Maladie, décès, infirmité : l’employeur doit anticiper le pire - La Semaine Vétérinaire n° 1769 du 22/06/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1769 du 22/06/2018

PRÉVOYANCE

ÉCO GESTION

Auteur(s) : FRANÇOISE SIGOT 

Habitué à organiser la vie de sa structure, l’associé majoritaire d’une clinique se pose rarement la question de savoir ce qu’il adviendrait de sa clinique et de ses collaborateurs s’il venait à devoir s’absenter durant une longue période ou, pire, à disparaître. À tort car, avec un minimum d'anticipation, il est possible de protéger son entreprise et ses proches.

Le sujet est à tout le moins sensible, voire souvent tabou, et pourtant il ne devrait surtout pas être ignoré. Comme les autres, les chefs d’entreprise ne sont pas à l’abri d’un pépin de santé, voire pire. Mais face à leur disparition ou à leur infirmité, ils laissent une double famille – la leur et leur entreprise – dans la peine et les problèmes. Il est donc crucial d’aborder ce sujet et surtout d’anticiper l’éventuelle incapacité à continuer d’assumer sa mission au sein de la clinique. Ou l’impossibilité de l’assumer dans les mêmes conditions qu’avant une maladie ou un accident. En effet, de nombreuses solutions existent pour parer aux imprévus (accident, maladie ou décès), mais encore faut-il s’en occuper avant que le pire n’arrive. « Dans l’idéal, ces questions doivent être abordées lors de la création de la clinique ou dans les toutes premières années d’exercice », conseille Anne-Hélène Mathieu, expert-comptable au sein du cabinet Coaltys. « En effet, plus la clinique se développe, plus elle prend de la valeur et plus l’enjeu financier est important », ajoute-t-elle. Sans cette précaution, tout gros problème de santé entraînant une absence prolongée sera synonyme de désorganisation pour la clinique et, si jamais le décès survient, les héritiers du dirigeant devront gérer la situation et assumer toutes ses obligations, ce qui dans la majorité des cas abouti à la fin de l’entreprise individuelle et fragilise considérablement une structure avec plusieurs associés.

Les conséquences de la forme juridique et du régime matrimonial

Si les questions de la maladie et du décès sont à anticiper, c’est simplement parce que le choix de la forme juridique fait lors de la création ou de la reprise d’une clinique a un impact décisif sur ces sujets. « Dans le cas d’une entreprise individuelle, lorsque le dirigeant se retrouve en incapacité ou décède, le risque que l’activité décline est important, surtout au sein d’une clinique vétérinaire s’il n’y a pas d’autres vétérinaires diplômés pouvant assurer les actes », souligne l’expert-comptable. Au sein d’une société comptant plusieurs associés, ce risque est moindre, mais il n’est pas inexistant. « L’incapacité ou le décès d’un associé entraîne inévitablement une désorganisation et elle se double de conséquences tout autant délicates à gérer si le pire n’a pas été anticipé. En effet, en cas de décès, les parts sociales reviennent aux héritiers. Plus ces derniers sont nombreux, plus il est difficile de gérer une telle situation, d’autant plus si les héritiers sont totalement étrangers au milieu vétérinaire », fait valoir Anne-Hélène Mathieu. L’autre élément impactant fortement une succession est le régime matrimonial, spécialement celui de la communauté, qui signifie que le conjoint possède 50 % de l’entreprise quelle que soit la forme de cette dernière. « Bien choisir son régime matrimonial permet d’anticiper des situations potentiellement conflictuelles qui mettraient en danger la pérennité de l’entreprise comme le décès lorsque la succession génère des confrontations entre héritiers », estime l’expert-comptable.

Souscrire un contrat de prévoyance

Une fois les questions de statut et de régime matrimonial réglées, il convient de s’assurer pour faire face au mieux à la maladie, à l’incapacité ou au décès. En la matière, les solutions ne manquent pas et elles sont là encore à souscrire dès la création ou l’association au sein d’une clinique vétérinaire. Le plus difficile ne sera pas de trouver le contrat de prévoyance, mais de choisir le mieux adapté à sa situation au regard de la myriade d’offres. « Les contrats les plus communs sont les assurances décès et invalidité. Les contrats dit “homme clé” sont aussi très prisés par les diri geants. Ils prévoient qu’un capital sera versé afin de pallier une baisse brutale du chiffre d’affaires, de faire face aux charges fixes, de répondre aux engagements financiers, sociaux et économiques de l’entreprise, voire de recourir à une aide externe. Par ailleurs, il existe d’autres contrats, moins connus, mais qui peuvent avoir un intérêt pour l’entreprise. Il s’agit, par exemple, de produits d’assurances permettant à l’entreprise de couvrir ses frais généraux durant une période définie. D’autres proposent des couvertures fiscales, car certaines garanties génèrent des profits pour l’entreprise et donc des prélèvements fiscaux plus importants », égraine Anne-Hélène Mathieu. Pour arbitrer entre ces nombreux contrats, il est essentiel de prendre en compte sa situation personnelle, car du contrat de prévoyance dépendront les indemnités versées au dirigeant durant son absence. Mais dans une entreprise où il existe plusieurs associés, il est aussi indispensable de réfléchir entre associés pour paramétrer les garanties en fonction des besoins de la clinique.

Organiser la suite sur le plan juridique

« Le régime matrimonial et la prévoyance sont les deux éléments indispensables à mettre en place pour anticiper les conséquences d’un événement dramatique, mais ils ne sont pas les seuls. Pour aller encore plus loin, le dirigeant peut prévoir plusieurs outils juridiques, relativement simples et très protecteurs pour son entreprise et sa famille », explique Anne-Hélène Mathieu. Le mandat de protection future permet de désigner celui qui va gérer la clinique en cas d’incapacité ou de maladie. Le mandat à effet posthume prévoit, quant à lui, le dirigeant qui prendra le relais en cas de décès. Il est également possible de désigner un tuteur pour un ou des héritiers mineurs, permettant ainsi d’assurer la pérennité de la clinique en cas de décès. D’autres contrats comme le pacte entre associés permet d’organiser le transfert de la gérance en cas d’incapacité. « Ces actes unilatéraux ou bilatéraux peuvent être fait sous seing privé, mais il est préférable de les faire rédiger par un notaire, car le choix des mots et de la rédaction n’est pas sans conséquence », souligne l’expert-comptable. Par ailleurs, au sein d’une structure réunissant plusieurs associés, ces actes doivent être discutés en amont avec l’ensemble des actionnaires. L’objectif étant de s’accorder sur les solutions mises en place si l’un d’entre eux rencontre un problème de santé, voire pire, et de s’assurer que chacun prend le même type de disposition de nature à préserver la clinique. Enfin, même si ces démarches sont avant tout personnelles, avant de s’engager sur un contrat de prévoyance ou sur un acte juridique, il est préférable de prendre conseil auprès de son expert-comptable, de son avocat et de son notaire. Il est en effet indispensable d’adapter chaque décision au regard de sa situation personnelle et de celle de sa structure. Car ce qui convient à un confrère n’est pas toujours la solution la mieux adaptée à son cas personnel…

TROIS PILIERS POUR PROTÉGER SON ENTREPRISE


•Le régime matrimonial : de lui dépend l’avenir de la société en cas de décès, puisqu’il décide à qui revient l’entreprise individuelle ou les parts sociales d’une entreprise collective en cas de décès.

•La prévoyance : elle permet d’assurer le dirigeant en cas de problème de santé et de lui faire bénéficier d’un revenu de substitution. Ces contrats d’assurance prévoient aussi des concours financiers pour l’entreprise.

•Les actes juridiques : ils permettent d’organiser avec précision les conséquences de la maladie, de l’incapacité ou du décès. Ils représentent une garantie supplémentaire et souvent décisive pour assurer la pérennité d’une entreprise face à la maladie, à l’incapacité et au décès du dirigeant ou du codirigeant.