Maladie hémorragique virale du lapin : aspects cliniques et lésionnels - La Semaine Vétérinaire n° 1768 du 14/06/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1768 du 14/06/2018

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

Formation

La maladie hémorragique virale du lapin (RHD pour Rabbit Hemorrhagic Disease) est une maladie infectieuse qui affecte les lapins domestiques et sauvages de l’espèce Oryctolagus cuniculus. L’agent étiologique, le RHDV, est un calicivirus du genre Lagovirus. La RHD est apparue à la fin des années 1980 en Europe. Un seul sérotype était initialement connu, incluant un variant antigénique RHDVa possédant le même niveau de pathogénicité que le RHDV. À partir de 2010, un nouveau génotype, le RHDV2, a émergé. Actuellement, la maladie revêt différents aspects cliniques souvent liés au virus en cause. Le RHDV donne une maladie plutôt aiguë alors que les formes subaiguës ou chroniques sont plutôt dues au RHDV2. De plus, les lapins de moins de 4 semaines d’âge sont résistants au RHDV, puis la proportion d’animaux sensibles augmente progressivement entre 4 et 8 semaines, pour être totale à 8 ou 9 semaines. En revanche, le RHDV2 touche plus fréquemment les jeunes lapereaux de 4 semaines, souvent même avant le sevrage, avec parfois des cas à 9 jours d’âge.

Différentes évolutions cliniques

La RHD est une hépatite virale, généralement septicémique, et d’évolution communément rapide. Il convient de distinguer quatre grandes évolutions cliniques. Dans la première, hyperaiguë, l’animal ne présente pas de signes cliniques et meurt très rapidement. Dans la forme aiguë, une anorexie, une apathie, une congestion de la conjonctive et des signes neurologiques comme un opisthotonos, une excitation, une paralysie ou de l’ataxie sont observés. Des signes respiratoires peuvent également être présents (trachéite, dyspnée, cyanose), un épistaxis dans 10 % des cas, parfois une rectorragie et plus rarement des hémorragies oculaires. Dans la forme subaiguë, le lapin peut présenter des symptômes similaires à la forme aiguë, mais rester en vie. Le lapin fabrique alors des anticorps lui permettant de survivre à une éventuelle réinfection. Les femelles gestantes atteintes avortent généralement. Cette forme subaiguë est plus fréquemment rencontrée avec le RHDV2. Enfin, une forme chronique de la maladie a été associée à la présence de virions possédant une capside dégradée par l’action des anticorps.

Quelques heures avant sa mort, le lapin présente des difficultés à respirer. Il se poste dans un coin de sa cage, les pattes avant étirées, la tête souvent en l’air et il semble souffrir. Il présente souvent (mais pas systématiquement) une dyspnée et/ou une épistaxis. Un ictère est parfois visible sur la conjonctive. À ce stade, il est en hypothermie (autour de 38 °C). Dans les 12 à 36 heures qui précèdent sa mort, il aura exprimé un pic thermique qui s’élève jusqu’à 41,5 °C. Lors de la mort, le lapin bondit et crie comme il le fait lors d’accident vasculaire ou cardiaque.

La mort de l’animal souvent lié à une CIVD

La maladie se caractérise par une destruction des cellules hépatiques, à l’origine d’une insuffisance hépatique. Les facteurs de coagulation étant produits en moindre quantité et rapidement consommés (la nécrose hépatique libère des facteurs qui activent la coagulation), une épistaxis (sang extériorisé par les narines) ou du sang à l’anus peut être observé. Il s’installe ensuite une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) ou coagulopathie de consommation à l’origine d’un déficit de coagulation qui se traduit par l’apparition de pétéchies et de suffusions, notamment sur les poumons, le cœur, les reins, parfois le colon. Le sang coagule lentement et se retrouve souvent en nature dans la trachée. C’est cette CIVD qui est en général à l’origine de la mort.

De plus, l’insuffisance entraîne un déficit du métabolisme de la bilirubine qui s’accumule rapidement et précocement dans les tissus d’où l’apparition d’ictère flamboyant caractérisé par des séreuses très jaunes. Il s’apprécie nettement au niveau des muqueuses et de la peau, qui peuvent prendre un aspect jaunâtre inhabituel.

La raréfaction des lymphocytes B et T dans le foie et la rate accompagne la maladie et se caractérise par une déficience de la réponse immunitaire et une progression fatale dans les 2 à 3 jours. En revanche, les lapins résistants développent des titres élevés d’IgM (puis d’IgA et d’IgG) dès trois jours après l’infection, présentant ainsi une réponse immunitaire humorale efficace.

Des lésions organiques caractéristiques

L’autopsie révèle une trachéite mucohémorragique, des pétéchies, voire des zones hémorragiques plus étendues, sur le poumon, des pétéchies sur le thymus, correspondant à un processus hémorragique marqué. De façon moins constante, on peut aussi observer une congestion ou des hémorragies au niveau des reins, de la rate, des intestins, du colon. De plus, la rate, les ganglions et le thymus sont hypertrophiés et congestionnés, notamment en début de maladie. Le foie se décolore, jaunit et augmente de volume. Il est classiquement décrit comme ayant un aspect de “feuille morte” ou de foie cuit. Le foie, les poumons et la rate sont les organes primaires les plus constamment lésés. Lors d’un épisode de RHDV2, les lésions observées sont les mêmes que celles de la RHD classique, avec cependant des cas de lésions plus ictériques. L’urine recueillie est jaune clair très marquée, et les lésions hémorragiques des reins sont plus systématiques. Les examens histologiques des organes lors d’épisode à RHDV2 en France depuis 2010 ne montrent pas de différence avec ce qui était observé en 1992. Elles sont semblables aux observations faites lors d’infections expérimentales de RHDV. Le foie est remanié par des foyers de nécrose disséminés de petite taille, avec des microthrombi intracapillaires en nombre variable. Les examens histologiques révèlent aussi un œdème, une nécrose du thymus et une CIVD sur le foie, le rein, le poumon.

Ghislaine Le Gall-Reculé Chercheuse à l’Anses, laboratoire de Ploufragan-Plouzané (Côtes-d’Armor). Samuel Boucher Vétérinaire chez Labovet Conseil (réseau Cristal) aux Herbiers (Vendée). Article rédigé d’après une présentation faite lors des journées de la recherche cunicole au Mans (Sarthe), les 21 et 22 novembre 2017.