MÉDIATION ANIMALE
ACTU
Auteur(s) : PIERRE DUFOUR
Trois premiers chiens ont été éduqués par Handi’chiens pour alerter les personnes atteintes d’épilepsie de l’imminence d’une crise et y répondre de façon adaptée pour les accompagner au cours de celle-ci.
Depuis plusieurs années, les offres en matière d’accompagnement des personnes en situation de handicap se sont diversifiées. Certains chiens sont désormais utilisés par des professionnels de santé. Aujourd’hui, nous travaillons avec des chiens détecteurs de crise d’épilepsie », a annoncé Robert Kohler, président de l’association Handi’chiens, à l’occasion du salon Autonomic consacré à l’handicap, qui s’est déroulé à Paris du 12 au 14 juin. Trois chiens ont d’ores et déjà été formés et placés dans cette indication, grâce à un travail de recherche mené en partenariat avec le laboratoire d’éthologie animale et humaine Ethos, sous la tutelle de l’université de Rennes 1 et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
Jean-Luc Schaff, neurologue au centre hospitalier universitaire de Nancy (Meurthe-et-Moselle), dirige le volet médical d’un établissement pour enfants épileptiques souffrant de crises quotidiennes. L’objectif du centre est d’accompagner ces jeunes et de les aider à se réinsérer. « Plusieurs d’entre eux ont observé un changement de comportement des chiens avant une crise. Dans la littérature, depuis 1990, moins d’une vingtaine d’articles ont été publiés pour expliquer ce phénomène », témoigne-t-il. L’une des pistes serait l’odeur, mais aussi la reconnaissance d’un comportement particulier précédant la crise ou la modification légère de signes végétatifs (fréquence cardiaque, changement du diamètre pupillaire, etc.). Rien ne permet pourtant d’expliquer précisément la capacité de ces chiens à détecter les crises, puisque même un électro-encéphalogramme en est incapable. L’attachement et le lien presque fusionnel homme-animal semblent être des conditions nécessaires.
« Certains chiens d’assistance ont commencé à détecter les crises sans formation, alors pourquoi ne pas se lancer ? », explique Ulrich Deniau, éducateur canin de l’association. Pour éduquer les chiens, il travaille sur l’odorat des animaux et utilise des échantillons de sueur à partir de compresses prélevées sur des humains en crise. Avant que celle-ci ne survienne, le chien prévient l’humain, qui peut se mettre en sécurité. « Ce ne sont encore que des hypothèses, mais nous estimons qu’ils sont capables de prévenir 10 minutes avant la crise, voire une heure », souligne Jean-Luc Schaff. Au moment où elle se manifeste, le chien peut appuyer sur un bouton d’urgence, apporter un téléphone, aboyer pour alerter l’entourage, mais il a aussi un effet apaisant, pouvant diminuer la durée de la crise. Ce même effet apaisant, de réconfort, est très utile quand elle s’achève. Huit à neuf mois de formation sont nécessaires, jalonnés de quelques rencontres avec le futur maître, pour créer du lien et de l’attachement. « Un bon feeling entre l’homme et le chien est essentiel », précise Ulrich Deniau. Puis un stage d’une semaine permet au futur maître d’apprendre les commandes enseignées à l’animal et de s’occuper de lui au quotidien.
Au-delà du rôle de détection, le chien est également un puissant médiateur qui favorise le lien social, le moyen d’accéder ou de réaccéder à la citoyenneté, il permet au patient de sortir, de se déplacer, d’avoir des amis, de récupérer une certaine autonomie sociale. «
Grâce au chien, le regard des gens a changé, ils comprennent qu’un handicap peut être invisible. Il me permet l’espoir d’être indépendante, en sécurité, et de pouvoir assumer ma vie de maman
», témoigne Florence, bénéficiaire d’un des chiens depuis trois mois. Trois chiens ont été placés, pour trois patients sélectionnés suivant différents critères : avoir au moins une crise généralisée par mois (pour continuer le conditionnement du chien) et pouvoir gérer pleinement le chien (pour permettre le développement d’un lien suffisant). De nouvelles promotions de chiens verront le jour. En effet, «
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patients épileptiques sans traitement pharmacologique pourraient avoir une vie meilleure grâce à la médiation animale », conclut Jean-Luc Schaff.
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