Le vétérinaire d’élevage, un acteur compétent en bien-être animal - La Semaine Vétérinaire n° 1769 du 22/06/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1769 du 22/06/2018

ANALYSE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE  

La prise en compte du bien-être animal, notamment en élevage et en abattoir, est d’autant plus indispensable que la perception de la sensibilité animale par la société civile évolue. En effet, selon un baromètre de la Commission européenne de 2016, 94 % des citoyens européens interrogés accordaient de l’importance au bien-être des animaux d’élevage et 82 % pensaient que ces derniers devraient être mieux protégés qu’ils ne le sont actuellement. Face à ce constat, une part croissante des industriels a déjà réagi en intégrant cette notion dans leurs cahiers des charges (par exemple, la marque Brocéliande® de la Cooperl). Par conséquent, les éleveurs doivent comprendre qu’il est essentiel d’améliorer le bien-être des animaux au risque de voir les consommateurs se détourner de leurs productions. Et il est tout aussi nécessaire que les consommateurs soient mieux informés sur les vraies conditions d’élevage et d’abattage des animaux.

Le vétérinaire, un acteur clé du bien-être animal

Pour cela, le vétérinaire a un rôle majeur à jouer comme acteur incontournable du dialogue entre éleveurs, consommateurs, industriels, pouvoirs publics et association de protection animale. Cette mission a d’ailleurs été récemment rappelée par le ministre de l’Alimentation et de l’Agriculture dans sa stratégie nationale 2016-20201 pour le bien-être animal. Dans le même temps, la profession multiple aussi les messages pour positionner le praticien comme un intervenant central dans la garantie du respect de l’animal. Le congrès intitulé « Vétérinaire, professionnel garant du bien-être animal », organisé par le Conseil national de l’Ordre en novembre 2015, ainsi que la mise en place d’une commission bien-être animal par la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV) en sont des exemples.

Des outils scientifiques d’évaluation

Selon la dernière définition donnée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses)2, la notion de bien-être est intimement liée à l’existence d’états mentaux et d’émotions chez les animaux. Cet état résulte directement de la manière dont l’animal perçoit la situation à laquelle il est confronté. Il est donc primordial d’analyser aussi les réponses des animaux (bien-être) et non de se limiter à évaluer leur environnement en leur fournissant des conditions de vie perçues comme optimales (bientraitance). Cependant, l’évaluation n’est pas pour autant aisée en élevage. Aussi, des définitions opérationnelles reposant sur des critères objectifs et fondés sur les animaux ont été proposées. L’évaluation du bien-être en ferme s’intéresse à quatre grands principes indépendants : alimentation, logement, santé et comportement, eux-mêmes divisés en 12 sous-critères (absence de faim ou de soif prolongées, notamment). Les protocoles Welfare Quality ® 3(bovins, porcins, volaille) et Animal Welfare Indicators (Awin® : équidés, ovins, caprins, dindes) sont des outils validés et utilisables pour évaluer le bien-être des animaux3.

Des compétences acquises

Le vétérinaire doit prendre conscience qu’il possède déjà, de par sa formation, la majorité des compétences nécessaires à l’expertise et à l’amélioration des conditions d’élevage des animaux. Tout d’abord, par sa mission de garant de leur bonne santé, mais aussi par son rôle central dans la prévention et la gestion de l’absence de douleur (analgésiques, anesthésiques, conseils pour supprimer une source de souffrance ou substituer une pratique douloureuse). L’évaluation de l’alimentation, du logement et de leur impact sur la santé des animaux sont également des critères de bien-être, habituellement pris en compte par les vétérinaires dans leurs diagnostics. Enfin, ils peuvent également acquérir les compétences nécessaires à l’évaluation du comportement des animaux. Depuis le début des années 2000, des enseignements en comportement et en bien-être animal (dont la chaire partenariale créée en mars 2018 à VetAgro Sup, à Lyon) sont ainsi en place dans les écoles vétérinaires ou en formation continue, et de nombreux ouvrages à ce sujet ont été publiés4.

1 bit.ly/2GbvBgc.

2 La Semaine Vétérinaire n° 1763 du 11/5/2018, page 12.

3 bit.ly/2lfCIHH.

4 Par exemple : Mellor D. J., Bayvel D. Bien-être animal : quelles évolutions ? OIE, 2014.

Alice de Boyer des Roches Maître de conférence en zootechnie et bien-être animal à VetAgro Sup (Lyon). Article rédigé d’après une présentation faite lors du congrès de la SNGTV à Nantes (Loire-Atlantique), le 16 mai.