorisation stipulera donc la quantité précise des produits importés, ainsi qu’une durée de validité. Cette prescription obligatoire réalisée par le vétérinaire chargé du suivi sanitaire régulier de l’élevage devrait aussi limiter les prescriptions de complaisance délivrées par des praticiens espagnols, comme ce fut le cas dans l’affaire présentée devant la cour d’appel en mars dernier.

Réétiquetage et pharmacovigilance

Autres conditions non négociables prévues par le juge européen et appliquée à la lettre dans le décret publié le 7 juin au Journal officiel : le réétiquetage et les obligations de pharmacovigilance qui incombent à l’éleveur. Le titulaire d’une autorisation d’importation parallèle est tenu par les mêmes obligations que le titulaire d’une AMM. Les médicaments importés devront comporter une notice rédigée en français. Ce document devra correspondre aux informations contenues dans l’AMM du médicament vétérinaire déjà sur le marché français. Cette opération est réalisée par le laboratoire pharmaceutique, ayant une autorisation d’exercer une activité de fabrication dans un État membre. Charge donc à l’éleveur de se rapprocher d’un tel établissement, bien que le médicament ne soit importé que pour les besoins de son élevage. Par ailleurs, l’éleveur doit avoir à sa disposition, de façon permanente et continue une personne possédant les qualifications appropriées en matière de pharmacovigilance. Cette ressource doit lui permettre de déclarer à l’ANMV les effets indésirables constatés lors de l’utilisation du médicament importé.

1 bit.ly/2LFuJhW.

2 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1755 du 16/3/2018, page 10 et 11.

1 000 € DE TAXE AU LIEU DE 2 500 €

La France répond aux injonctions de la Commission européenne en permettant aux éleveurs de bénéficier d’une procédure d’autorisation d’importation parallèle de médicaments vétérinaires, pour les besoins de leurs propres élevages. La procédure mise en place par les autorités françaises reprend les exigences énoncées par la Cour de justice de l’Union européenne. Elle ajoute toutefois l’obligation pour l’éleveur de payer une taxe, afin que l’Agence nationale de sécurité sanitaire-Agence nationale du médicament vétérinaire (Anses-ANMV) examine sa demande d’autorisation d’importation parallèle. Ce montant s’élève à 1 000 € pour une demande ou à 500 € pour le renouvellement d’une autorisation. Cette somme est moins élevée que celle à la charge des établissements pharmaceutiques, qui payent 2 500 € pour une demande d’autorisation et 1 500 € pour le renouvellement d’autorisation d’importation parallèle. L’ANMV devrait se prononcer dans un délai de 60 jours.